Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes

Chômeur ou contrebandier, les débouchés locaux

Plus de cinquante pick-up sont déjà garés. L’avant du véhicule est systématiquement tourné vers la piste, prêt à démarrer en trombe en cas d’alerte. On n’entend que le ronronnement des moteurs restés allumés.

 

De la place, grande comme la moitié d’un stade, partent une dizaine de pistes au milieu des pins. À peine sorti de son véhicule, Rachid, l’homme qui m’a amené jusqu’ici, est abordé par un Libyen d’une trentaine d’années, très souriant. Rachid lui demande « ce qu’il a à vendre ». Des fusils d’assaut, des pistolets, des kalashnikovs. Pour les voir, il faut monter dans son pick-up à double cabine. Rachid est satisfait des prix. L’autre lui propose un pistolet à 82 000 DA [dinars algériens, soit 690 euros, NDLR]. Rachid pense pouvoir le revendre presque le double de son prix. « Je préfère acheter en Tunisie parce que les armes viennent de Libye et elles sont beaucoup moins chères », confie-t-il. Il me présente comme quelqu’un de la famille pour ne pas éveiller la méfiance.

Dans les autres véhicules, on s’échange des marchandises : vêtements, tabac de narguilé, électroménager, carburant, etc. Un marché de la contrebande comme celui-ci, il y a en a beaucoup des deux côtés de la frontière entre l’Algérie et la Tunisie, mais les armes ne se vendent pas partout. Nous ne sommes qu’à 40 minutes de la frontière et à quelques centaines de mètres de la route nationale. Mais il serait impossible d’y arriver par soi-même. Difficile aussi, pour les autorités, de les prendre la main dans le sac.

Car, tout autour, des dizaines de guetteurs, y compris parmi les bergers, rémunérés pour le service rendu, sont prêts à donner l’alerte par téléphone. « Tout passe par Houidjebet. Aucun gendarme, aucun garde-frontière, aucun militaire ne peut résister aux barons qui gèrent les frontières. La corruption dépasse le simple fonctionnaire. Tous les responsables sont complices. Mais ne vous inquiétez pas pour eux. Eux aussi reçoivent leur part du gâteau », confie Rachid.

 

 

Tout a commencé à Tébessa. Pour rencontrer le contrebandier, je lui donne rendez-vous sur une place publique, devant la salle du cinéma Maghreb dans le centre-ville. Autour de nous, la station de taxis et de bus au pied de vestiges romains qui continuent à être détruits pour réaliser une route, les ruelles piétonnes où se tient le marché aux vêtements, et la « route de Constantine », comme les gens l’appellent ici faute de connaître sa véritable appellation. Il est 17h, la températures approche déjà de 0°C. Rachid arrive enfin. C’est dans une Mercedes noire aux vitres teintées qu’il nous rejoint. Les cheveux hirsutes, les yeux cachés derrière des lunettes de soleil, il regarde sans cesse autour de lui.

Youcef, l’intermédiaire qui me l’a présenté, le rend confiant. « Bienvenue Monsieur le journaliste ! » me lance-t-il en posant sa main sur mon épaule. « Enfin, j’espère que tu es vraiment journaliste et que tu n’es pas des services de sécurité ! » Après une longue discussion au sujet de notre déplacement, Rachid nous donne rendez-vous le lendemain à 13h. Le programme : traverser la frontière avec lui, mais sans passer par le poste des douanes. Nous allons emprunter les pistes de la contrebande. Avant de partir, il me fixe droit dans les yeux et me lance : « Demain, tu verras des choses auxquelles tu ne vas pas croire. Tu verras que c’est nous qui gouvernons ici. C’est nous qui fixons les lois ».

A presque 600 km à l’est d’Alger, la wilaya de Tébessa partage 300 km de frontière avec la Tunisie. Le taux de chômage officiel dans cette wilaya de 650 000 habitants, qui ne dispose pas de zone industrielle, est de 8,44% en 2015. Mais ici, tout le monde vous le dira, le taux de chômage dépasserait les 30%. Dans cette ville « marginalisée » par les autorités, les jeunes « ne perdent pas leur temps dans les centres de formation et les universités », nous confie un responsable de l’éducation.

