Bombay a-t-il vécu son 11 septembre ? Al-Qaida et les services secrets pakistanais sont-ils derrière les commandos qui ont ensanglantés la capitale économique de l’Inde ? Si on se contente de lire la grande presse c’est ce que l’on va penser. Les journaleux qui commentent l’actualité ne cessent de gloser sur les raisons pour lesquelles des terroriste islamistes ont ciblé des touristes étrangers, pourquoi ils ont choisi cette ville et quelles conséquences géopolitiques ils espèrent initier par leur action. Chacun répercutant a qui mieux mieux, les accusations du gouvernement indien et des think tanks néo-conservateurs : les terroristes viennent de l’extérieur et ils ont suivis les consignes de leaders que l’on rattache au réseau de Ben Laden.
Cette analyse à deux immenses avantages. Elle contribue tout d’abord à renforcer la paranoïa occidentale et permet de conforter la thèse du terrorisme mondial islamique et du choc des civilisations. Ensuite, elle donne une explication facile à un événement dont les causes sont trop complexes pour être relatée simplement.
Les spécialistes, quant à eux, sont plus circonspects. Ainsi, François Géré, président de l’Institut français d’analyse stratégique, déclare au Figaro : « Tout cela n’a rien à voir avec al-Qaida. Il s’agit plutôt d’individus qui agissent dans leur région, en fonction de leurs objectifs propres », tandis que Roland Jacquard, directeur de l’Observatoire international du terrorisme, précise lui qu’il « ne crois pas à une implication directe du gouvernement pakistanais ». Mais la voix de ces chercheurs pèse peu face à la grosse artillerie des médias.
Quand aux véritables journalistes de terrain personne ne les écoute et c’est bien dommage. Marie France Calle, par exemple, qui est la correspondante du Figaro en Inde, nous donne sur son blog (http://blog.lefigaro.fr/inde/marie-...) une analyse qui n’a rien à voir avec le géopolitiquement correct.
Pour elle, les événements de Bombay ne sont rien d’autre qu’une nouvelle manifestation d’un terrorisme musulman autochtone à l’Inde et particulièrement sanglant qui dure depuis de nombreuses années. Ainsi écrit-elle : « Le monde entier a été choqué par l’"invasion" de Bombay par des militants islamistes. C’est suffisamment rare pour mériter d’être souligné. Au cours des derniers mois, l’Inde a connu de multiples attentats, à Jaïpur, Ahmedabad, Delhi... Chaque fois, il y avait entre 50 et 80 morts, mais cela n’a jamais troublé outre mesure l’Occident. Cela restait une affaire indienne... Parce que les attaques du 26 novembre ont touché des étrangers, elles ont pris un relief particulier. Et parce que des Occidentaux se trouvaient dans les cinq étoiles lorsqu’ils ont été pris d’assaut par les terroristes, beaucoup ont immédiatement pensé, à l’Ouest, que l’on assistait à une "internationalisation du terrorisme" en Inde. Faux. C’est l’Inde qui était visée et, par ricochet, les visiteurs du monde entier qui s’y rendent tout au long de l’année. Je tiens juste à le rappeler, sur les quelque 200 personnes qui ont payé de leur vie les monstrueuses fusillades de Bombay, la grande majorité étaient des Indiens. » Et de nous préciser : « Rattan Keswani, le président de l’hôtel Trident/Oberoi, a indiqué que contrairement à ce qui avait été dit, les terroristes n’auraient pas "sélectionné" et "retenu" à part les personnes possédant un passeport américain ou britannique. » mais que « les islamistes n’ont pas fait dans le détail. Ils ont tiré dans le tas. »
Un fois admis qu’il n’a rien à voir avec al-Qaida, défaut d’excuser le terrorisme musulman en Inde on peut au moins tenter de l’expliquer. Et là, rien de plus simple. De la destruction de la Babri Masjid d’Ayodhya en 1992 à nos jours, en passant par les pogrom anti-musulmans du Gujarat (2.000 morts en 2002) et anti-chrétiens en Orissa et au Karnakata de cet été (voir un précédent éditorial de ce site), l’Inde est de plus en plus travaillé par un courant identitaire qui assimile la nation à la religion hindoue. Conclusion, être musulman ou chrétien en Inde revient, de plus en plus, à être un citoyen de seconde zone et un étranger dans son propre pays. Ceux qui ne s’y résolvent pas n’ont pas même le choix de la voie politique parlementaire puisque étant minoritaires ils ne peuvent quasiment pas avoir d’élus. La lutte armée et la voie du terrorisme peuvent alors sembler la seule solution aux plus désespérés ou aux plus impatients. Il est notable qu’elles ne sont pas choisies que par les musulmans, ceux-ci y étant concurrencés tant par des nationalismes séparatistes que par quelques groupes marxistes-léninistes.
Cela dit, en marge du massacre de Bombay, un événement est passé quasi-inaperçu. On sait que neuf juifs y sont décédés dans l’attaque d’un hôtel confessionnel. L’un d’entre eux était Aryeh Leib Teitelbaum, membre du courant hassidique Satmar.
Dès la confirmation de la mort de ses compatriotes, le gouvernement de l’entité sioniste a proposé ses services aux familles pour le rapatriement des corps et décidé de leur accorder des funérailles nationales. Immédiatement, les proches de Teitelbaum, appuyée par les responsables de la Hassidout Satmar, se sont opposés au souhait d’Israël de considérer les victimes de l’attentat comme « victimes du terrorisme », et de financer leurs obsèques. Dans un communiqué adressé au ministre Yaakov Edery, responsables des Cérémonies officielles, la famille déclarait lundi : « Nous ne voulons pas que l’Etat d’Israël se mêle de notre deuil, Aryeh Leib Teitelbaum n’était pas un émissaire sioniste envoyé par Israël, et cet Etat n’a pas le droit de danser autour de son cadavre. Un enterrement sioniste serait une profanation de la mémoire du défunt » La famille demandait également « à ce que le cercueil ne soit pas couvert d’un drapeau israélien, et qu’aucun officiel israélien ne soit présent à l’aéroport pour accueillir la dépouille ». Shmouel Pappenheim, membre de la Hassidout Satmar, n’hésita pas à accuser au même moment Israël « de vouloir profiter des corps de victimes exposés avec le drapeau pour montrer au monde entier que l’Etat d’Israël est victime du terrorisme du Jihad, ce que notre mouvement refuse catégoriquement. Teitelbaum était citoyen américain, et ce n’est pas parce qu’il habitait en Israël que l’Etat a le droit de l’utiliser ainsi » insista-t-il.