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Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

Maintenant qu’Abou Bakr al-Baghdadi, le dirigeant de l’EI [État islamique], a été éliminé, beaucoup manifestent leur joie et leur soulagement aux États-Unis et en Occident. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que ce groupe terroriste barbare est un produit de leur propre politique étrangère dans la région.

 

L’émergence de l’EI

En 2003, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont envahi l’Irak. À l’époque, il était peu question d’al-Qaïda ou d’autres groupes terroristes djihadistes dans la région. Après l’invasion, l’armée américaine a été confrontée à un violent soulèvement. Pour l’écraser, des escadrons de la mort ont été utilisés, exactement comme en Amérique latine, avec ce que les Américains avaient appelé « l’option Salvador ». De plus, dans cette sale guerre, sunnites et chiites ont été délibérément montés les uns contre les autres, la tactique consistant à diviser pour régner. C’est dans cette orgie de violences sectaires provoquées qu’al-Qaïda s’implanta en Irak sous le nom d’État islamique d’Irak (EII).

Puis vint le prétendu printemps arabe de 2011. Pour renverser Kadhafi, l’OTAN collabora avec le Groupe de combat islamique libyen (GCIL) sous la direction d’Abdelhakim Belhaj, ancien dirigeant d’al-Qaïda en Libye. Lorsque le soulèvement a commencé en Syrie, Belhaj a envoyé des centaines de combattants armés dans ce pays pour expulser Assad du pouvoir. Les services de sécurité des États-Unis et de la Grande-Bretagne ont coopéré pour transférer les arsenaux libyens vers les rebelles syriens.

En 2012, les États-Unis, la Turquie et la Jordanie ont mis en place un camp d’entraînement pour les rebelles syriens à Safawi, dans le nord de la Jordanie. Des instructeurs français et britanniques étaient également impliqués. Certaines parties de ces groupes rebelles allaient plus tard rejoindre l’État islamique.

Il y avait de nombreux Syriens dans les rangs d’al-Qaïda en Irak. Au début de la guerre civile en Syrie, beaucoup d’entre eux sont rentrés dans leur pays d’origine pour établir le Front al-Nosra. En avril 2013, Abou Bakr al-Baghdadi, dirigeant de l’EII, a déclaré que son groupe et al-Nosra avaient fusionné sous le nom d’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL), puis d’un État islamique d’Irak et de Syrie (EIIS, connu sous le nom d’ISIS en anglais). Al-Qaïda s’en est toutefois éloignée et les deux organisations terroristes ont suivi leur propre chemin.

C’est dans ce nid de guêpes qu’ISIS, appelée plus tard IS, a pris naissance et est devenu puissant. L’organisation terroriste s’est développée rapidement, a conquis beaucoup de terrain à partir de 2014 et s’est proclamée califat en juin de la même année. Les services de renseignement militaires américains (DIA) savaient depuis quelque temps qu’un tel califat était en préparation. Mais, selon Michael Flynn, ancien conseiller à la sécurité nationale du président Trump, le gouvernement américain a détourné le regard. Un tel califat constituait un excellent tampon sunnite pour affaiblir la Syrie et réduire l’influence de l’Iran chiite.

Graham Fuller, l’un des analystes les plus respectés du Moyen-Orient et ancien agent de la CIA, est très clair : «  Je pense que les États-Unis sont l’un des principaux créateurs d’ISIS. Les États-Unis n’avaient pas prévu la formation du groupe État islamique, mais leurs interventions destructrices au Moyen-Orient et la guerre en Irak étaient les causes fondamentales de la naissance du groupe État islamique. »

 

Rien de nouveau sous le soleil

Le flirt du Pentagone avec des groupes islamistes extrémistes n’est pas nouveau. Rappelez-vous des moudjahidines, à partir de 1979 : ils ont été recrutés, armés et entraînés par les États-Unis pour renverser le gouvernement communiste d’Afghanistan. Rambo 3 avec Sylvester Stallone est une version hollywoodienne de cette collaboration. C’est à partir de ces groupes de moudjahidines qu’al-Qaïda et Oussama ben Laden sont apparus plus tard.

