Pédo ou pas pédo, telle est la question. La ligne n’est pas claire dans les BD très stylisées de Bastien Vivès. Par exemple, dans Une Sœur, il met en situation une superbe ado de 15 ans et deux frères de 13 et 10 ans qui, au contact de cette délurée, vont découvrir des choses secrètes, agréables et cochonnes. On ne juge pas, on décrit. La BD est décryptée sur mysterycomics.
L’adolescente reste le regard vissé à son téléphone portable et communique peu avec ses hôtes. Sa beauté triste émeut Antoine tandis que les parents laissent leurs enfants faire connaissance, ce qui est facilité par la promiscuité du lieu – Hélène dort dans la même chambre que les deux frères.
Le jeune Antoine est évidemment troublé. C’est là que survient le drame : la friponne essaye de manger son robinet :
Au fur et à mesure, leurs rapports prennent un tour nouveau : à la demande de Hélène, Antoine la masturbe, puis elle lui prodigue une fellation. Cependant Olivier et Stef restent dans les parages et l’adolescente sème la confusion dans les cœurs et les corps de ces garçons – revenant toutefois toujours vers Antoine, lui offrant de toucher sa poitrine puis une masturbation.
On a compris, Vivès tourne autour du pot, mais comme il met en scène des mineurs sans adultes au milieu, on ne peut pas appeler ça de la pédophilie, sinon de l’éphèbophilie, mais c’est une fiction, cela ne prouve théoriquement rien sur les goûts de l’auteur. Jacques Doillon ou Claude Miller ont bien fait des films autour de leur fascination des adolescentes, voire des petites, et ils n’ont pas été inquiétés...
En même temps, on n’est pas leur avocat. Les RS ont réagi très vivement à deux de ses deux albums et ont taxé ces contenus de « pédopornographiques ». Sous la pression de 100 000 internautes, l’expo Vivès a été annulée à Angoulême. Alors, Vivès, promoteur du sexe inter-enfants à la Freud ou public trop puritain ?
La direction du festival s’est planquée derrière un « risque » pour l’auteur :
« Des menaces physiques ont été proférées vis-à-vis de Bastien Vivès. Il n’est dès lors pas possible pour l’événement d’envisager que sa programmation puisse faire peser de tels risques sur un auteur et, potentiellement, dans quelques semaines, sur ses festivaliers... »
« Cette annonce a suscité, au cours de ces derniers jours, de nombreuses prises de parole d’internautes. Certaines sont diffamatoires à l’égard de l’auteur concerné et du Festival d’autres, mesurées et argumentées, attestent de la sensibilité et de l’engagement à l’égard de la cause de l’enfance et des femmes, chez celles et ceux qui en sont à l’origine. Ce sont ces dernières que le Festival voulait et veut entendre. »
Les deux ouvrages visés par la censure des RS sont Une Sœur et Polina, ce dernier ayant reçu le grand prix de la critique ACBD en 2012. Il est vrai que la couv et le graphisme ne laissent pas de doute sur le sujet. L’auteur raconte :
« C’est un livre sur l’apprentissage et la relation maître-élève, c’est une petite danseuse, et on va suivre la relation qu’elle va avoir avec son professeur de danse. Au début ça commence, elles sont juste des petites filles en slip... »
Alors, pédo ou pas pédo ?
Hum, le choix des mots de l’auteur pour introduire son sujet est assez malheureux, c’est sûr que ça milite pas en sa faveur en cette époque de chasse au pédo. On se dit, soit le Bastien est très sûr de lui, de son sujet et de son trait (à la Blutch), soit il ne se rend pas compte de l’environnement socioculturel dans lequel il évolue, et dans lequel il lâche ses œuvrettes.
Au cours des années 70, avec l’esprit Libération, ça n’aurait pas posé de problèmes. Mais les affaires du Coral, de Dutroux, d’Outreau, sont passées par là. Le public sensibilisé à la cause des enfants est à fleur de peau à force de voir des pédocriminels appartenant à l’élite échapper à la justice. Alors parfois, ils se rabattent sur des petits pédos, ou des demi-pédos, voire des quarterons, des octopédos !
On ne jugera donc pas, c’est pas notre boulot, on dira simplement que le garçon a du talent mais qu’il choisit des sujets assez brûlants, qui brûlent les doigts. Et quand on dessine, les doigts, c’est important.