Imaginez qu’une actrice française d’aujourd’hui dise ce qui va suivre... Nous sommes dans l’« Interview Jumeaux » de l’émission Double Jeu de Thierry Ardisson en 1992, Anémone interroge Anémone (à partir de 8’44)...
Anémone 1 : « Une amie débarque chez toi à l’improviste, qu’est-ce qui te gêne le plus qu’elle trouve sur la table de nuit, “Mein Kampf” ou un godemiché ? »
Anémone 2 : « J’ai lu avec intérêt certains discours de Hitler et effectivement c’est assez impressionnant oui, non je veux dire il peut m’arriver de lire ce genre de truc c’est assez instructif. »
Elle s’est pas dégonflée la belle ! Il faut dire qu’Ardisson fait tout pour pousser au vice, surtout quand ça touche au sexe et au sionisme...
La presse n’a pas relevé cette horreur (pour cela il faut fouiller, donc travailler) mais en a relevé d’autres : Anémone n’aime pas le show-biz, Anémone n’aime pas les acteurs, Anémone n’aime pas les enfants (« Je les vends, ça vaut du blé maintenant les enfants »), Anémone n’aime pas l’oligarchie (elle appelait ça la « ploutocratie mondialisée »), Anémone n’aime pas la radio (elle se moquait de l’animateur Maurice qui lui permettait de garder ses enfants à sa place), Anémone n’aime pas la bande du Splendid (celle de Clavier, Lhermitte, Balasko et compagnie) qui ne lui avait pas réglé ses répliques du Père Noël, Anémone n’aime rien, même pas l’humanité :
« C’est pas la fin du monde. On est une espèce proliférante. Il va en rester un petit paquet, et puis après on sera bien contents ! »
Arletty des années 80
Pas politisée pour deux sous, avant de basculer à l’extrême gauche écolo, la comédienne n’avait pas sa langue dans sa poche. Aujourd’hui la contestation dans les médias est portée par de faux opposants du type Stéphane Guillon ou Charline. La vraie gouaille a disparu, laissant la place à des bourgeois qui se la jouent populo. Anémone, pourtant d’extraction bourgeoise (mais qui n’a pas été pistonnée), ne jouait pas au populo, elle était vraiment franchouillarde avec la touche de noblesse qui va bien.
« J’ai dû me battre pour décrocher des rôles sérieux. Comme j’étais étiquetée comique, pour les gens j’étais forcément moche. Et comme j’étais drôle, on me trouvait vulgaire. »
Naturelle, on peut dire une comédienne bio, Anémone n’avait pas d’image à défendre. Quand Thierry devient un peu plus indiscret, elle répond du tac au tac...
Ardisson : « Tu baises beaucoup en ce moment ? »
Anémone : « Mais je m’occupe, en ce moment. Il est incroyable... Et toi, tu te branles ? Et avec quelle main tu te branles toi alors ? Et le doigt, lequel tu te mets ? »
On s’est pas emmerdé à retrouver tous les faits d’armes d’Anémone, puisque les brigades de recherches archéologiques d’Ardisson sont pointues. Il n’y a pas meilleure bio que les fiches de Thierry. D’ailleurs, quand il va mourir, on va être mal pour lui repiquer du contenu nécrologique. Mais on n’y est pas encore, Thierry est suivi par les meilleurs médecins dans les meilleures cliniques, il bénéficie probablement d’une mutuelle premium, celle qui coûte 1 000 euros par mois et qui vous dépanne au cœur de l’Amazonie en urgence pour une piqûre d’araignée.
À propos, l’araignée Anémone n’a pas trop aimé l’école (d’avant 68) :
« Non mais ça l’école j’ai pas changé d’avis, je suis effondrée. C’était même pas rebelle, j’étais allergique. On m’a mise à l’école j’ai commencé un eczéma purulent derrière les oreilles, comme ça... Je passe le bac, trois jours après, guérie ! »
C’est dans le petit monde des hippies et des comédiens qu’elle s’est « libérée » à la fin des années 60 (elle a alors 18 ans). Dix ans plus tard, au début des années 80, elle joue dans les 5 films qui vont la faire connaître et la rendre très populaire, des films qui parlent justement de cette libération, mais avec un recul ironique, voire cynique : Viens chez moi j’habite chez une copine, Les Babas cool, Ma femme s’appelle reviens, Pour cent briques t’as plus rien et Le père Noël est une ordure.
« L’année du film Le père Noël est une ordure (1982), c’est devenu fou, j’avais 32 ans et ça m’a fait chier. Je n’avais pas bien calculé, j’étais naïve... Je m’étais bêtement dit qu’en étant célèbre, je rencontrerais des génies, c’est débile. J’aime bien les artistes, mais du côté production, on se fade un paquet de crétins. »
Des films de gauche qui se foutaient allègrement des délires gauchistes... Ah, Les Babas cool, avec un Clavier énorme et une Anémone en hippie nympho tarte à souhait. Sur une musique de Nino Ferrer, s’il vous plaît :
Moins connu, Le Quart d’heure américain (1982), dans lequel Anémone incarne une animatrice de radio amoureuse du play-boy cynique local, mais qui ne prend son pied qu’avec un pauvre type à la ramasse, Gérard Jugnot. Une petite étude sociale bien sentie qui enfonce quelques préjugés sur le fric et l’amour.
Il y avait de l’Arletty en Anémone, une grande gueule qui ne calcule pas et qui vit selon ses propres lois. Elle avait soutenu Dieudonné que le Système empêche de jouer, elle balançait sur le milieu du cinéma, de la production, un cénacle pourri par la cupidité et la connerie. On le voit très nettement aujourd’hui, les comédies qui sortent sont de la merde en barre pour abrutis.
- Le message d’Anémone aux producteurs
En moins de 30 ans, notre cinéma a été déglingué par l’inculture crasse des producteurs progressistes et communautaires. Anémone avait pris sa retraite du cinoche depuis longtemps, elle faisait un peu de télé, du théâtre, mais elle ne cadrait plus avec l’évolution dramatique du milieu.
Ardisson à Anémone : « Quand tu jouais Phèdre, les gens rigolaient »
On l’imagine difficilement aujourd’hui donnant la réplique à un Romain Duris, un Mathieu Amalric, un Patrick Bruel... qu’elle écrase de ton talent. Quant aux femmes, il y a qui à la place d’Anémone ? Personne. Avis aux jeunes comédiennes, le public attend une actrice populaire !