Les journalistes de France Info n’ont pas sourcillé quand ils ont écrit la chose suivante, qui nous a fait bondir :
Outre la surveillance des jihadistes, plusieurs victimes interrogent aussi la prévention des actes de terrorisme. « Nous savions qu’il y avait des menaces d’attentats », a ainsi assuré un père endeuillé, qui se demande ce que l’État a fait pour tenter de prévenir ces attaques. « Si mon fils avait su que le Bataclan était une cible potentielle, il ne serait pas allé au [concert] », veut croire un autre père meurtri. Ce dernier, qui évoque par ailleurs une « enquête parfaite », aspire à ce que le procès permette de relever d’éventuels « dysfonctionnements ».
Dès 2009, des soupçons de projet d’attentat contre le Bataclan avaient été découverts dans une autre enquête antiterroriste, refermée par un non-lieu « faute d’éléments probants », rappelle la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015. Plus tard, en août 2015, le jihadiste Reda Hame, recrue d’Abdelhamid Abaaoud, est interpellé par les autorités françaises à son retour de Syrie. Au cours de son audition, il dévoile qu’une attaque est envisagée contre une salle de concert de rock. La menace est prise « très au sérieux par les services français » mais reste « diffuse », compte tenu du grand nombre de festivals et de concerts de rock en France, fait également valoir la commission d’enquête.
« Aucune faute ne peut être imputée aux services de police pour n’avoir pas mis en œuvre un dispositif de sécurité particulier autour de la salle de spectacle du Bataclan après le mois d’août 2015 », a de son côté jugé le tribunal administratif de Paris en 2018. L’instance, saisie par une trentaine de victimes ou proches de victimes, n’a pas reconnu la « responsabilité » de l’État et de ses services dans la prévention de cette attaque. Ni de manquements de la part de l’État dans la surveillance des terroristes à l’origine des attentats du 13-Novembre ou de défaut de coopération avec les services de renseignement des autres pays.
Traduction : la justice a absous l’État. Pourtant, quand on lit bien ces trois paragraphes, on comprend que la cible était là, sous les yeux de tous. On le répète : personne ne pouvait deviner qui dans les « élus » de Raqqa allait « taper » une église (Villejuif) ou un TGV, (Thalys) mais le grand attentat, celui qui devait frapper l’opinion française, c’était une salle de spectacle, de rock en l’occurrence, et le Bataclan était suivi de près depuis six ans... Cela ne vous rappelle irien ? Si, la surveillance de plus en plus lâche de Charlie Hebdo et de Charb, pourtant ciblés par les djihadistes. Mêmes causes, mêmes effets. Mêmes défaillances, mêmes dysfonctionnements, mêmes failles, même histoire.
Heureusement, le président de la cour a tenu à rassurer les responsables... politiques (pas des attentats) :
« Ce n’est pas de moi que vont venir les critiques sur les dysfonctionnements éventuels, et je ne suis pas sûr que ce soit l’objet de ce procès », a de son côté rassuré le président de la cour. Depuis le début du procès, Jean-Louis Périès a, plusieurs fois, tenté de recadrer les débats, rappelant le cadre de la saisine. « Notre cour d’assises a pour fonction d’examiner les charges retenues à l’encontre de chacun des accusés », expliquait-il dès son propos introductif. Du côté de la défense, Martin Méchin, l’avocat d’Ali El Haddad Asufi, rappelle auprès de franceinfo qu’il s’agit avant tout du « procès des accusés ».
Ou comment dépolitiser le procès en un coup de baguette magique. Car il y a un rapport évident entre d’éventuels dysfonctionnements (le choix de la BRI par rapport à la BI, par exemple, le refus de laisser le groupe Sentinelle intervenir au tout début de la fusillade, la fameuse répétition générale du Samu le matin même de la tuerie) et l’autorité politique, que ce soit au niveau de la préfecture de police, de l’Intérieur, de Matignon ou de l’Élysée ! À chaque attentat majeur, on découvre des failles, on les corrige, et de nouvelles failles apparaissent à l’attentat suivant !
« Nous savions que des opérations se préparaient, que des individus se plaçaient dans le flux de réfugiés pour tromper la vigilance. Nous ne savions ni quand ni comment ils allaient nous frapper. » (François Hollande, 10 novembre 2021)
L’ex-président de la République Français Hollande est venu devant les 350 parties civiles faire entendre la voix de la plus haute autorité de l’État au cours de cette nuit d’enfer. Las, l’homme en scooter a botté en touche : pour lui, les questions des familles de victimes ne sont que des « polémiques »...
« Chaque fois qu’il y a un attentat, les mêmes polémiques reviennent. Elles font partie du jeu démocratique », concédait François Hollande dans un entretien à l’AFP, peu avant l’ouverture du procès. L’ex-président ne nie pas non plus « le droit des familles de victimes de demander des comptes ». « Un des enjeux du procès, c’est qu’elles aient des réponses ».
Ah bah, que voulez-vous, c’est leur droit de demander des comptes à l’exécutif qui savait à peu près tout d’un grand attentat à venir, qui en connaissait presque tous les exécutants, qui savait quasiment le jour, si l’on écoute Manuel Valls, et le nombre de morts, si l’on écoute Bernard Cazeneuve, le tout un jour de test grandeur nature des urgences en cas d’attentats multisites... Non, vous ne rêvez pas !
Et c’est le droit et le privilège des politiques de s’absoudre de toute responsabilité, n’est-ce pas ?
En parlant de responsabilités, Manuel Valls n’a pas été appelé à la barre, n’est-ce pas étrange ? Il avait été lourdement et nommément accusé pour ses choix lors de cette nuit de novembre dans le documentaire d’Arte Les Ombres du Bataclan, mais on ne le verra pas face aux familles des victimes. Cela vaut peut-être mieux, vu l’accueil que les Niçois lui ont réservé après le carnage du 14 juillet 2016...
« Démission ! Assassin ! »