Prologue : perles du bac 2019 envoyées par les correcteurs au magazine L’Étudiant
« La vérité a deux sens : être vrai ou être fausse. »
« La certitude, elle ne douta pas, elle est sûre »
« Si le rêve de quelqu’un est de devenir très fort au baby-foot il n’a qu’à obtenir son permis de construire pour une véranda par exemple où il y installera son baby-foot. Ce qui lui permettra d’être heureux. »
« Après la Seconde Guerre mondiale, dans les années 20, un nouveau média apparaît : internet. »
« Malgré le développement de la radio, le Président de la République Valéry Giscard d’Estaing la censure énormément. Pompidou son successeur suit ses traces en censurant lui aussi la radio. »
« Les principaux contributeur budgétaire sont au nord, sont des pays dévellopés, sont des pays où règne la pacificité et l’organisation politique »
Perles du Bac 2018 en vrac (Philo, Histoire-Géo)
« La mondialisation est le fait de rendre mondial quelque chose de local. »
« Le Brésil est de moins en moins considéré comme "le boulet" de l’Amérique. »
« Les conditions météorologiques de l’Afrique ne lui permettent pas de s’intégrer dans la mondialisation : il y fait affreusement trop chaud. »
« Il y a de nombreuses tensions en Mer de Chine à cause des îles japonaises de Suzuki et Hiroshima. »
« Ce n’est pas la culture qui nous rend humain, c’est l’humain qui nous rend culture. »
« La culture permet de remplir le cerveau humain avec des jolies choses. C’est indispensable car sans la culture, nous nous battrons tout le temps comme des chiens enragés. »
« La vie c’est comme un sachet qui flotte, il faut se laisse diriger par le vent et arrêter de toujours vouloir tout contrôler. »
« La mort de Johnny nous a bien montré que même le président de la république n’est pas insensible à l’art. »
Perles du Bac 2017 en vrac
« La calomnie se répand comme une traînée de poulpes »
« La culture permet à l’homme de sortir de l’animalerie »
« Mao s’est inspiré d’Hitler : le petit livre rouge ressemble à Mein Kampf »
« les chinois sont très intelligents pour compenser leurs petites tailles »
Pour nous, la meilleure de toutes est celle-ci :
« On trouve le cerveau chez l’homme, la cervelle chez la femme et le cervelet chez l’enfant »
Les résultats du baccalauréat doivent tomber ce vendredi 5 juillet. Mais, alors que gronde la colère des professeurs face aux réformes de Jean-Michel Blanquer, certains alertent contre la chute vertigineuse du niveau des copies au baccalauréat. René Chiche, professeur de philosophie, témoigne.
Professeur de philosophie, vous avez relayé des copies de baccalauréat pour le moins calamiteuses. Comment considérer celles-ci au regard de notre système éducatif ?
René Chiche : On a davantage coutume d’entendre les professeurs se plaindre des copies qu’ils lisent qu’en louer la qualité, tout simplement parce que celles qui méritent des éloges sont effectivement rares. Il en a toujours été ainsi. Quelques-uns en concluent que nous passons notre temps à nous plaindre de la baisse du niveau, certains allant même jusqu’à exhiber des « c’était mieux avant » déjà proférés dans les années 60, voire au début du dernier siècle, pour considérer la baisse du niveau telle une vieille rengaine tandis que d’autres n’hésitent pas à qualifier de mythe ce qui est pourtant l’objet d’un constat sans appel. Ces gens ont-ils jamais lu une seule copie ? Qui sont donc ceux, et au nom de quelle expertise, qui se permettent de disqualifier la parole des professeurs, et de pontifier sur un niveau qui monte sous prétexte que les élèves d’aujourd’hui auraient, la belle affaire, de « nouvelles compétences » ? Ils entretiennent ce faisant une illusion, voire l’un des plus gros mensonges d’État !
Alors, parce que j’en ai assez d’un tel déni, j’ai décidé en effet de dire les choses sans détour et de fournir cette fois des preuves, ce qui m’a poussé à rendre publiques sur Twitter quelques lignes d’une copie que j’étais en train de lire afin que chacun mesure l’ampleur du désastre. Oui, je dis bien désastre : en 25 ans d’enseignement et de participation au jury du baccalauréat, je n’avais jamais lu autant de copies indigentes, car celle dont j’ai publié quelques lignes n’est pas la plus mauvaise copie que j’ai lue et est hélas parfaitement représentative du lot tout entier, comme d’ailleurs d’une grande partie des copies que je lis durant l’année ! Et je n’emploie pas le terme indigent pour qualifier de simples « perles » dont on pourrait en effet sourire, comme le fait de parler de « l’allégorie de la caserne » pour désigner l’allégorie de la caverne par exemple, ou d’écrire « l’aliénisation » à la place de l’aliénation, encore que, dans ce dernier cas, on peut douter que la déformation du mot s’explique par une simple inattention du candidat. Il y a toujours eu des mauvaises, voire très mauvaises copies, mais en même quantité que les bonnes et les excellentes, c’est-à-dire fort peu. Et ce dans des lots qui, il faut le souligner, brassent des candidats en provenance d’établissements fort différents ce qui, soit dit en passant, assure à l’examen du baccalauréat sa forme républicaine, laquelle est vouée à disparaître par l’introduction du contrôle continu à hauteur de 40% qui, inévitablement, va faire passer l’équité aux oubliettes en même temps que l’anonymat, et transformer un examen dont il ne reste plus grand-chose déjà en simple brevet des lycées !
