Onze personnes ont été tuées et des dizaines d’autres, blessées, le 3 avril, dans un attentat dans une rame du métro de Saint-Pétersbourg. Plusieurs médias mainstream ont couvert l’événement de manière… étonnante. Vous avez dit complot ?
Les médias mainstream occidentaux sont pourtant censés être à la pointe de la lutte contre les théories du complot qui représenteraient un danger majeur pour nos démocraties. Cette lutte s’arrêterait-elle aux frontières de la Russie ? Alors qu’une terrible explosion a frappé le métro de Saint-Pétersbourg le 3 avril, tuant 11 personnes et en blessant des dizaines d’autres, la couverture de l’événement par certains médias a de quoi surprendre.
La théorie de l’opération sous faux drapeau discutée en direct sur une grande chaîne
La thèse d’un « acte terroriste » a été confirmée par les autorités, même si elles assurent n’exclure aucune hypothèse pour déterminer les causes de l’explosion qui a soufflé une rame de métro à 14h40 (11h40 GMT) sous le centre de la deuxième ville de Russie. Pourtant, sur la BBC, en direct, Sarah Rainsford, correspondante de la chaîne britannique à Moscou n’a pas hésité à relayer que « des commentaires » lancés sur des « des médias libéraux » qu’elle n’a pas cité, avaient rapidement fait le lien entre les récentes manifestations anti-corruption, dont plusieurs villes de Russie ont été le théâtre, et ce drame. Après que le présentateur se soit interrogé sur le « timing » de l’attaque, l’experte a expliqué que selon ces « commentaires », il s’agirait d’une « tentative de distraction pour détourner le regard des gens de la mobilisation contre la corruption et de la volonté de certains que le président Poutine quitte le pouvoir ».
Oliver Carroll du Moscow Times, a quant a lui rappelé qu’en 1999, « les bombardements en Tchétchénie qui ont coïncidé avec la route vers le pouvoir de Vladimir Poutine ont soulevé de nombreuses interrogations ». Pour lui, ce sont juste de nouvelles théories qui émergent [par rapport à l’attaque du 3 avril]. « Il y aura de nombreuses théories et bien évidemment, des théories du complot », a-t-il déclaré.
@liarpoliticians Was it a guest ? Or actual BBC presenter who suggested it ?
— Stacy Herbert (@stacyherbert) 3 avril 2017
Pour rappel, ces dernières semaines, plusieurs manifestations dénonçant la corruption des élites et visant entre autres le Premier ministre Dmitri Medvedev ont eu lieu en Russie. Le 26 avril, des milliers de personnes avaient défilé à travers le pays à l’appel de l’opposant Alexeï Navalny. Quelque 7 000 personnes ont ainsi battu le pavé à Moscou, ainsi que plusieurs milliers à Saint-Pétersbourg.
La BBC n’est pas la seule à avoir fait le rapprochement entre les récents troubles sociaux en Russie et l’attentat de Saint-Pétersbourg. Ainsi le Washington Times a utilisé une photographie prise le 26 mars, lors de la mobilisation contre la corruption, afin d’illustrer leur article relatant l’explosion du 3 avril.
Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères et connue pour son franc-parler, s’est émue de ce choix éditorial sur sa page Facebook : « J’espère qu’il ne s’agit pas d’une tentative délibérée de présenter les faits de manière à désinformer. »
Un « prétexte » pour museler l’opposition selon un « expert »
Du côté de Sky News, l’éditorialiste « spécialiste » des affaires internationales, Dominic Waghorn, est intervenu en direct pour livrer les dernières informations et son analyse de la tragédie. D’après lui, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, « il y a de grandes chances que le gouvernement profite de cette attaque pour museler l’opposition ». Il n’a pas jugé nécessaire d’étayer cette hypothèse avec des éléments factuels.
Our diplomatic editor @DominicWaghorn says the explosion in St Petersburg could be used to justify further restrictions on protest groups pic.twitter.com/6yQ9rxk8XM
— Sky News (@SkyNews) 3 avril 2017
Ce traitement médiatique est d’autant plus surprenant qu’il paraît être réservé à la Russie. Ces interrogations ne semblaient pas parcourir l’esprit de ces journalistes lorsque le terrorisme a frappé Paris, Londres, Berlin ou Bruxelles.
Médias alignés et propagande de guerre, ce samedi à Nantes :