Dans les années 90, les combattants extrémistes et encore plus violents des talibans sont devenus les partenaires privilégiés de Washington en Afghanistan. Cette coopération a pris fin lorsqu’il est devenu évident que les talibans ne pouvaient plus servir les intérêts des États-Unis.

Au cours de la guerre civile de Yougoslavie (1992-1995), des milliers de combattants d’al-Qaïda ont été emmenés par avion du Pentagone en Bosnie, pour soutenir les musulmans de la région.

En 1996, l’Armée de libération du Kosovo (UCK) a été formée par des officiers d’al-Qaïda juste de l’autre côté de la frontière avec l’Albanie. Au même moment, des soldats britanniques et étasuniens apportaient leur aide.

Nous avons déjà évoqué la coopération entre le Groupe de combat islamique libyen (GCIL) et l’OTAN pour renverser Kadhafi. Après 2011, cette organisation terroriste a formé une alliance avec les rebelles islamistes du Mali. Ces derniers, avec les Touareg, ont réussi à conquérir le nord du Mali pendant plusieurs mois. Grâce aux bombardements de l’OTAN, le GCIL avait pu piller les dépôts d’armes de l’armée libyenne. Les mêmes armes que les djihadistes utilisent aujourd’hui en Syrie, en Irak, au Nigeria, au Tchad et au Mali. Le Financial Times établit un lien entre ces événements et la rivalité géopolitique avec la Chine : « La militarisation de la politique américaine en Afrique après le 11 Septembre a toujours été controversée. Elle est perçue dans la région comme une tentative de renforcer le contrôle des ressources par les États-Unis et contrer le florissant rôle commercial de la Chine. »

Il ne peut pas non plus être exclu que les services de renseignements occidentaux soient directement ou indirectement impliqués dans les activités terroristes des Tchétchènes en Russie et des Ouïghours en Chine.

Nous parlons donc d’une politique systématique et délibérée de la part de Washington et de ses alliés pour garder le contrôle de la région.

 

La stratégie du chaos

Aujourd’hui, la guerre contre le terrorisme s’est transformée en son contraire : la propagation de la terreur. Les opérations ratées en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie montrent clairement que les États-Unis et l’Occident ne sont plus en mesure de modeler la région du Moyen-Orient comme ils le voudraient.

Washington et ses alliés risquent de perdre de plus en plus leur emprise et se tournent davantage vers des sous-traitants de la pire espèce. Ils soutiennent que « si nous ne pouvons pas contrôler la zone nous-mêmes, alors que personne d’autre ne le fasse non plus ».

C’est ce que l’on pourrait qualifier de stratégie du chaos, ou peut-être mieux de « chaos de stratégie ». En tout cas, c’est le summum de l’immoralité.

Une chose est sûre. La terreur dans la région ne sera pas éradiquée par les mêmes forces qui l’ont amenée à la vie. Ou comme une source insoupçonnable telle que Dominique de Villepin, ancien ministre français de l’Intérieur et des Affaires étrangères, le dit clairement :

« Les guerres perdues en Afghanistan, en Irak et en Libye favorisent le séparatisme, les États en déroute, la loi effrontée des milices armées. Jamais ces guerres n’ont permis de vaincre les terroristes envahissant la région. Au contraire, elles légitiment les plus radicaux. (…) Chaque intervention occidentale crée les conditions pour la suivante. Nous devons arrêter cela. »

 

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8 Commentaires

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  • #2315494
    Le 6 novembre 2019 à 13:39 par Adolfo Stalini
    Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

    "C’est ce que l’on pourrait qualifier de stratégie du chaos, ou peut-être mieux de « chaos de stratégie ». En tout cas, c’est le summum de l’immoralité."

    Un Etat n’est jamais immoral car les Etats sont des animaux à sang froid. Des monstres froids... L’Etat est amoral, pas immoral. Je pinaille certes, mais les mots ont un sens et immoral ne signifie pas amoral. L’homme est une machine langagière (une des rares paroles intelligentes de Lacan), c’est pourquoi il faut se méfier de l’emploi d’un vocabulaire imprécis.

