Après que le Su-24 russe a été descendu par les Turcs, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a qualifié l’attaque de provocation planifiée. Allant plus loin, il a insinué que les USA ont donné l’autorisation d’abattre l’avion aux Turcs. Il a expliqué que les pays munis d’armes fabriquées par les USA doivent avoir la permission de ceux-ci avant de s’en servir en opération. L’avion qui a abattu le Su-24 était un F-16 de fabrication US. Il existe effectivement des preuves suggérant que non seulement les USA ont donné leur aval à la Turquie, mais qu’ils tiraient en coulisses les ficelles de l’opération entière.
Deux aéronefs russes ont été attaqués ce jour-là, mais le second incident a été bien moins médiatisé. Un hélicoptère russe a été détruit par des missiles antichars TOW fournis par les USA à l’armée syrienne libre (ASL), qui est parrainée par la CIA. L’hélicoptère était en mission de secours pour retrouver les pilotes disparus du Su-24, et l’attaque a entraîné la mort d’un Marine russe. Du fait que les USA soutiennent l’ASL et lui ont fourni les missiles TOW utilisés dans l’attaque, ils en sont au moins indirectement responsables, si ce n’est entièrement complices. Mais au lieu de présenter des excuses à la Russie, Mark Toner, porte-parole du département d’État US, a justifié la conduite de l’ASL. Il a aussi défendu les agissements des insurgés turkmènes, qui ont tiré sur les pilotes russes lors de leur descente en parachute, un crime de guerre en vertu de la première Convention de Genève. Ce genre d’attitude antagoniste révèle que les USA n’étaient pas contrariés par les attaques contre la Russie.
Dans les mois ayant précédé l’attaque, plusieurs indices ont montré que les USA savaient ce qui allait arriver. Le 3 septembre, les familles des membres du personnel étasunien ont été invitées à évacuer la base aérienne d’Incirlik en Turquie, et ont eu jusqu’au 1er octobre pour le faire. Le 3 novembre, les USA ont déployé en Turquie des avions de chasse F-15, spécifiquement conçus pour le combat aérien. Comme l’EI n’a aucun avion, la cible ne pouvait être que les avions russes. Plus important encore, le 21 octobre, les USA et la Russie ont signé un protocole de désengagement visant à éviter tout clash dans les cieux syriens. Il imposait de fournir aux USA des informations sur où et quand la Russie effectuerait des sorties. Le Président russe Vladimir Poutine a suggéré que les USA aient transmis ces informations à la Turquie, qui les a utilisées pour abattre le Sukhoi-24.
Dans les mois ayant précédé l’attaque, les faucons de guerre étasuniens exigeaient de plus en plus une confrontation directe avec la Russie, un acte pouvant aboutir à une troisième guerre mondiale. Plusieurs candidats aux présidentielles US, dont Hillary Clinton, ont effectivement demandé d’abattre un avion russe. Parmi les commentaires les plus catégoriques, on trouve :
Chris Christie : « Mon premier appel téléphonique serait pour Vladimir, et je lui dirais, écoutez, nous allons respecter cette zone d’exclusion aérienne », ajoutant qu’il abattrait les avions de guerre russes qui violeraient la zone d’exclusion aérienne.
Jeb Bush : « Il nous faut des zones d’exclusion aérienne. L’argument est, eh bien nous entrerons en conflit avec la Russie, peut-être que la Russie ne veut pas être en conflit avec nous. Je veux dire, cette situation est terriblement nécessitée par le leadership US. »