« Ils rejoignent directement les filières de la contrebande au lieu de consacrer deux ans à une formation et finalement devenir diplômés chômeurs.Dans la contrebande, ils sont sûrs de gagner entre 10 000 et 20 000 DA [84 à 168 euros] par jour minimum, c’est plus intéressant. »

Dans les rues de la ville, les pick-up et les 4x4 de marques Toyota et Ford sont nombreux. Ces véhicules constituent les maillons d’une infatigable chaîne devant les pompes à essence. L’augmentation du prix des carburants et les quotas imposés un moment puis abandonnés faute d’efficacité n’y ont rien fait : le carburant reste le produit de contrebande par excellence.

Pour contourner l’attente et être prêt à livrer de l’essence de l’autre côté de la frontière à n’importe quel moment, les contrebandiers ont creusé sous les maisons pour construire des bâches à eau où ils stockent le carburant. « D’autres utilisent des citernes », témoigne un habitant. Salim a 27 ans. Enroulé dans son burnous en attendant son tour pour faire le plein, ce chômeur nous explique avec un accent tunisien que sa marchandise sera « revendue deux fois plus cher à l’autre bout de la frontière ».

La plupart des jeunes de la région se lancent dans ce nouveau business « très rentable ». Même s’ils craignent que le trafic d’armes, plus que jamais florissant depuis la chute de Mouammar Kadhafi, qui préoccupe de plus en plus les services de sécurité, ne compromette leur activité. « Certes, ce que nous faisons est illégal aussi, mais nous n’avons pas le choix. Nous devons subvenir à nos besoins vu que l’État n’arrive pas à créer des postes d’emploi. »

Lire la suite de l’article sur elwatan.com

Un Maghreb en voie de déstabilisation, voir sur E&R :

 






Alerter

16 Commentaires

AVERTISSEMENT !

Eu égard au climat délétère actuel, nous ne validerons plus aucun commentaire ne respectant pas de manière stricte la charte E&R :

- Aucun message à caractère raciste ou contrevenant à la loi
- Aucun appel à la violence ou à la haine, ni d'insultes
- Commentaire rédigé en bon français et sans fautes d'orthographe

Quoi qu'il advienne, les modérateurs n'auront en aucune manière à justifier leurs décisions.

Tous les commentaires appartiennent à leurs auteurs respectifs et ne sauraient engager la responsabilité de l'association Egalité & Réconciliation ou ses représentants.

Suivre les commentaires sur cet article

  • #1406769

    il serait interessant de savoir ou vont ces armes car de quoi constituer une petite armée de rebelles parmi la population et faire comme en syrie !!!

     

    Répondre à ce message

    • #1406998

      D’après des experts de sécurité américains le syndromes des officier irakiens se répand en Algérie ( ils sont tous corrompue et n’hésiterai pas à accepter une valise pour déserter et laisser la place au USA.) il est possible qu’il soit dans le coup . ?

       
    • #1407171

      @baladin hum je sais pas,l’algerie c’est particulier quand meme,le niveau de corruption tout le monde le sait mais de là a trahir l’algerie j’ai des doutes en tout cas les généraux de la 1ere generation mais leurs successeurs peut etre que c’est possible,ayant du sang algerien je sais que l’algerie si elle tombe elle tombera pas facilement !!!

       
  • #1406818
    Le 27 février 2016 à 11:49 par SpiritusRector
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    Certaines personnes dans les pays maghrébins voient sans doute un intérêt financier immédiat dans le marché noir et notamment dans le trafic d’armes.

    Les laissés pour compte, surtout dans les zones rurales, ainsi que les opportunistes, à coup sûr.

    Cela dit, le but ultime de ces trafics d’armes pourrait bien être fort éloigné d’une simple manne financière pour les deux catégories de gens cités ci-dessus.

    Ces États feraient bien de renforcer la communication et la sécurité sur ce sujet, car cela pourrait bien être les prémices d’autre chose. Quelque chose de plus grave, notamment pour l’Algérie.

    Il me semble que les premiers signes de guerre en Syrie ont commencé de la même manière à la frontière turque...

     

    Répondre à ce message

    • #1406993

      Je suis d’accord avec vous mais question sécurité l’Algérie n’est pas un État fiable et on va s’en rendre compte dans quelque temps.Il y a des émeutes un peu partout dans le pays tu par les médias occidentaux mais cela ne tiendra pas longtemps ..

       
  • #1406930
    Le 27 février 2016 à 14:45 par beretblanc
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    Le problème des états africains est que les classes dirigeantes n’ont aucun sentiment national.

