En pleine campagne anti-voile ou antimusulmane, il est bon de rappeler quelques notions de laïcité, une laïcité à géométrie variable puis des entorses à l’égalité républicaine ont été constatées. Nous avons pour cela retrouvé un article, passé relativement inaperçu, du Parisien daté du 14 mai 2013. On va comprendre avec cet exemple édifiant à quel point la laïcité est bien une autre religion, la religion d’État, ou plutôt de la République, c’est-à-dire des loges maçonniques.
« Certains étudiants en droit à l’université Paris-Est - Créteil (Val-de-Marne) auront quelques jours de plus pour réviser. La nouvelle aurait dû soulever l’enthousiasme général, mais pas cette fois. Des examens de licence 3 et master 1 étaient prévus les deux jours qui viennent. Mais ces partiels sont reportés aux 17 et 21 mai. Un décalage annoncé peu de temps avant les vacances de printemps et qui a suscité bien des interrogations, le calendrier des épreuves étant fixé en début d’année scolaire.
“On s’est renseignés auprès de l’administration, qui nous a avoué que c’était à cause de fêtes religieuses”, raconte Caroline, en licence 3. “C’est incroyable. En cours, on nous rabâche les principes de laïcité, d’égalité mais ils n’existent pas en droit à Paris-XII”. Avec d’autres camarades, Caroline a découvert qu’il s’agissait des fêtes juives de Chavouot. »
Le doyen de la faculté de droit, Jean-Jacques Israël, vole au secours des reportés :
« Il n’y a pas eu de report. On est restés dans le calendrier voté qui a été réaménagé pour tenir compte de contraintes matérielles et de la circulaire ministérielle de 2004 qui impose le respect des fêtes religieuses aux établissements d’enseignement. C’est une tradition à la fac de droit. La laïcité n’est pas remise en cause. »
De l’autre côté de la barrière (sociale), la laïcité s’impose. Les bacheliers qui font le ramadan n’ont pas le droit à un report, on comprend que cela pourrait désorganiser tout le dispositif national, comme l’explique France Bleu. Alors on s’adapte :
« Les épreuves qui vont se succéder coïncident cette année avec le ramadan. Cela faisait 30 ans que ça n’était pas arrivé.
Pire encore cette année, le ramadan tombe aussi en même temps que les jours les plus longs de l’année. On ne pourra ni boire ni manger entre 3h50 du matin et 22h.
Anas a minutieusement préparé son emploi du temps. Il mettra le réveil à 3h du matin pour manger un repas consistant . Le jeûne, il le pratique depuis des années. Il pense tenir le coup même pendant les épreuves les plus importantes. »
En 2011, Libération expliquait à son tour, à travers les propos d’une étudiante de confession juive, que les concours aménagés pour les étudiants juifs n’avaient « rien de nouveau ».
« Arielle Schwab est présidente de l’Union des étudiants juifs de France. Pour elle, la polémique sur l’affaire des épreuves décalées pour la Pâque juive, révélée par Mediapart, n’a pas lieu d’être.
Faire passer à quelques étudiants des épreuves de concours en décalé pour leur permettre de fêter la Pâque juive. Un scandale ? C’est en tout cas de cette manière que Mediapart révélait l’affaire mardi. Selon le site d’information, l’Élysée serait intervenu pour demander l’organisation d’épreuves nocturnes les 20 et 26 avril, aux concours de grandes écoles d’ingénieurs (les Mines, Ponts, Centrale et Supélec). La petite dizaine d’étudiants concernés devaient rester confinés toute la journée afin de ne pas avoir accès au sujet, et plancher de 22 heures à 2 heures du matin. »
Ce confinement et ce décalage posent problème. Et si les sujets tournaient ? Mais ne soyons ni complotistes ni mauvaise langue : tout le monde sait que dans le supérieur, une morale rigoureuse règne parmi les étudiants et les bacheliers, à plus forte raison chez les croyants. Il y a bien sûr des moutons noirs parmi eux, mais n’allons pas amalgamer.
« De leur côté, le grand rabbin de France Gilles Bernheim et le président du consistoire central Joël Mergui ont dénoncé jeudi un “procès en laïcité instruit”. Leur réaction fait suite à celle de Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France, selon qui le confinement de quelques étudiants juifs “ne mettait pas en cause les principes de laïcité républicaine”. »
Libé ajoute un petit détail qui peut chagriner les catholiques :
« Chaque année, une circulaire mentionne les fêtes religieuses à l’occasion desquelles des « autorisations d’absence » peuvent être délivrées. Aucun examen ni concours public ne doit se dérouler ces jours-ci. Trois fêtes juives y figurent, mais pas celle de Pâques. »
On le voit, en humour (avec Dieudonné), en politique (avec Soral) comme en laïcité, c’est encore le règne du 2P2M (deux poids, deux mesures). Heureusement, après la révélation de Mediapart en 2011, « les épreuves parallèles n’auront finalement pas lieu », selon le quotidien. Saut que c’est reparti en 2013 d’après Le Parisien... et en 2016 d’après islaminfo.fr :
« Nabil Ennasri vient de publier sur sa page Facebook un message d’un étudiant d’une faculté de médecine parisienne. L’image publiée par le militant communautaire indique qu’un examen prévu de longue date pour le 13 juin est déplacé au 14. La raison invoquée par l’établissement est le risque d’absence à l’examen de plusieurs élèves à cause d’une fête religieuse.
Selon Nabil Ennasri, le 13 juin correspondrait à “la fête juive de Chavouot qui commémore, pour les juifs, la descente de la Torah à Moïse”. Pour lui, il existe un deux poids, deux mesures entre cet acharnement contre les femmes voilées à l’université et les accommodements faits par la faculté “à cause d’une fête célébrée par quelques-uns”.
“Vous lisez bien : alors que des politiques nous bassinent avec l’interdiction du hijab à l’université et que toute revendication provenant des musulmans est vue comme une atteinte à la laïcité, on se permet de bousculer l’agenda d’une centaine d’étudiants à cause d’une fête célébrée par quelques-uns”, écrit-il sur son compte officiel Facebook. »
Qu’on soit bien d’accord : la laïcité, c’est pour tout le monde ou pour personne. Ou alors ça recouvre autre chose, comme l’explique Youssef Hindi...
Bonus : le pipeau républicain sur l’égalité des croyants et la neutralité de l’État