« Ambazonie » au Cameroun, le Somaliland en Somalie, le Biafra au Nigéria, et même le « Nord-Centrafrique » ou l’Azawad au Mali malgré la paix (fragile) qui y règne. L’Afrique entamera 2018 avec des sécessionnismes en action ou en latence.
Un président qui décide de ne pas se présenter pour un nouveau mandat. Un scrutin présidentiel qui se déroule, en novembre 2017, sans violence. Des résultats qui sont reconnus, en dépit d’irrégularités, par l’opposition. Le Somaliland est déjà désigné comme un bon élève dans cette région, la Corne de l’Afrique, où règnent des États autoritaires. Il est loin pour autant d’être « un État modèle » en matière de démocratie faute d’un petit détail qui lui manque. Ce n’est justement pas (encore) un État.
Bordée par le Djibouti et l’Éthiopie, cette région autonome de la Somalie avait pourtant autoproclamé son indépendance dès 1991, et dispose de sa propre constitution depuis 2001. Mais jusqu’à aujourd’hui, le Somaliland n’est reconnu par aucun État au monde.
« Le Somaliland parie sur la stabilité et la démocratie pour arracher à la communauté internationale, à terme, une reconnaissance », analyse Amira Abdelhalim, chercheuse spécialiste de l’Afrique subsaharienne au Centre Al-Ahram des études politiques et stratégiques au Caire.
La « stratégie » du Somaliland est pourtant loin d’être partagée par d’autres entités animées par les mêmes velléités sécessionnistes. L’année 2017 a été ponctuée, entre autres perturbations politico-sécuritaires, par la crise du « Cameroun anglophone ». Dans ce pays d’Afrique centrale, l’agitation tourne depuis quelques mois à l’insurrection armée dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. La simple contestation de la « franconisation » des systèmes éducatif et judiciaire s’était amplifiée crescendo, avec la domination d’une frange séparatiste de la zone anglophone qui entend obtenir l’indépendance de « l’Ambazonie », la « République » autoproclamée.
Dans le Nigéria voisin, pays où « l’abandon » d’un Nord défavorisé avait déjà été un terrain favorable à la naissance de Boko Haram, un groupe insurrectionnel devenu terroriste, des groupes indépendantistes du Sud-Est réclament toujours un référendum d’autodétermination, pouvant ouvrir la voie à l’indépendance du Biafra. C’est dans ce contexte que des actes de sabotage ont provoqué, en 2016, la chute de production de l’or noir dans ce pays membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).
Les exemples sont légion, même si les revendications savent se mettre aussi en veilleuse. Aujourd’hui, la situation en Casamance, région du Sud du Sénégal, n’est pas inquiétante. Au Mali ou en Centrafrique, en revanche, pays où la paix reste fragile, on n’est jamais à l’abri du réveil des « vieux » démons sécessionnistes du Nord.
Aujourd’hui, il est inconcevable d’envisager, sous un même prisme, le sécessionnisme en Afrique. Il s’agit, d’ailleurs, d’une réalité qui dépasse le cadre africain. Le cas de la Catalogne, comme celui de dizaines de mouvements autonomistes ou indépendantistes à travers le monde, qu’ils soient en activité ou en veilleuse, sont suffisamment probants.
Toutefois, il demeure possible de pointer un facteur commun. Celui d’une crise des États nationaux. « Ces tendances s’analysent, le plus souvent, comme une réaction au défaut d’intégration de toutes les composantes, notamment ethniques, au sein d’un État central et national », relève la chercheuse égyptienne.
Du Cameroun anglophone au Soudan du Sud, en passant par la crise du Biafra, le sécessionnisme en Afrique s’adosse à des tensions puisant leur origine dans l’histoire de ces dernières décennies. Qu’est ce qui explique, en revanche, qu’une Érythrée ou un Soudan du Sud puissent accéder à l’indépendance (respectivement en 1993 et en 2011), alors que des entités poursuivant les mêmes objectifs enregistrent moins de succès ?
« Le jeu des intérêts et des rapports de force au niveau international est un élément à prendre en considération », explique à Sputnik Amira Abdelhalim, qui rajoute que la persistance des violences liées aux revendications peut rendre la sécession inévitable.