Pendant qu’un jeune homme de 23 ans décapitait son père de 60 ans sur un parking à Saint-Priest, dans le Rhône (le département, pas le fleuve), en se baladant ensuite avec la tête à la main, l’écrivain controversé qui a écrit un livre blasphématoire sur le Prophète et l’Islam en 1988, se faisait poignarder au cou par un inconnu vêtu de noir, pendant une conférence à New York. Il a survécu à ses blessures, mais l’émotion est mondiale, surtout parmi les élites : les peuples, eux, s’en foutent complètement. Surtout ceux qui ont perdu leur liberté d’expression sous la pression des mêmes élites, qui ont tout confisqué.
La petite agression de New York, au regard de la décapitation de Saint-Priest, est la conséquence de la « fatwa » lancée par l’imam Khomeiny après la publication des très controversés Versets sataniques en 1989. Une fatwa, c’est une condamnation à mort par contumace.
Cette condamnation sans limite de temps a choqué les Anglo-Américains qui pourtant ont bombardé l’armée irakienne et ses civils entre 1990 et 2011, détruisant un pays penta-millénaire, et occasionnant des dégâts que les Américains avaient promis en clamant : « On va les ramener à l’âge de pierre ».
Cette expression fleurit dans la bouche des humanistes du camp occidental : en 2014, le ministre israélien des Transports, Yisrael Katz, avertit qu’Israël ramènera le Liban à l’âge de pierre si le Hezbollah attaque l’État hébreu : « Si un tel scénario a lieu, nous raserons le Liban ! Nous le ramènerons à l’âge de pierre et enterrerons Nasrallah sous les pierres ». En 2012, le ministre de l’Intérieur israélien Eli Yishai déclare à propos de Gaza : « Le but de cette opération est de renvoyer Gaza au Moyen Âge. Alors seulement, nous serons tranquilles pour quarante ans. » Plus récemment, l’ancien champion du monde d’échecs Garry Kasparov, gagné à la cause de l’Empire, expliquait que pour faire plier Poutine, « il faut renvoyer la Russie à l’âge de pierre ».
Les Irakiens verront effectivement leur pays moderne ramené très en arrière, avec au moins 500 000 enfants morts à cause de l’embargo, étranglement économique que Madeleine Albright a justifié. Wikipédia nous rafraîchit la mémoire :
Le 12 mai 1996, alors qu’elle est ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, Madeleine Albright accorde une interview à l’émission de CBS Sixty Minutes. Lors de l’interview, la journaliste Lesley Stahl lui pose une question à propos des sanctions contre l’Irak : « Nous avons entendu dire qu’un demi-million d’enfants sont morts. C’est plus d’enfants morts qu’à Hiroshima. Cela en valait-il ce prix ? ». En réponse Madeleine Albright affirme : « Je pense que c’est un choix très dur, mais le prix – nous pensons que cela en valait le prix. »
Voilà pour l’humanisme occidental, dont la presse cherche depuis 34 ans à faire pleurer les foules sur la vie inconfortable de Rushdie, ce Charlie avant l’heure qui passe d’hôtel en hôtel avec des gardes du corps, comme tout oligarque qui se respecte. D’ailleurs, le JDD, ce perroquet apprivoisé du pouvoir visible et relais sans fausse note du pouvoir profond, a consacré sa une et 5 pages intérieures au drame survenu à New York. Il fallait ça pour le symbole de notre liberté d’expression, ne riez pas.
Naturellement, BHL prend toute la place, mais nous n’avons pas de temps à perdre à lire ses élucubrations. Sachez seulement qu’il réclame, lui le jury du Nobel à lui tout seul, le Nobel de Littérature pour Rushdie, l’écrivain préféré de la CIA, du Mossad et du MI6. C’est logique, quelque part. Il y a aussi Roberto Saviano, le journaliste et réalisateur italien qui vit sous protection depuis son livre-balance sur la Camorra, Gomorra, et qui se sent très Rushdie, forcément. En descendant dans la hiérarchie people, on trouve Mylène Farmer, qui raconte son amitié avec Salman, et enfin Naulleau, qui essaye de se placer dans le groupe des échappés.
