Qu’est-ce qu’un « Porc » ? C’est un homme qui ne peut pas retenir son désir devant une femme qu’il trouve excitante. Alors il profère des mots grossiers, la siffle, lui met la main au cul, lui pelote les seins... c’est l’instinct du néandertalien. Tous les hommes ont ressenti ce risque de glissade un jour. Heureusement, la plupart ne cèdent pas à l’instinct du néandertalien. Pour cela, il y a la retenue sociale fondée sur la morale (ce qui est bien ou mal dans et pour la communauté) et le langage. Car ceux qui expriment leur désir par ces gestes déplacés ou expressions indélicates sont ceux qui ne savent pas utiliser le langage. Or avec les femmes, la patience est de mise.
Il y a donc deux sortes d’hommes : ceux qui savent attendre et les Porcs. La différence entre les deux, c’est la culture. Celui qui a suffisamment de culture peut apprivoiser la femelle – on appelle ça la drague – et ensuite lui faire ce qu’il veut, dans les limites de la loi et de la tolérance de la partenaire de jeux. C’est le pack drague-accouplement.
Le viol, c’est quand on zappe la phase 1, et c’est un crime, donc on oublie. Dans l’affaire #BalanceTonPorc, on ne parle pas de viol mais de harcèlement sexuel au bureau ou dans la rue.
Le Porc, c’est celui qui ne dispose pas les moyens culturels (tchatche, codes sociaux, gestuelle) d’apprivoiser la femelle convoitée. Faux, disent les femmes harcelées par un PDG. Exact. Dans ce sous-cas, la position sociale joue. Si le Porc jouit d’un rang social supérieur, alors les possibilités de harcèlement « autorisé » sont multipliées. Il n’y a pas impunité mais presque car nous sommes dans une société hiérarchisée, où ceux qui sont en haut disposent généralement (force de travail, réservoir sexuel) de ceux qui sont en bas. Les victimes ne peuvent pas aisément résister.
Mais il est toujours possible de résister. Pour cela, il faut esquiver, ne jamais montrer ses fesses au prédateur. Cela suppose quelques torsions comportementales. Ce n’est pas agréable, on en convient, mais la vie est une jungle. Mieux vaut affronter un patron cochon qu’un tigre à dents de sabre affamé. Relativisons les choses. Il n’y a pas mort de femme.
Une solution pratique pour femmes potentiellement harcelables : le patron homo. Mais cela ne résout pas le problème de fond. De plus, cela ne résout pas le cas de la patronne homosexuelle !
Pour résumer, un homme sans culture (moins de 500 mots de vocabulaire) ni position sociale dominante en sera réduit à siffler ou harceler les femmes qui lui plaisent et qui lui échappent dans la rue, sinon à comprimer son désir et à regarder ailleurs (« jette ton œil loin de toi »). Il peut avoir une femme à la maison et être frustré sexuellement, ou être allumé par une femme qui trouble son attention. Il n’y peut rien, c’est le programme de la Vie, sans quoi nous ne serions pas ici pour en parler.
C’est là où l’on en arrive au point crucial de cette étude : le pendant de BalanceTonPorc, c’est BalanceTaPute. Car il n’y a pas de Porc sans Pute. C’est dit un peu brutalement, puisque beaucoup de femmes se font harceler sans être en mini-jupe, tee-shirt mouillé et hauts talons. Il suffit d’être sexy et tout part en sucette assez rapidement, c’est un fait. Mais voilà, l’agression permanente que les femmes infligent aux hommes par leur art de la séduction ne se voit pas, ne se dit pas : elle n’est pas caractérisée.
L’agression F-H correspond à l’hypersexualisation de l’accoutrement féminin. La mode est la sexualité sociale autorisée. Aujourd’hui, la concurrence aidant, nous en sommes à l’hypersexualisation généralisée, personne ne peut le nier. Et l’âge des allumeuses descend inexorablement. Inversement, ça ne s’arrête pas aux jeunes filles ni aux femmes de 30 ans, réputées les plus désirables (ce qui est faux) : aujourd’hui, une femme de 60 ans peut avoir des seins fermes, un cul remonté et une bouche pulpeuse. Les caractères féminins sont mis en relief – c’est le cas de le dire – par la chirurgie et l’industrie de l’habillement. 14 % des Françaises avaient déjà subi une retouche physique en 2014, chiffre en augmentation constante.
Face à cette proposition sexuelle permanente qui prend la forme d’une agression pour ceux qui ne sont pas capables d’y faire face culturellement (bonjour les euphémismes), l’homme de la rue se doit de garder le contrôle de son désir. C’est une prise de risque dont on voit les résultats au quotidien. On l’a dit, tous les hommes ne sont pas capables de self-control. L’individu atteint dans sa morale ou sa culture exprime et renvoie sa perturbation de manière désordonnée, brutale, directe, à l’aune du stimuli qui lui est imposé visuellement. Un « homme à risque » devrait fermer les yeux au passage d’une jolie femme. Oui mais voilà, en univers libéral, la concurrence fait rage entre les femmes pour capter les regards, l’attention, le désir. Les femmes ne désirent pas se faire siffler par un bourrin ou peloter par un porc ; cependant, c’est la tension sexuelle générée par la sexualisation de leur look qui provoque ces failles dans les barrages du désir masculin. Une eau retenue parfois à grand peine.