     

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  • #2315516
    Le 6 novembre 2019 à 14:15 par goyband
    Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

    L’Afghanistan fut une terre de conflits entre les Russes et les US, certes, comme il y en a eu tant d’autres auparavant, comme en Afrique par exemple, (Angola, Zanzibar (aujourd’hui Unjuga en Tanzanie), Somalie, Zaïre, Sierra Leone).

    La dissuasion nucléaire a déporté cette opposition en terrain neutre, et l’Afghanistan n’y fait pas exception sous prétexte géostratégique.
    Que les moudjahidines ait été entrainés et supportés militairement par les US pour combattre les Russes, c’est évident, les US ayant parfaitement compris leur erreur du Vietnam, ils préfèrent désormais utiliser des proxies pour combattre leurs ennemis, on l’a très bien vu en Syrie.
    Cela étant dit, lorsque Ahmad Chad Massoud demande une aide militaire à la France, car il a parfaitement compris le danger des talibans laissés en friche et sous l’influence de Bin Laden, aide refusée doit-on encore le préciser, c’est parce que les Atlanto-sionistes pensent déjà au coup d’après et qu’ils imaginent que le Ché Afghan a fait son temps et qu’il faut passer à une étape supérieure dans la stratégie du chaos initiée par Paul Wolfowitz.

    Massoud se fait donc dessouder par deux faux reporters d’Al Qaida et 48 heures après, ce fut le 11/09.

    A cet instant, Les moudjahidines sont donc immédiatement oubliés, comme les Kurdes en Syrie.
    Depuis, la propagande Atlantiste ne cesse de minorer Massoud et ses Moudjahidines, histoire de noyer la réflexion des opinions publiques dans un abime de circonspections.

     

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    • #2316463
      Le Novembre 2019 à 18:51 par Lynx dans la brousse
      Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

      Encore un qui ne connait rien à l’Afganistan et encore moins au combat du commandant Massoud seul contre tous pour rallier les ethnies Afghanes et qui parle le discours de la doxa natio pro russe peu importe l’époque...

      Massoud n’a jamais menti, et il a toujours dit que les Américains ne l’ont jamais aidé. Au contraire ce sont les russes qui l’ont aidé une fois qu’ils avaient perdu, pour ne pas perdre une nouvelle fois mais contre les prémisses de Daesh... Rien à voir avec la Tché, dindon de la Farce jusqu’au bout de l’Afrique. Massoud restera le Lion du Panjshir invaincu car exemplaire , Panjshir où BHL malgrés les photos montages n’a jamais mis les pieds et ne les mettra jamais. Contrairement à certains quenelleurs photographes devant l’ Éternel. Comprenne qui pourra.

       
    • #2316781
      Le Novembre 2019 à 08:48 par goyband
      Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

      @Lynx dans la brousse, j’ai beau relire mon intervention, je ne vois pas ce qui objective votre critique à mon encontre et au sujet de Massoud.

      Il n’y a aucune divergence de fond.

      Peut être que mon allusion au Ché vous pose problème, j’avoue que c’est un peu rapide comme comparaison, en effet, néanmoins dans l’utilisation Kleenex par l’empire et pour contrer le communisme, j’y vois un parallèle.

      De toute manière, Massoud ne fait pas l’unanimité.
      Entre Massoud l’Afghan, de Christophe de Ponfilly et les confessions de Massoud d’Olivier Weber, il y a de quoi polémiquer.

      Bien que je me méfie énormément de ce dernier lorsqu’il défend la thèse d’un Massoud qui aurait milité pour un Islam des lumières, s’il avait survécu.
      Mais c’est un autre débat.

       
  • #2316423
    Le 7 novembre 2019 à 17:48 par Nairod
    Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

    Il est ou..avec ses 70 supers vierge ? Chez Epstein

     

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  • #2316578
    Le 7 novembre 2019 à 21:34 par PV
    Abou Bakr al-Baghdadi : fabriqué et tué par la CIA

    https://lesakerfrancophone.fr/la-tu...
    Pour se déciler les yeux sur Erdogan et ses relations avec l’EI

     

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