On a choisi de vous montrer la vie de cet oligarque, protégé par les forces du bien comme un trésor national. C’est Gilles Paris, son ancien attaché de presse chez Plon, qui témoigne :
La chance ! Toute cette protection, ces hôtels chics au cœur des grandes capitales, cette agitation médiatique, ces limousines blindées, nous aussi on veut bien une fatwa, parce qu’on sait qu’on va mourir de toute façon un jour ! Rushdie vit comme un oligarque russe ayant pillé la Russie après 1991 mais avant 1999 – date de l’arrivée de Poutine, le tsar qui a sifflé la fin de la récrée, c’est-à-dire le pillage la Sainte Russie – réfugié à Londres, ou un escroc international choyé par les services secrets. Après Gilles Paris, passons à Mylène Farmer.
Eh oui, comme tout oligarque ou escroc international (c’est pareil), Salman s’est marié avec un mannequin, habituée elle aussi aux hôtels, avions et autres protections rapprochées. La vie rêvée des anges... Avec quand même la menace d’un Morlock qui surgit et vous fait passer, en un instant, du paradis à l’enfer. Un peu comme l’enfer qu’ont vécu les 500 000 enfants irakiens, n’est-ce pas ?
Et Naulleau ? Merde, on allait l’oublier celui-là, merci de nous le rappeler, le fond de la classe. Finalement, les cancres sont ceux qui écoutent le mieux, puisqu’ils sont à l’affût de la moindre faute, faiblesse, imprécision du prof. C’est sur Europe 1 que le bichon maltais racheté par Hanouna a réagi avec un magnifique et émouvant « l’obscurantisme religieux nous a frappé ».
"Lisez Salman Rushdie !"
L'essayiste Éric Naulleau dénonce "l'absurdité d'avoir lancé cette fatwa" contre l'écrivain britannique pic.twitter.com/eGHbO3k25B
— BFMTV (@BFMTV) August 13, 2022
Sur Twitter, Riton continue sur sa lancée : plus rien n’arrête ce chevalier du Bien (l’axe américano-sioniste).
La fatwa lancée contre Salman Rushdie en 1989 fut un tremblement de terre dont nous avons depuis connu plusieurs répliques au sens sismique (Charlie, Bataclan...). A chaque fois, la terreur islamiste s’en prenait à notre liberté d’expression, à nos plus fondamentales valeurs.
— Eric Naulleau (@EricNaulleau) August 13, 2022
Le chroniqueur people en profite pour en remettre une couche sur l’Islamabado-gauchisme de Mélenchon, qu’il déteste personnellement, un Mélenchon qui a évidemment tenu la main de l’assassin, pardon, de l’agresseur (on parle bien de l’oligarque blessé, pas du pauvre père de 60 ans décapité) au moment du geste non fatal :
Analyse lucide et exhaustive par Caroline Yadan des compromissions de l’extrême-gauche avec l’islamisme. Combien d’attentats (Charlie, Bataclan, hyper casher, Samuel Paty, Salman Rushdie...) faudra-t-il pour rompre avec ce clientélisme cynique, avec cette indigne démagogie ? https://t.co/19wkfIQgNU
— Eric Naulleau (@EricNaulleau) August 14, 2022
Avec cette information capitale, Riton-les-bons-tuyaux est mûr pour bosser à la CIA, au Mossad ou au MI6. Pas dans le service Action ni à l’Intelligence proprement dite, faut pas déconner, mais au service Courrier, c’est-à-dire à la délation.
Celui qui a essayé d’assassiner Salman Rushdie se nomme Hadi Matar - agissant sous la fausse identité d’un ancien chef du Hezbollah. Soutien du régime de Téhéran, il a reçu en retour les félicitations de la presse conservatrice iranienne pour son acte de terrorisme islamiste.
— Eric Naulleau (@EricNaulleau) August 13, 2022
Les soutiens people de Salman sont légion : on n’a pas eu la place ici de parler d’Isabelle (Adjani) ou de Bono, dans tous les bons coups dès qu’il faut dénoncer quelque chose et faire de la promo. En tout cas, tout en bas de l’échelle, les pauvres du monde entier pleurent sur la vie inconfortable de ce milliardaire de Salman. Pas facile de déménager dans des hôtels chics chaque jour ! Heureusement, il y a des porteurs de valises...
Bonus « Salman » : la vie rêvée des oligarques et des milliardaires