Mais ce qu’on constate de plus en plus fréquemment depuis quelques années, et que je n’avais pour ma part jamais observé dans de telles proportions, ce sont des lots entiers de copies parfaitement indigentes à tout point de vue, dont il est difficile de distinguer la forme du fond parce qu’elles sont écrites en un charabia qui emprunte vaguement au français comme à une langue étrangère. Il est à vrai dire quasiment impossible de noter de telles copies car, pour être en mesure de les évaluer, il faut non seulement relire plusieurs fois chaque phrase afin d’en comprendre le sens mais, faute d’y parvenir dans la plupart des cas, on doit finalement deviner l’intention de l’auteur, de sorte qu’on en vient à évaluer le plus souvent une copie que l’on a soi-même entièrement reconstruite, ce qui certes permet de ne pas lui mettre deux ou trois sur vingt, comme on est tenté de le faire à première lecture ! Cependant, lorsqu’on doit effectuer une telle gymnastique sur non pas cinq ni dix mais une bonne centaine de copies, on se dit en effet que quelque chose ne va pas, que quelque chose ne va plus du tout, et l’on éprouve une profonde tristesse pour ces jeunes gens qui sont parvenus jusqu’en terminale dans un tel état, ainsi qu’une immense colère envers les responsables d’un tel massacre.
L’ampleur des fautes d’orthographe choque au premier abord, puis viennent les défaillances en termes de structure logique dans la pensée. Qu’est-ce qui est le plus préoccupant ?
Il est vrai qu’on se focalise parfois sur l’orthographe tant son extravagance est au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. En vérité, il y a faute et faute. Faire une faute d’accord, oublier une double consonne, mal accentuer ou ne pas accentuer tel ou tel mot, voilà ce qu’on avait coutume d’appeler et de considérer comme des fautes d’orthographe et franchement, si les fautes commises n’étaient que de ce genre, et le fussent-elles à raison d’une ou deux par lignes, je dirais encore que c’est là un moindre mal que la remise à l’honneur de la dictée quotidienne pourrait juguler en quelques années. Hélas ! Les « fautes » constatées désormais ne méritent même plus d’être appelées ainsi : lorsqu’on écrit dans l’en-tête de la copie d’examen « bac à l’oréat », lorsqu’en recopiant le sujet choisi on écrit « le travaille divise-t-il les hommes ? », lorsqu’on parle de « supsence » pour dire substance, qu’on évoque « l’hostérité », il est assez clair qu’on fait face alors à ce que je qualifie de quasi-illettrisme et dont les causes sont parfaitement connues, tant la littérature concernant ce sujet est abondante et de nombreuses alertes ont été lancées depuis au moins vingt ans par différents collectifs et associations de professeurs, sans effet cependant sur une administration confite dans le déni et complice de ce délitement. Ces élèves, qui ne sont pas spécialement issus de milieux défavorisés comme on dit, et contrairement à ce que d’aucuns aimeraient croire pour atténuer un peu la profondeur du mal, ont effectué toute leur scolarité en accumulant des difficultés qui, année après année, sont devenues de considérables lacunes.
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Est-il normal de trouver, chez des élèves de terminale du lycée général, je le précise, environ 60% de copies dont les phrases sont proches du non-sens, à l’instar de celle-ci : « ce qui différencient les hommes des animaux, est que quant aux hommes, les animaux répetent les mêmes actions par nature, ils sont nés tels que la nature leur ait instruit. » Ou celles-ci : « Dans le travail, il faut un réalisateur et un éxécuteur. En effet, un ouvrier, celui qui réalise, est perçu comme un outil face à son patron, l’éxécuteur. Par conséquence, l’ouvrier n’a donc pas un pouvoir physique et intellectuel, ni de contrainte, et répète les mêmes actions comme les animaux, donc mène à une déshumanisation. Cela a donc pour cause l’isolation. »
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