La segmentation en tant que stratégie de recrutement a fait son entrée pratiquement au même moment dans la vie économique et politique, dans les années 70.
Le tournant ultralibéral est amorcé, dans un contexte de défiance du prolétariat et de conscience de son exploitation, et de cohésion des peuples autour d’une culture nationale et de la notion de bien commun qui transcende toutes disparités socioculturelles.
La politique a dès 1968 transformé l’idée "d’appartenance naturelle" à un "un peuple", en "une revendication libertaire" de porter les stigmates d’une minorité supposément opprimée, puisque conçue dans une optique d’exclusivité rassurante, et "d’appartenance choisie", comme l’expression d’une volonté propre, s’exprimant envers et contre toutes les autres.
Cela a démarré aux États Unis dans les années 60 avec le segment racial fabriqué pour sortir de l’apartheid en fabriquant une nouvelle "cible" pour le discours politique, tout en évitant une union des prolétaires transcendant les questions de couleur de peau. Puis on a eu le segment féministe, puis homosexuel, puis confessionnel...
Il est important de noter que le pouvoir économique et le pouvoir politique agissent de manière coordonnée pour la neutralisation des segments.
Un segment a d’abord des revendications politiques inclusives générales, globales, valables pour l’ensemble de la société (emploi, logements, répartition des richesses, anticolonialisme).
Puis il est détourné vers des revendications exclusives uniquement et purement communautaires, qu’il faut défendre contre tous les autres (individualisme politique).
Puis il est enfermé dans un cadre économique, puisqu’on lui impose un environnement socioculturel fabriqué sur mesure pour induire des comportements standardisés, et favoriser un catalogue de "produits" et un mode de consommation, qui vont à la fois fixer son "identité" dans l’album de famille ultralibéral, et induire un "individualisme" interne propre à chaque segment.
Le gouvernement actuel, produit par une stratégie de segmentation jamais vue dans l’histoire de la Ve République en est un parfait exemple, il a pris le pouvoir par un discours segmentant en totale contradiction avec la notion de représentativité nationale.
La crise des Gilets Jaunes est un problème de représentativité nationale réelle qui indique clairement que la segmentation politique est cul de sac de l’évolution de la démocratie.
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