Qu’il est loin le temps où il était question d’une participation russe au projet de bouclier antimissile de l’Otan. On se tapait presque dans le dos en se disant que la guerre froide était terminée, qu’il fallait « coopérer » et, que, de l’aveu même de l’actuel locataire du Kremlin, Dmitri Medvedev, la période de tension entre Moscou et l’Alliance atlantique était « révolue ». En fait, cela ne fait qu’un an, presque jour pour jour.
Depuis, cette fameuse coopération russe au bouclier antimissile de l’Otan, qui repose essentiellement sur des moyens américains, a fait long feu, les négociations étant dans l’impasse. Pour les responsables de l’Alliance atlantique, cette collaboration doit se limiter à des échanges d’informations et à la mise en place de procédures d’alertes mutuelles. Or, Moscou aurait souhaité jouer un rôle plus important, notamment en prenant en charge la destruction d’éventuels missiles qui viendraient à survoler son territoire pour frapper l’Europe.
Pour la Russie, cette défense antimissile de l’Otan mettrait en péril la crédibilité de sa dissuasion nucléaire et le déploiement d’éléments de ce bouclier dans son ancienne zone d’influence (Roumanie, Pologne) ou près de ses frontières (Turquie) n’est pas de nature à la conforter dans son opinion que ce dispositif de la cible pas spécifiquement, d’autant plus que le dernier concept stratégique de l’Alliance ne désigne pas de menaces particulières, même si l’on sait, selon ses dirigeants, qu’il s’agit d’empêcher une attaque de missiles balistiques venant d’Iran ou de Corée du Nord.
A plusieurs reprises, le président Medvedev a tapé du poing sur la table, comme par exemple en évoquant, en mai dernier, une reprise de la guerre froide. Ou encore comme le 23 novembre, en menaçant d’installer des missiles balistiques ayant une portée pouvant aller de 280 à 500 km dans l’enclave russe de Kaliningrad, c’est à dire à proximité des pays baltes et de la Pologne.
Le cas échéant, « la Fédération de Russie déploiera dans l’ouest et le sud du pays des systèmes offensifs modernes, qui garantiront la destruction des installations européennes de la défense antimissile des Etats-Unis », a en effet déclaré le président Medvedev à l’occasion d’une allocution télévisée. « Une de ces mesures sera le déploiement d’une batterie de missiles Iskander dans la région de Kaliningrad », a-t-il précisé.
« En cas d’évolution défavorable de la situation, la Russie se réserve le droit de renoncer à toute avancée ultérieure dans le domaine du désarmement », a encore ajouté Dmitri Medvedev, ce qui veut dire que Moscou pourrait décider de plus appliquer le traité nouveau START, entrée en vigueur en février dernier et qui est le symbole de la politique de « reset » initiée par le président américain Barack Obama en vue d’améliorer les relations russo-américaines. Toutefois, le chef du Kremlin a indiqué qu’il « ne fermait pas la porte » aux négociations. « Il y a encore du temps pour parvenir à la compréhension mutuelle ».
Du côté américain, où l’on est habitué à ce genre de déclarations, l’on a fait savoir qu’il n’est pas question de modifier le déploiement du bouclier antimissile. « Les Etats-Unis ont fait preuve d’ouverture et de transparence avec la Russie quant à nos projets de défense antimissile en Europe, qui répondent à une menace de plus en plus importante contre nos alliés de la part de l’Iran, et que nous sommes engagés à dissuader » a répondu Tommy Victor, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC).
« Via de nombreux canaux de communication, nous avons expliqué aux responsables russes que les systèmes antimissile dont le déploiement est prévu en Europe ne menacent pas, et ne peuvent pas menacer la dissuasion stratégique de la Russie », a-t-il poursuivi. « L’application du nouveau traité START continue à bien se dérouler et toute menace de s’en retirer n’est pas justifiée à notre avis », a-t-il également estimé.
Ce haussement de ton du président russe à l’égard de Washington peut s’expliquer par des raisons électorales, étant donné que des élections législatives doivent prochainement avoir lieu. Et dans un pays où plus des deux tiers de la population sont plutôt hostiles aux Etats-Unis, ce genre de sortie est porteur. D’autant plus que les militaires russes voient encore dans l’Ouest un ennemi potentiel.
Cependant, l’Otan a constaté, sur la période 2009-2010, un renforcement des effectifs militaires russes dans le district de Leningrad, près des Etats baltes, lesquels sont passés de 16.500 à 25.700 hommes. Sans oublier le déploiement, près de Saint-Petersbourg, de la 26e brigade de missiles, équipée de SS-26 Iskander M, de même que des batteries de défense aérienne S-300 et S-400 venues de Moscou.