Heureusement, les codes sociaux sont là pour atténuer cette tension sexuelle que les femmes maintiennent élevée. En entreprise, on sait globalement se tenir, et le harcèlement se fait dans la discrétion. Il y a conscience du délit... ce qui ne l’empêche pas (l’instinct est alors plus fort que la morale). Mais un homme sans cette culture de la retenue, ou suffisamment frustré, saura se servir des armes à sa disposition pour obtenir satisfaction : la main, ou le langage, ou la position sociale, par ordre d’importance et de compatibilité dans le collectif.
Une femme sexy ne tolérera pas – et on la comprend – un pelotage dans le métro par un SDF, mais elle acceptera de se faire draguer – ou elle draguera elle-même – un homme de rang social supérieur. Tout est alors une question de gratification : la valeur du geste dépend du rang social de son « donateur ». La plupart des hommes puissants socialement n’ont même pas à se servir du langage (la drague) pour matérialiser leur désir, le rendre acceptable socialement, et obtenir satisfaction. Ils prennent, car la femme est attirée culturellement et sexuellement par les hommes de rang social supérieur, garantie de confort et de sécurité (matérielle plus qu’affective) pour elle et sa progéniture éventuelle.
Il ne s’agit pas ici de déculpabiliser le patron qui saute sa secrétaire ou la racaille qui poursuit l’étudiante de bonne famille en mini-jupe dans la rue, mais d’expliquer les ressorts sociaux du désir émis et reçu. Il y a un émetteur, la femme, et un récepteur, l’homme. Et tout ne se passe pas comme prévu, ou comme il faudrait. La femme doit faire avec un environnement publicitaire hypersexualisant, et elle en fait partie, elle en porte les colifichets, et devient elle-même objet de désir. Alors quoi, les femmes sexy devraient s’habiller en jogging informe et gris, ou mettre une burqa ? C’est une solution, mais on ne parierait pas que la femme occidentale libérée retourne en arrière, si on peut appeler ça une arriération.
À l’image de ces New-Yorkaises qui échangent leurs escarpins en sortant de leur entreprise pour des baskets, peut-être que certaines femmes devraient mesurer l’impact de leur tenue sur les hommes, qui ne sont pas tous civilisés, ou pas totalement. La sexualisation d’une tenue peut être décodée par une catégorie d’hommes – les plus primaires – comme un appel, une invitation à la sexualité, ce que la tenue provocante est par définition, qu’on le veuille ou pas ! Or il faut faire la différence entre la femme qui a envie d’attirer les regards et celle qui cherche à s’accoupler. Ce sont deux choses bien différentes, et tout le monde ne fait pas la différence.
Cependant, les femmes ne sont pas sottes : elles mesurent constamment l’effet qu’elles provoquent chez les hommes et savent depuis la nuit des temps manipuler le désir qu’elles induisent. C’est le pouvoir numéro un des femmes, et certaines sont surpuissantes dans ce domaine. Ce sont les Weinstein de l’allumage-manipulation. Elles peuvent obtenir ce qu’elles veulent de pratiquement qui elles veulent. Ce genre de femme ne cherche pas à allumer précisément le travailleur d’Afrique du Nord ou la racaille du 9-3. Ce qu’elle fait malgré elle, si l’on peut dire. Elle ne peut pas partager son effet sexuel entre les bons et les mauvais hommes. Il faut qu’elle prenne le tout, car le désir, comme le soleil, chauffe tous les hommes, qu’ils soient bons ou mauvais.
Bonus : le paradoxe des femmes sexy qui « balancent leur porc »
« Je ne suis pas seulement le personnage de Chochana Boutboul dans "La vérité si je mens" ou la chanteuse amoureuse »
Dans la polémique qui amalgame tous les hommes à ceux qui ont été grivois avec les femmes, nous avons choisi de vous présenter une des dernières plaignantes en date, Élisa Tovati, de son vrai nom Touati. Élisa, une très jolie brune, oscille entre cinéma et chanson. Elle a réalisé un album un petit peu chaud sur le désir en 2008, passé relativement inaperçu. On la voit ici jouer les naïades avec Joyce Jonathan, la chanteuse qui fit tourner la tête de Thomas Hollande.
Interrogée par La Parisienne (la version féminine bourrée de pubs du Parisien), Élisa lance :
« Je suis solidaire de toutes ces femmes qui prennent la parole et heureuse que l’on puisse en parler. Je ne pensais pas qu’il y avait autant de monde concerné dans ce milieu. Moi aussi j’ai vécu des choses très limite et je n’avais pas le courage de parler de ce droit de cuissage, de cette pression.
À quel moment ça vous est arrivé ?
Quand j’ai commencé les castings entre 15 et 18 ans, trois ou quatre fois. Comme c’est arrivé à presque toutes les jeunes actrices qui sont les proies de gros porcs. Ce sont des castings où l’on vous demande de vous foutre à poil sous prétexte que c’est pour le rôle d’une fille un peu sulfureuse. Moi, je répondais au réalisateur : “Sur le tournage, si le rôle le justifie, on verra. Mais là, dans une salle blanche, devant vous et une petite caméra, ça va pas être possible”. Mais j’étais tétanisée. Dans ces cas-là, vous ne savez pas à quel moment ça va déraper… Ça m’est même arrivé de partir en courant. Je me souviens aussi d’un comédien très connu sur le tournage d’une fiction télé qui a bloqué la porte de ma loge et m’a dit : “Viens, je vais te faire un petit détartrage”. Il était âgé, j’étais jeune. J’ai été très choquée. Vous arrivez à vous en sortir avec une pirouette, un sourire, un coup de coude pour ouvrir la porte. Mais vous êtes en panique. »
Chochana Boutboul, pardon, Élisa Tovati dans Tout le monde en parle après le succès de La Vérité si je mens :