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Alain Juillet : "Un service de renseignement doit être neutre"

L’ancien chef du renseignement à la DGSE accuse les néocons américains

Le président de l’Académie de l’intelligence économique, ancien directeur du renseignement à la DGSE, répond aux questions de notre journaliste. Espionnage industriel, écoutes téléphoniques, « Big Four », crise ukrainienne, intervention en Syrie… Tout y passe.

 

Régis Le Sommier – Comment l’âge numérique et son évolution phénoménale affectent-ils le renseignement et l’intelligence économique ?

Alain Juillet – La guerre économique peut être un formidable moyen de pression et de contrôle pour gagner des positions. Avant, les services récoltaient du renseignement pour faire des guerres militaires ou politiques. Aujourd’hui, l’intelligence économique est une guerre qui utilise les moyens et les techniques du renseignement pour avoir les bonnes informations et gagner des combats. Dans une version plus « habillée », on dira que dans la compétition moderne, les entreprises ont besoin d’être les plus performantes possible, donc, elles ont besoin d’informations. Au-delà de la capacité de l’ingénieur à inventer quelque chose ou du commercial à le vendre, il y a obligation d’avoir recours à de l’intelligence économique appliquée.

Sur le fond, il ne faut pas se faire d’illusions. Nous sommes dans un combat économique majeur, au niveau mondial, parce que dans chaque activité où il existe une position de leadership, ceux qui sont en place veulent la conserver par tous les moyens et ceux qui sont en dessous essayent de trouver les solutions pour prendre la main. Vous ne pouvez pas comprendre l’affaire Alstom avec General Electric si vous oubliez qu’Alstom était devenu leader dans les turbines à gaz. L’opération a pris deux ans, deux ans de guerre contre Alstom avec anéantissement de l’adversaire à la fin. Échec et mat. Pour moi, c’est une opération de guerre remarquablement menée. Dans la guerre militaire, on tue ou on blesse. Dans la guerre économique, les morts, ce sont les chômeurs et les sites que l’on ferme. Il y a aussi l’argent qui change de mains. C’est la même chose lorsqu’on fait du pillage de brevets ou qu’on récupère des petites sociétés ou des start-up. On est dans un monde dur dans lequel les gens ne se font pas de cadeaux. Les techniques du renseignement militaire au sens large sont utilisées car ce sont les meilleures. L’avantage concurrentiel est donné à celui qui a le plus de moyens par rapport à l’autre.

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Les dirigeants allemand, russe, ukrainien et français – Angela Merkel, Vladimir Poutine, Petro Porochenko et François Hollande – réunis le 2 octobre 2015 à Paris pour trouver une issue au conflit ukrainien. Une crise qui, selon Alain Juillet, pourrait avoir été «  montée de toutes pièces par les néoconservateurs américains ».

 

On dit toujours que la France est en retard, que nos services de renseignement mettent du temps à se réformer. Est-ce la réalité ?

À la fin du siècle dernier, nous étions vraiment en retard. Aucun doute là-dessus. Nous avions des chercheurs et des start-up très performants, mais nous n’avions pas compris le niveau auquel étaient arrivés les Américains et les Anglais. Nous étions très loin derrière. Une reprise en main a eu lieu dans les services de renseignement, ce qui fait qu’aujourd’hui, sur le plan technique, nous sommes parmi les cinq meilleurs au monde. J’ai bien dit « sur le plan technique ». Parce que sur le reste, nous n’avons pas terminé notre révolution. Bernard Bajolet a opéré beaucoup de changements à la DGSE. Patrick Calvar également à la DGSI. Quand vous regardez les Américains, les Chinois, les Russes ou les Anglais, vous vous apercevez que nous n’avons pas encore tout intégré.

 

N’est-ce pas dû aux politiques ?

Il reste beaucoup à faire, encore que le politique a fait de gros efforts. Il y a une prise de conscience réelle de l’intérêt des services de renseignement, ce qui ne les a pas empêchés de faire des bêtises énormes. Il est certain que sur la Syrie ou l’Ukraine, les Français se sont trompés. Soit les services ont donné de mauvaises informations, soit ce sont les politiques qui, malgré les informations, ont voulu aller dans un sens qui n’était pas celui de la réalité. Sur la question syrienne, on a ignoré la réalité… À l’époque des conflits en Irak et des quatre journalistes otages en Syrie, nous avions de bonnes relations, non officielles, avec les services syriens. Ces relations nous ont toujours servi. Brutalement, on coupe les ponts. C’est une absurdité totale. À côté de ça, on va se faire manipuler en aidant des gens, prétendument rebelles, alors qu’en réalité il s’agissait d’équipes d’Al-Qaïda poussées par des pays du Golfe. Si on l’a fait, cela veut dire qu’on n’a tenu aucun compte de l’avis des services de renseignement. C’est une faute grave.

Lire l’entretien complet sur parismatch.com

Les services de renseignement au coeur de la guerre commerciale mondiale, voir sur E&R :

 






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