Depuis qu’il a quitté l’Élysée – mais l’a-t-il vraiment quitté ? – Alexandre Benalla est marqué à la culotte par le Mossad. Pourquoi diable ? Tous les services secrets du monde, mais en particulier celui d’Israël, rêvent d’avoir sous la main un homme qui a partagé l’intimité des puissants. C’est le cas de Benalla qui, pendant plus de dix-huit mois a vécu dans l’ombre du couple Macron et, à la fois, au cœur d’une machine pas banale, la présidence de la République Française, cinquième puissance mondiale et membre du Conseil de sécurité de l’ONU.
Quand Mitterrand est arrivé au pouvoir en 1981, même si Tonton et ses amis, depuis longtemps, avaient épuré toutes les archives concernant leur maître, le Mossad avait, lui, récupéré des kilos de papiers. Pas tous valorisants pour l’histoire secrète de celui qui arrivait au pouvoir. Vichy, bien sûr. Mais pas seulement. Et ce n’est pas pour le seul amour de la carpe farcie que Mitterrand a réservé sa première visite d’État à Israël. Ce Benalla, et ses secrets même petits, n’a donc pas de prix. Et le Mossad, prêt à guider le demandeur d’emploi, est informé de tout ce qui tourne autour de cet Alexandre.
Et c’est un agent israélien, travaillant sous couverture dans un aéroport parisien, qui a été le premier informé d’un transfert de 294 000 euros touchant le gendarme Vincent Crase, ami et complice de Benalla, un argent issue des comptes d’oligarques caucasiens. Mieux, le même observateur croit savoir aujourd’hui qu’une autre somme, cette fois de 600 000 euros, venue de la même source, est arrivée sur des comptes au Maroc. Rien ne dit que cet somme soit destinée, de près ou de loin, au chômeur de l’Élysée. Mais autour du malheureux Benalla, l’argent circule.
Enfin, les israéliens ont fait « tamponner » Benalla par un de leurs amis, agents, correspondants, l’incroyable Philippe Habadou Solomon. Le genre d’homme que le Mossad adore. Il suffit de le sonner, il est prêt à donner la main même si la prison est au bout. Cette fois Solomon, lui aussi doté d’un passeport diplomatique, a accepté, pour le compte du Mossad, de jouer les parrains de Benalla. L’Afrique étant un vieux terrain de jeu des ambitions d’Israël, hors même le commerce du diamant, la carrière de la jeune recrue devait commencer par la tournée des petits ducs. Ces corrompus et potentats qui étranglent les peuples de tout un continent. L’autre cour de récréation, bien plus petite où il doit être amené à jouer, c’est l’émirat totalitaire et esclavagiste du Qatar. Allez savoir comment, la diplomatie israélienne laisse, à Doha, ce Solomon jouer un rôle d’ambassadeur occulte… Benalla pourra toujours s’y occuper des footballeurs du Mondial de la honte, en 2022. Une chose acquise, le tricotage de certains journalistes « investigateurs » parisiens qui entendaient désigner Alexandre Djouhri comme nouveau coach ou apporteur d’affaires de Benalla sont allés dans le mur. En réalité, pour révéler un secret d’État, les deux Alexandre se sont croisés au Zuma, un restaurant japonais de Londres, la cantine d’un Djouhri gravement cardiaque et condamné aux sushis. Sachant que l’ami de Dominique de Villepin déjeune ici chaque jour, Benalla (qui vit à Londres) a un jour réservé une table au Zuma pour, enfin, rencontrer l’homme dont la presse affirme « qu’ils se connaissent ». C’est en allant se laver les mains que Djouhri est tombé sur le chômeur de l’Élysée…
Puisque nous sommes en période de fête, et que les soirées peuvent être longues – et parfois tristes –, nous vous soumettons, comme un bonus, un résumé de la carrière du nouveau « papa » de Benallla. Rassurons-nous, le disciple est à bonne école. Étonnant que, pris d’une crise de pudeur subite, Le Monde se soit limité à présenter le gourou de l’ex « épaule gauche » de Macron comme rien de plus « qu’un ancien conseiller de l’ancien président d’Afrique du Sud »… Il est pourtant plus et pire que cela.
En 1990, Philippe Habadou Solomon, quarantaine bien mise, tient commerce de joaillerie place Vendôme à Paris. Mais tout le monde n’est pas Van Cleef et la boutique fait pschitt. Peu soucieux d’assurer le service après faillite, Solomon part aux États-Unis alors que la France va le condamner pour la légèreté de sa gestion bijoutière. Il a confiance en son avocat, Thierry Herzog, le conseiller de Sarkozy. « Attention, je ne connais pas Sarkozy, on a juste passé des vacances avec lui et Herzog en 2001 », précise Solomon aux journalistes qui le questionnent alors.
