AC/DC est le plus grand groupe de rock vivant, c’est un fait. Pourtant, ils sont régulièrement décimés, comme les Sonderkommandos d’Auschwitz. En 1980, c’est le chanteur reptilien Bon Scott – il chantait comme le serpent siffle – qui disparaît, en pleine gloire, suite à une énième beuverie homérique après un concert...
Le cocktail alcool/froid en bagnole ne pardonne pas : nous sommes à Londres le 19 février 1980. Bernie Bonvoisin, du groupe français Trust, raconte la fin de son ami. Peu à peu, la voiture AC/DC perd ses roues : le batteur Phil Rudd, devenu à moitié dingue et accusé (puis blanchi) d’avoir commandité un meurtre, le départ du guitariste rythmique et compositeur Malcolm Youg, remplacé par son neveu, puis récemment, c’est le tour du chanteur qui n’a pas réussi à faire oublier Bon Scott, Brian Johnson, d’être disqualifié pour surdité. Un chanteur qui devient sourd, ça n’a plus de retour. Mais quand on voit les décibels qu’ils se sont mangés sur scène depuis 35 ans...
Le casting a été rapide, car la machine AC/DC ne peut pas se permettre la panne. On n’est pas à la CGT Spectacle, là. On joue partout, les stades sont pleins, le monde entier veut sa dose de Whole Lotta Rosie. Justement, c’est la chanson qu’un fan a filmée et envoyée sur YouTube ce 17 avril 2016. On y voit Axl Rose, le chanteur de Guns N’ Roses, sur une chaise, une jambe dans la tombe, avec 50 kilos en plus et 50 groupies en moins par rapport aux années 90, entrer sur le terrain. Le public, spécialisé ou pas, n’y croit pas. Un éclopé sur le retour, qui défraye la chronique people plus que scénique, et qui entre dans la meilleure équipe live du monde, ça va mal finir.
Pour officialiser ce transfert de star dans le monde du rock, Angus Young vient jouer sa partie de guitare sur Whole Lotta Rosie.
Et là, alors que toute la planète spécialisée s’attendait à un éclat de rire pathétique, le miracle, le mec assure comme une bête... de scène. Les survivants du groupe australo-écossais ne se sont pas trompés : c’est le bon choix. Une fois remis, avec un peu de rééducation pour le jeu scénique, un coach sportif, un Angus Young toujours en forme à 61 piges, c’est du gâteau. Les jeunes groupes de rock n’ont qu’à bien se tenir : AC/DC en a encore pour 10 ans. La retraite, elle repassera.
La version Axl Rose de Whole Lotta Rosie :
Les groupes musicaux des années 1970, malgré la prise ahurissante de doses massives de substances diverses, et un chemin parsemé de croix, sont toujours là. Peut-être est-ce le talent, qui maintient en vie. Il paraît qu’un Johnny peut entrer avec 40 de fièvre sur scène, assurer trois heures de concert, et s’effondrer après. Entre-temps, il aura assuré bestialement sans ressentir et faire ressentir sa fatigue.
Ce qui caractérise cette époque, 1965-1975, c’est une incroyable créativité. Des musiciens nourris de racines noires et blanches sont arrivés à tel un niveau de virtuosité, qu’ils ont pondu des standards, à la manière du jazz des décennies plus tôt. Carlos Santana, perché dans son royaume des cieux à lui, n’est pas qu’un virtuose. Comme Hendrix, c’est un chef d’orchestre rentré.
Santana : « Je suis resté un hippie »
Appeler son nouvel album studio IV quand c’est en fait le 23e de sa carrière nécessite un certain culot. Mais dans le cas de Santana, c’est logique. Ce IV renvoie directement à III, sorti en 1971, et dernier disque du groupe comprenant la formation qui avait tout déchiré à Woodstock, deux ans auparavant.
Plus de 40 ans plus tard, comme nous l’a expliqué Carlos Santana au téléphone vendredi dernier depuis New York pour sa seule interview française, c’est donc Neal Schon, guitariste bien connu de Journey, qui a eu l’idée de cette reformation, d’enregistrer et de tourner. Merci Neal, de nous permettre de retrouver un Santana en grande forme, et qui rocke comme il ne l’avait pas fait depuis longtemps ! Car IV, s’il n’est pas exempt de défauts (le très mou Suenos ou le limite Compagnie Créole Come as you are, par exemple), comporte aussi plein de super bons moments. L’ouverture Yambu, avec sa wah wah et son orgue millésimé, est un régal, Choo choo ou Shake it pulsent bien, Blues magic fait penser à du bon Clapton. Clairement, titillé par des pointures comme Schon ou Rolie, pas pour rien dans le succès de Journey, Carlos Santana a retrouvé le feu sacré, et on est prêts à parier que, même avec quatre décennies de plus sur les épaules, les musiciens vont essayer de nous refaire Woodstock tous les soirs sur scène !
Mais laissons la parole à l’ami Carlos, manifestement toujours adepte des idéaux de sa jeunesse.
Morceaux choisis [NDLR].
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Vous n’aviez pas peur de vous faire chambrer à propos de cette réunion d’anciens combattants ?
Non, les gens qui raisonnent de cette manière ne devraient même pas sortir de leur lit ! Nous avons eu de bons professeurs, Miles Davis, B. B. King, bien d’autres qui nous ont appris à ne pas trop réfléchir, mais à suivre notre cœur, nos convictions, et à le faire avec puissance et énergie.
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Vous avez réalisé tellement d’albums que vous ne devez pas manquer de trucs, d’astuces, mais aussi d’idées inexploitées. Y avez-vous eu recours pour ce disque, même si l’idée était de produire un effort collectif ?
Absolument. Ce que j’ai appris d’Alice Coltrane, John McLaughlin ou Wayne Shorter en termes de mélodie, c’est que tout se résume à deux choses essentielles : spiritualité et sensualité. C’est comme inspirer et expirer, c’est une loi de la nature. Donc, mon rôle de musicien consiste essentiellement à arriver avec une mélodie qui rassemble ces deux ingrédients.
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Le titre Fillmore East renvoie bien entendu à la salle mythique de New York, où vous avez joué, tout comme Jimi Hendrix ou Janis Joplin. Et dans Caminando, le chanteur répète plusieurs fois « Let it roll », comme dans la chanson Roadhouse blues des Doors. Vous vouliez rendre hommage à cette époque musicale de la fin des 60s et du début des 70s ?
Totalement. Nous venons de cette époque. Les Doors, John Lennon, Michael Jackson, Bob Marley, Jimi Hendrix (Ndlr : euh, Carlos, Michael Jackson et Bob Marley, c’était quand même un peu après), nous faisons partie de tout cela. Ils ont changé de code postal, mais nous, nous sommes toujours là !
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Vous avez semble-t-il déjà en projet de réaliser un disque hommage à John Coltrane ?
Oui, avec ma femme Cindy, et nous voulons collaborer avec John McLaughlin. On envisage un triple album, chaque CD s’appelant G, puis O, puis D. Pour nous trois, John Coltrane était le plus proche équivalent d’un dieu.
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Le travail en studio et en version originale non sous-titrée (mais bon la musique elle, est un langage universel) de l’album IV :
Les mêmes, il y a 47 ans, en 1969, avec le morceau Soul Sacrifice :