La Bible condamne-t-elle l’homosexualité ? Une lecture littérale du Lévitique en ferait une « abomination ». Cependant, le verset concerné (Lv 18, 22) est loin d’être clair. Aujourd’hui, de nombreuses voix de la communauté juive demandent une réinterprétation des textes sacrés. Dans son numéro d’été, le magazine Tenou’a [1] donne la parole à des penseurs juifs de sensibilité différentes. La directrice de sa rédaction, le rabbin Delphine Horvilleur, appelle à accueillir les homosexuels, figures de l’altérité.
« Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination » (Lévitique 18, 22). Ce verset condamne-t-il unanimement l’homosexualité, ou simplement l’acte homosexuel ?
Ce verset est loin d’être explicite. Que signifie « ne pas coucher avec un homme comme on couche avec une femme ? » Dans ce numéro de Tenou’a, nous demandons à plusieurs penseurs de différentes sensibilités du judaïsme de livrer leur lecture de ce verset. Qu’est-ce qui pose un souci aux rabbins du Talmud ? Il semble ne pas y avoir de problème avec les tendances homosexuelles en soi. Il n’y en a pas non plus avec l’homosexualité féminine. Apparemment, ce qu’ils considèrent comme interdit, c’est la pénétration d’un homme par un autre homme.
Qu’en est-il pour les femmes homosexuelles ?
Le Talmud l’évoque à peine. Les rabbins n’en parlent que pour des questions très rituelles et anecdotiques. Par exemple : une femme ayant eu des relations sexuelles avec une autre femme peut-elle épouser un prêtre ? Dans le Talmud, la réponse est oui. En réalité, c’est sans impact. Dans les textes, la sexualité des femmes n’est pas vraiment reconnue, comme si elles ne comptaient pas vraiment. Ce sont là les stigmates d’une société patriarcale : ce qui compte, c’est la sexualité de l’homme. Aujourd’hui, les femmes peuvent parfois prendre part aux débats religieux. Leurs voix viennent nourrir le texte de lectures nouvelles.
Ces prohibitions anciennes sont-elles appliquées par les religieux contemporains ?
Le judaïsme a toujours refusé une lecture littérale du texte. Mais tout dépend des sensibilités juives. Dans le monde religieux progressiste libéral, il y a une volonté de contextualiser la lecture de la Loi. Qu’il s’agisse des relations hommes-femmes ou de l’homosexualité, on a le devoir de réinterpréter ces textes à la lumière de la société dans laquelle on vit. Chose plus difficile pour l’orthodoxie, pour qui le passé vaut jurisprudence inaliénable. Mais tout lecteur attentif de la Bible sait qu’on ne respecte pas les écrits au pied de la lettre. Sinon, on pourrait vendre sa fille en esclavage et lapider une femme adultère. Nos lectures sont toujours sélectives et interprétatives.
Des religieux se sont-ils exprimés en faveur de l’union homosexuelle ?
Lors des débats sur le mariage pour tous en France, on a eu l’impression que les religions s’y opposaient d’une même voix monolithique. Mais c’est un mensonge. Si, dans le monde juif, des voix se sont élevées de façon virulente contre le mariage des personnes de même sexe, d’autres se sont manifestées en sa faveur. Aux États-Unis, le mariage gay vient d’être reconnu. Dans le New York Times, j’ai pu lire que les groupes religieux juifs ont été les plus actifs en faveur de cette reconnaissance.