Aux États-Unis, Solomon se recycle dans la gestion financière. Bavure, il abonde largement la campagne électorale de Robert Toricelli, un sénateur proche de Clinton. Plus tard le néo homme d’affaires va le reconnaitre : « Cette mise de fonds politique était illégale ». Il est arrêté alors qu’il joue au casino Taj Mahal d’Atlantic City. C’est la prison.
Quand il la quitte, il s’installe en Israël, Tel Aviv devient sa résidence officielle.
Au passage il se lance dans une opération de sauvetage de Bernard Tapie « un mec bien ». Mais voilà que Brice Hortefeux, grand expert dans la définition des hommes que l’on peut fréquenter, ou pas, conseille à « Nanard » de « s’éloigner de Philippe ». Ah bon ! Pourquoi ?
Heureusement il y a « Popaul ». L’insubmersible Barril qui, lui aussi expert en honnêtes gens, « tamponne » Solomon pour « l’aider sur la sécurité en Centrafrique alors que je n’y connais rien ! ». L’excellent Philippe débarque à Bangui en compagnie de deux hommes vertueux, Lotfi Belhadj et Christophe Giovanetti. Franco-tunisien, Belhadj a de l’entregent puisqu’il est à la fois entrepreneur et diplômé de l’Institut d’Études Islamiques de Paris (aujourd’hui il est l’organisateur de la défense de Tariq Ramadan). Giovanetti n’est pas un inconnu puisqu’il a, sous Chirac, organisé un arbre de Noël à l’Élysée et réalisé le logo de l’opération « Pièces jaunes » de Bernadette. L’affaire de sécurité ne se fait pas, mais Barril le branche sur le rachat de la compagnie aérienne Aerolyon.
En France, en 2002, il reprend donc cette société de transport aérien. Neuf mois plus tard les ailes déposent le bilan et Solomon est mis en examen pour « faux, usages de faux et escroquerie ». Un peu tard la justice découvre que pour acquérir la société, « le Roi Solomon » a produit de fausses attestations. Deux documents attestant du dépôt de 8,2 millions d’euros en garantie, des papiers bidons produits devant le Tribunal de commerce. D’un tribunal l’autre Solomon passe du commerce au correctionnel. En 2004 le TGI de Lyon condamne Philippe Hababou, alias Philippe Solomon, à trois ans de prison ferme. Le bienheureux sort en 2005, laissant 254 salariés au tapis.
Bijoutier, homme de sécurité, aviateur… Rien ne marche trop bien. Alors pourquoi pas le foot, un monde bienveillant avec les porteurs de casiers. Immanquable, Solomon devient l’ami d’Arcadi Gaydamak, un oligarque russo-israélien intime de la bande à Pasqua, héros de « l’Angolagate », qui va, comme c’est étrange, passer un peu plus tard une longue année à Fleury-Mérogis. Pour l’instant Aracadi et Philippe décident d’installer le footballeur Luis Fernandez comme entraineur à la tête du club israélien Bétar. Solomon a joué les agents recruteurs : « Je connaissais l’agent Jean-Luc Baresi, grâce à Bernard (Tapie) ». Baresi ? « Un mec bien, ferait pas de mal à une mouche ». C’est vrai que lorsqu’on a deux frères fichés au grand banditisme et que, soi-même, on a été incarcéré pour « tentative de racket et menace de mort », on est forcément un type au poil.
Finalement, le foot, ce n’est pas ça non plus. Pourquoi ne pas essayer le pétrole ?
Ça tombe à pic puisque Solomon tombe sur l’admirable docteur Huu un vietnamien qui, depuis sa terre natale, tente de mettre son nez dans différents marchés de ce brut qui sent mauvais. Mais, pour vendre « l’oil » providentielle, Huu n’est installé que sur son marché national. C’est peu. Pourquoi ne pas faire mieux et, aussi, vendre du pétrole en Afrique ? Philippe Habadou Solomon est bien d’accord : « Il n’était présent qu’au Viêt Nam, je me suis dit qu’il fallait développer tout ça ». C’est vrai que le « tout ça » est une spécialité de notre héros. Sort favorable puisque « Nanard », présente à son pote de prison, un spécialiste, « Loïk », Le Floch-Prigent, l’ancien PDG d’ELF. Avec sa belle équipe, Le Floch, Giovanetti et Belhadj, Solomon s’occupe donc du développement d’ATI, la boîte du docteur Huu. Avec Huu ça avance vite, les bonnes nouvelles s’accumulent.
