Affaire d’État. Ce vendredi, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a remis, à titre posthume, les insignes de chevalier de la Légion d’honneur au caporal Mohamed Farah Chems Eddine Legouad, abattu le 15 mars 2012 par le « tueur au scooter ». Inhumé dans le carré musulman d’un cimetière de la banlieue lyonnaise, le jeune soldat avait été atteint, à l’âge de 23 ans, de plusieurs balles placées entre la tête et le haut du thorax.
Hier soir, la mère du défunt, Djemaa Legouad, était invitée sur le plateau du Grand Journal de Canal+ en compagnie de son avocat Olivier Morice. Face à eux était présent Manuel Valls, ministre de l’Intérieur. Il s’agissait là de la première apparition médiatique de cette femme originaire de Constantine.
Contrairement aux autres avocats des familles de victimes, maître Morice continue de pointer du doigt le ministre de l’Intérieur, soupçonné de dissimuler ou de retarder la divulgation de pièces essentielles du dossier Merah. À deux reprises, Djemaa Legouad, emplie de colère et avec dignité, l’interpella en ces termes : « J’ai l’impression que vous nous cachez des choses. »
L’extrait est visible à partir de la 4e minute de la vidéo :
Lors de son vif échange avec Manuel Valls, l’avocat de la mère endeuillée a, quant à lui, exhibé une mystérieuse photo, récemment dévoilée à l’écran par le documentaire de France 3 consacré à l’affaire Merah.
Le 23 novembre, l’auteur de ces lignes soulignait déjà l’importance de ce cliché :
« Autre élément intrigant : comme l’a révélé Libération le 8 novembre, la photo de vidéo-surveillance d’un homme “grand, baraqué, au teint cuivré” aperçu avec Mohamed Merah avant son départ -en août 2011- au Pakistan ne figure pas dans le dossier fourni par la DCRI à la justice. Pourquoi cette rétention ? S’agit-il d’un membre présumé d’une cellule terroriste, d’un indicateur de la police ou de l’officier traitant de la DCRI ? »
L’identification de cet homme est cruciale : capturée le 17 août 2011, l’image révèle peut-être l’existence d’un personnage essentiel pour comprendre le parcours ultérieur de Mohamed Merah. Curieusement, cette photographie avait été réalisée par l’antenne toulousaine de la DCRI -la Direction centrale du renseignement intérieur- alors que celle-ci affirma, par la suite, ne pas avoir eu connaissance du départ de Merah pour le Pakistan, deux jours seulement plus tard. Selon la version officielle promulguée par le clan Sarkozy (Claude Guéant, Bernard Squarcini, François Molins), le jeune Toulousain aurait alors pris, depuis l’aéroport de Roissy, son envol à destination de Lahore sans que la DCRI -via la police de l’air et des frontières- n’ait été alertée. Prétexte invoqué par les policiers et jugé valable (page 4) par le ministère de l’Intérieur : l’homme avait d’abord fait une escale à Oman, un lieu ne faisant pas partie des 31 destinations surveillées par les services de renseignements.
Autre aspect toujours passé sous silence : l’arme qui a froidement permis d’abattre quatre des sept victimes (les trois soldats et la fille du directeur du collège juif) était un colt 45 disposant d’une particularité troublante. Selon un expert en armes, ce pistolet semi-automatique de calibre 11.43 mm était caractérisé par une modification spécifique aux forces d’élite de la police française. Il est « difficile de croire que Merah ait pu apprendre cette technique dans un camp d’entraînement au Pakistan. Pour en avoir le cœur net, encore faut-il mener l’enquête. À ma connaissance, rien n’a été fait de ce côté-là », précise le spécialiste.