Pour la troisième fois en un peu plus de 20 ans, une initiative populaire lancée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) afin de supprimer « l’obligation de servir », c’est à dire la conscription, a été repoussée à une écrasante majorité par les électeurs hélvètes appelés à se rendre aux urnes pour une série de « votations » le 22 septembre.
Les enquêtes d’opinions, réalisées quelques jours avant la tenue du vote, indiquaient qu’environ 60 % des personnes interrogées se disaient favorables au service militaire. Finalement, ils auront été 73,2 % à se prononcer pour son maintien.
L’obligation de servir est une tradition en Suisse. Instaurée en 1848, puis confirmée en 1874, elle concerne théoriquement tous les hommes âgés de 18 à 32 ans. Elle consiste pour ces derniers à passer par une « école de recrues » puis à effectuer une série de cours de répétition durant les 5 années suivantes. Les femmes ont la possibilité de faire une période militaire uniquement sur la base du volontariat.
Dans les faits, 61 % effectuent ce service, les autres étant soit déclarés inaptes et doivent s’acquitter d’une taxe d’exemption (3 % de leur salaire), soit accomplissent un service civil plus long et contraignant. Les femmes doivent se porter volontaire si elles souhaitent intégrer l’armée.
Actuellement, l’armée suisse s’appuie sur 150 000 miliciens actifs et 32 000 réservistes, encadrés par 2 650 militaires professionnels. Selon les plans de Berne, ces effectifs seront ramenés à 100 000 hommes dans les années qui viennent.
C’est donc ce modèle que les électeurs suisses ont choisi de maintenir. L’initiative du GSsA proposait de remplacer la conscription par le volontariat. Seulement, elle a été perçue, à tort ou à raison, comme étant un appel à supprimer l’armée, ce que ses adversaires n’ont pas manqué de mettre en avant.
Le président actuel de la Confédération, Ueli Maurer, qui est aussi le ministre de la Défense, a en outre avancé que la conscription est un élément de « cohésion du pays » en ces temps « d’invidualisme ». Un autre argument, développé aussi bien par les responsables politiques hostiles à l’initiative du GSsA que par les militaires est qu’une armée de professionnels coûte plus cher à entretenir. Le chef de l’armée, le général André Blattmann, était allé encore plus loin.
« Une armée de milice formée de volontaires est une illusion » car « il n’y aurait pas assez de volontaires et ceux qui s’annonceraient ne seraient pas les candidats idéaux », avait-il affirmé, le 8 août dernier. « Une armée professionnelle n’attirerait que des “Rambos” et des mercenaires »” avait-il aussi estimé.
Par ailleurs, les Suisses restent attachés à leurs traditions. En février 2011, une autre initiative du GSsA visant, cette fois, à mettre un terme à l’usage consistant à autoriser les miliciens à garder leur arme chez en dehors de leur temps de service avait été également repoussée.
Quoi qu’il en soit, l’idée du service militaire n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire, en recul. En janvier dernier, 60 % des électeurs autrichiens ont décidé de le maintenir alors que le gouvernement autrichien souhaitait aller vers une armée professionnelle. Le débat a été relancé cet été en Allemagne, où la conscription a pourtant été suspendue en 2011. Mais les libéraux du FDP, alliés d’Angela Merkel, la chancelière allemande, y étant opposés, la question a été pour le moment mise sous le boisseau. Sans doute que la déroute de ces derniers aux dernières élections législatives (ils ont été éjectés du Parlement) permettra de l’évoquer à nouveau, d’autant plus que la réforme de la Bundeswehr se fait non sans mal.
Outre l’Autriche et la Suisse, plusieurs pays européens ont conservé la conscription, avec, cependant, quelques aménagements. C’est aussi le cas de la Finlande, du Danemark, de l’Estonie, de la Grèce, de Chypre et de la Norvège, où il même a été décidé, en juin dernier, d’étendre le service militaires aux femmes.
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