Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer était lundi 10 septembre 2018 l’invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV. Il aborde plusieurs points assez classiques sur l’école (l’internat, les toilettes), qui concerne 12 millions d’enfants et de jeunes cette année, mais surtout le cas de l’apprentissage de l’arabe à l’école, qui a créé pas mal d’ennuis à Najat Belkacem sous le quinquennat précédent.
C’est à 15’27, alors que Blanquer insiste sur la laïcité, que Bourdin évoque le sujet qui le taraude : l’arabe à l’école... Le sujet chaud bouillant par excellence ! Il s’agit pour Blanquer de contrer le soft power islamiste...
Bourdin à 16’38 : « Il faut relancer l’apprentissage de la langue arabe tant les cours d’arabe dans les mosquées sont devenus pour les islamistes le meilleur moyen d’attirer des jeunes dans leurs mosquées et écoles ! »
Blanquer : « Ce sont des sujets qui sont tellement délicats que on ne peut pas les amener comme vous êtes en train de le faire... »
Ensuite, Blanquer essaye de déminer le sujet en le noyant dans un projet plus global :
« D’abord un il y a le développement de l’apprentissage des langues, et l’arabe est une langue très importante comme d’autres grandes langues de civilisation, je pense au chinois qui est en train de se développer beaucoup ou au russe. Donc oui il faut développer ces langues, l’arabe, le chinois, le russe... Il faut donner du prestige à ces langues, et c’est particulièrement vrai pour l’arabe qui est une très grande langue littéraire et qui doit être appris pas seulement par les personnes qui sont d’origine maghrébine ou d’origine des pays de langue arabe. Et donc c’est toute cette stratégie qualitative vis-à-vis de la langue arabe que nous avons menée. Nous allons aussi questionner la façon dont l’arabe s’apprend aujourd’hui dans les structures dédiées avec les dérives communautaristes que vous venez de dire, et donc c’est cette vision d’ensemble que nous allons avoir. »
Mais Bourdin n’attendait que ça ! Il saute sur l’occasion pour lancer sa conclusion : des élèves de 6e pourront apprendre l’arabe dans les collèges français ! Sur Drahi TV, c’est un scoop nucléaire qui vaut de l’or. Mais l’angle choisi par Blanquer est habile : il s’agit à la fois de valoriser cette langue qui a une mauvaise image en France – c’est la langue des immigrés, des pauvres, des réprouvés, des racailles et des terroristes ! – pour en faire une langue étrangère comme les autres. Même si l’arabe en France ne peut pas être complètement une langue étrangère comme les autres.
« Blanquer l’islamiste » ! « Ali Blanquer » ! (On peut s’attendre à ce genre de titre chez les nationaux-sionistes)
Les uns crieront à l’opération de charme en direction de la communauté arabe en France, que ses membres soient français de fraîche ou de vieille date, une façon d’obtenir la paix sociale dans les collèges en valorisant la double culture ; les autres dénonceront une attaque en règle contre la langue française, la langue arabe étant considérée comme une langue ennemie, une langue de remplacement.
Il y a une autre voie, qui part de la réalité qui est que tous les enfants d’immigrés maghrébins ne parlent pas l’arabe, ou pas très bien, à part trois mots pour faire « genre » ou ne pas se faire comprendre des flics et des profs. Il y a une mode de l’arabe de rue qui a remplacé l’argot et le verlan, mais la langue de la rue a toujours été celle des plus faibles, des plus pauvres.
D’ailleurs, les dicos franco-arabes de rue foisonnent, les langues française et arabe se mélangent – l’image est osée – pour donner non pas un français de pacotille, mais un nouvel étage tout en bas. Au-dessus, que les Renaud Camus et Finky se rassurent, il reste toujours le français académique, que toujours aussi peu de Français parlent, et ce sont souvent les Africains francophones qui le parlent le mieux. Comme quoi, avec les langues, il peut y avoir de drôles de surprises...
Justement, si le français recule en Europe, notamment dans les institutions internationales, alors qu’il était encore il y a peu l’équivalent de l’anglais, il se développe en Afrique. Le français, eh oui madame, sera la seconde langue la plus parlée au monde grâce au développement démographique de l’Afrique : en 2050, un quart de la population mondiale sera africaine. Et le français, c’est l’anglais de l’Afrique.
« Contrairement à ce qu’annoncent les pessimistes, le français continue de rayonner autour du monde. C’est une petite surprise, mais, d’après une étude de l’Institut européen d’administration des affaires, il s’agirait de la troisième langue la plus parlée au monde, explique Le Figaro. “Une place due à son influence culturelle et à sa force économique”, explique le quotidien. Le français compte en effet moins de locuteurs que d’autres langues, 274 millions selon le rapport de l’Organisation internationale de la francophonie, mais, selon cette nouvelle étude, il serait la troisième langue des affaires dans le monde. » (Le Point)
Blanquer vient d’allumer une mèche, on verra si la charge pète au bon endroit.
La première explosion est pour Dupont-Aignan :
Enseignement de l'arabe : "Je ne veux pas de l'arabisation de la France" déclare Nicolas Dupont-Aignan pic.twitter.com/VaHDLKPFwD
— BFMTV (@BFMTV) 11 septembre 2018