Il y a désormais deux sortes de sportifs : ceux qui s’activent à l’intérieur, et ceux qui s’activent à l’extérieur. Il peut bien sûr y avoir des hybrides, des trans-sportifs qui font les deux.
La mode, comme chacun sait, c’est la salle, la muscu, le fitness. Les hommes y vont pour gagner du volume, des muscles, des épaules, des bras et des gonzesses. Les gonzesses y vont pour perdre leur cul, mais aussi parce qu’il y a du mâle qui s’entretient et que ça sent la testo. Les femmes aiment la testo, c’est animal. D’ailleurs, elles en ont aussi, mais moins que nous. Ce n’est pas le débat du jour.
- La femelle reste à côté du gros mâle car il la protège et elle peut faire les boutiques avec son fric pendant qu’il dort après la chose.
On dit qu’elle l’aime.
On a déjà parlé gonflette ici, qui est le terme exact : dans cette précipitation à vouloir devenir des hommes, ou ce qu’ils imaginent être un homme, beaucoup de jeunes hommes, ou de grands garçons, prennent des produits gonflants, ou gonfleurs. Ces accélérateurs de croissance permettent de prendre du muscle rapidement, par définition, mais c’est du muscle d’eau.
Certes, il y a de l’eau dans les muscles, dans les fibres qui les composent, mais ça rappelle la viande gonflée à l’eau que des éleveurs ou des fabricants nous vendent, par l’entremise des bouchers : une fois qu’on met le steak ou le rôti dans la poêle ou le four, il perd 10 à 20 % de son poids. Le gonflage à l’eau, on dira hydrogonflage, est une caractéristique de la filière agro-industrielle. On regarde un doc édifiant sur le jambon et on revient à nos mastards.
Eh bien, on dirait que les nouveaux musclés sont comme du jambon. Il y a beaucoup d’eau dans ces muscles grandis trop vite, à l’image des zébus grossis à toute vitesse au Brésil, abattus très jeunes et vendus dans nos cantoches à bas prix, Mercosur oblige, merci Leyen-Macron. La vache française, elle peut aller se rhabiller.
@natty.muscu Le physique de speed est impressionnant #ishowspeedclipz #muscu #analyse #sport #muscle ♬ son original - Natty Muscu
On ne parlera pas dopage ici, mais on a été faire notre petite enquête sur les gros bras de TikTok, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ne cachent pas leur méthodologie. Ils parlent bien sûr nutrition, hydratation (jusqu’à cinq ou six litres d’eau par jour !), mais aussi créatine, pas interdite, et le reste.
Rien de nouveau sous le soleil, sauf qu’un gars est venu casser le mythe du mister Univers de 150 kilos avec un prank, une imposture qui n’en est pas une à l’arrivée.
On s’excuse pour la VF misérable, mais l’IA c’est l’IA. Anatoly, avec ses huit millions d’abonnés, se moque des biceps à l’eau.
Le gros lièvre et la petite tortue
On n’a rien contre la muscu, mais ça commence à s’éloigner des fameuses valeurs du sport. On dirait qu’il s’agit d’autre chose. Le culte du corps, c’est très bien ; le respect de soi (et des autres) aussi ; l’effort, la discipline, nécessaires ; le dépassement de soi, pourquoi pas, mais ça peut vite dériver pour basculer dans un univers concurrentiel très néolibéral. Et ce n’est pas étonnant, car on baigne dedans.
On se mesure alors à l’autre plutôt qu’à soi-même, pour être plus fort, et on retrouve ce qui rend la société difficilement vivable, c’est-à-dire l’instinct de domination, l’agressivité prédatrice, l’écrasement de l’autre, du plus faible. Non, ce n’est pas de l’humanisme bêlant, mais bien la base chrétienne du vivre-ensemble.
À côté de ces bêtes de muscles qui se pavanent et s’exhibent, les gentils marcheurs en forêt ont l’air con. Mais sur la durée, il n’est pas sûr que la tortue soit battue par le lièvre.