Les contrats tombent. En Tunisie, au Niger, au Congo, en Centrafrique, (Solomon se présente maintenant comme le consul de Bangui en Israël) les signatures s’accumulent au bas des promesses d’achat. Et voilà, comme le barde dans Astérix, qu’apparait Balkany dans l’histoire. C’est dire si tout cela est du solide. Eh non. Il parait qu’en montant leurs trustes et holdings, Solomon et sa bande ne se sont livrés qu’à une pratique dite de la « bouilloire ». On doit même à cette « dream team » le plus beau coup réalisé en la matière. En juillet 2007 alors que les indices boursiers sont dans les chaussettes, une société américaine inconnue, ATI Petroleum, écoule 83 000 titres au prix de 18 centimes. C’est la très bonne affaire du moment. Vous n’êtes pas au courant ? Le spécialiste de l’exploration du pétrole au Viêt Nam devient un dragon et s’apprête à faire exploser le marché du pétrole. Le temps d’un aller et retour Deauville, la durée d’un week-end, et voilà que l’action a bondi et frôle les 4 euros. « Deux sites de gaz acquis en Tunisie » et hop, le cours grimpe de 1 700 %. Si ça ce n’est pas du génie, Solomon est honnête homme !
Bien sûr les vétilleux, il y en a toujours, font observer qu’au pays de Bourguiba il n’y a ni gaz ni pétrole au moindre étage. Pas grave. L’important se joue en bourse. Lieu étrange où des gens fortunés, souvent instruits et méfiants sont prêts à jeter leur argent à la mer dans l’espoir d’un peu plus. Ou beaucoup.
Et paf ! Comme souvent avec Solomon, malchanceux au Monopoly, le passage par la case prison est un impératif. L’équipe est arrêtée à Grasse au cours d’un repas de loups. Grillé, le Franco-israélo-centrafricain-tunisien est à nouveau comme une balle de golf : au trou.
Conter les aventures de Solomon, dit « Le Roi » occuperait les pages d’un annuaire parisien, on y trouve des carambouilles sur le carbone, d’autres sur la téléphonie. Chez lui l’imagination est au pouvoir. Nous allons donc sauter quelques étapes pour plonger sur l’un de ses coups les plus dingues : le piratage d’un pétrolier de 234 534 barils depuis le terminal de Cyrénaïque en Libye, en pleine guerre bien sûr. Philippe, qui n’est pas sectaire avec les opinions ou les religions, se découvre un lien d’amitié avec Ibrahim el-Jadhran qui fait métier de djihadiste privé en Libye. Ce joli barbu contrôle, plus ou moins, un terminal pétrolier de Cyrénaïque. Solomon entreprend de présenter ce révolutionnaire à son ami Jacob Zuma, président extrêmement corrompu d’Afrique du Sud. Puisque, la roue de la malchance étant tournante, Solomon n’est plus seulement « consul de Centrafrique en Israël », mais surtout « conseiller » de Zuma. Un chef d’État-bis.
La petite bande trouve plaisant que le barbu de Cyrénaïque puisse, à ce qu’il affirme, jouir du pétrole local. Ainsi, accroché au pipe d’un terminal de Libye, se trouve le Morning Glory, plein de ses 250 000 barils de « sweet crude », le caviar en matière de pétrole. Pas de problème, les djihadistes vont mettre en marche ce bateau et la bande à Solomon récupérer le trésor pour le livrer à Haïfa. Quitte à reverser une obole au « pouvoir » Libyen et autres corrompus… Le pétrolier fantôme prend donc le large pour se dirige vers Chypre. Venus de Tel Aviv en jet privé, Solomon et ses boys se posent à Larnaka.
Puis, en compagnie de deux membres du Mossad, il embarque sur un navire. Ce dernier doit les conduire à la rencontre du Morning Glory. Mauvaise rencontre ? Le bateau du « Roi Solomon » doit faire demi-tour. À Larnaka les policiers chypriotes se montrent soudain curieux, fortement aidés dans leur investigation par des agents de la CIA et des Forces Spéciales. Étrangement chanceux, pour Solomon et son équipage, la sanction judiciaire s’arrête ici. Prudent comme des Benalla tous les trois sont sagement dotés de passeports diplomatiques. Relâchés, les israéliens peuvent regagner leur jet et Tel Aviv, alors qu’en pleine mer les soldats américains lancent l’assaut contre le Morning Glory. Le hold-up du siècle a échoué.