Quelle belle chose que la « libre communication des pensées et des opinions », consacrée par la déclaration des droits de l’homme ! Selon certains, la liberté d’expression et la liberté de mouvement constituent une question de principe et, face à l’intolérance, on ne saurait céder un pouce de terrain !
Fort bien, si ce n’est que le droit d’aller et venir de nombreux anonymes est loin d’être garanti : confrontés dans leur vie quotidienne à l’insécurité, ils n’ont pas le choix et sont sans défense.
On ne peut faire abstraction des intentions et des circonstances. La liberté est corruptible en licence et peut être instrumentalisée. Un chantage à la liberté d’expression peut la prendre en otage. Raymond Aron observait, en 1968, que la technique des manifestants consistait souvent à tenter de pousser les policiers à la faute, afin de pouvoir s’afficher en victime de brutalités policières. Technique reprise de nos jours par les « no-borders » à Calais, ou par les Femen. En février 2015, lors de la fusillade de Copenhague qui visait le caricaturiste suédois Lars Vilks, une Femen a même pris une pose victimaire.
Qu’une cause soit celle de la liberté d’expression requiert donc la réunion de conditions : que celui qui l’incarne soit à la hauteur de sa tâche et que la menace qui pèse sur lui soit tangible. Ainsi, à Calais, le général Piquemal s’étant adressé aux policiers avec un paternalisme déplacé, on ne pouvait plus prendre fait et cause en sa faveur, contre son interpellation contestable. A contrario, compte-tenu de la menace de mort qui pèse sur lui, on ne pouvait pas ne pas prendre fait et cause en faveur de Robert Redeker, même si l’on trouvait ses propos excessifs. La défense de la liberté d’expression doit donc être modulée en fonction des circonstances.
Alain Finkielkraut se trouve, de facto, dans la position jadis détenue par Aron, Furet, puis Revel, d’être le plus célèbre intellectuel de droite français du moment (talonné par Zemmour). Mais noblesse oblige ! Un académicien a un devoir d’exemplarité, on ne profère pas des onomatopées...