    Cela se répercute sur le bas de la pyramide.

     

    Répondre à ce message

  • #1406992
    Le 27 février 2016 à 16:13 par Baladin
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    Il n’y a plus d’État en Algérie.C’est un pays qui va s’effondrer .Bien sur il y a l’armée algérienne mais tant que le pétrole et autre ressource énergétique sont protégé le reste c’est pas leur soucis.C’est l’Europe qui va encore payer le prix de l’effrondement imminent de cet État avec des milliers de migrants .
    Pauvre pays !

     

    Répondre à ce message

  • #1407030
    Le 27 février 2016 à 17:09 par anonyme
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    Je reconnais bien ma belle Algérie là, tous les fonctionnaires sont corruptibles, ils se foutent éperdument de l’éthique qui devrait habiter les serviteurs de l’état et du peuple. Si il y a moyen de se faire un billet, ils sont toujours partant et peu importe la législation. Nous sommes un peuple profondément anarchique et c’est pour cela qu’on avancera jamais, la discipline allemande ou japonaise et la droitire scandinave nous ferait tellement de bien.

    Après j’ai quand même du mal à imaginer un scenario à la syrienne, l’armée et le renseignement sont d’une méchanceté et d’une roublardise que vous n’imaginez pas. Il n’y a pas de droits de l’homme avec ces gens. La majorité des barbus sont plus ou moins tenus par la drs à tel point que les gens ont du mal à dire ce qu’ils pensent sur la politique au café par exemple. La drs entend tout et je ne crois pas à la destruction de ce service, au contraire même, c’est encore un coup tordu j’imagine.

    C’est tellement plus facile d’être un barbu ici, que je souhaite bien du courage à qui voudra prendre les armes. Je ne parle même pas étrangers qui souhaiteraient venir faire le djihâd comme les tchétchènes en Syrie par exemple. Les barbus savent que les militaires algeriens n’ont aucune morale et qu’ils les massacreront comme des chiens si ils bougent une oreille. L’armée laisse deux ou trois maquis islamistes infiltrés en place pour maintenir la pression terroriste sur la population et capter les prétendants au djihâd à la source mais le pays est sous controle, au niveau sécuritaire. Parole de franco-algerien.

     

    Répondre à ce message

    • #1407098

      Je suis totalement d’accord avec vous , rien à ajouter , c’est exactement la situation en algerie. Commentaire écris par un franco-algerien

       
    • #1407205

      J’adhère à votre commentaire, certes l’Algérie à ses défauts comme vous le mentionnez, c’est vrai que l’armée est extrêmement redoutable et aguerrie , n’aime pas trop négocier avec les agitateurs salafistes ou autres, certains pensent à un scénario à la Syrienne ou Irakienne ( le rêve de l’empire), mais souvenons-nous parmi tant d’autres de l’attaque à Ain Amenas sur le site gaziers, même les experts occidentaux reconnaissaient la difficulté de l’intervention.Parole d’un connaisseur Algérien.

       
  • #1407286
    Le 28 février 2016 à 02:49 par becalme
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    Là il s’agit d’un trafic (généralement du carburant avec d’autres m/ses) qui ne date pas d’aujourd’hui de même que du côté ouest avec le Maroc (carburant/cannabis) pareil. Cependant la sécurité est bien réelle en Algérie et, la contrebande aussi.

     

    Répondre à ce message

  • #1407370
    Le 28 février 2016 à 10:37 par amar rabah
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    Ce qui a fait éviter a l’Algérie de tomber dans le giron wahabiste islamiste c’est le Fait Berbère , la donne anthropologique berbère , l’immunité berbère ... Si l ’Arabie saoudite ou le Qatar ont l’imprudence de faire activer l’option armée islamiste en Algérie, ils se ruineront dans une guerre mondialisée avec les Berbères et ils savent qu’ils perdront dans cette aventure cauchemardesque... les Chancelleries occidentales savent aussi tout ça , et savent que les territoires de la guerre seront essentiellement leurs propres territoires ...Fatalement , il y aura une jonction idéologique et stratégique avec l’axe oriental des Perses , des syriens , des kurdes ,et de tous les arabes et non arabes anti-wahabistes et anti-saoudiens dans le monde , mais les Berbères , surtout algériens, en cas de guerre généralisée apporteront à cet axe des facteurs déterminants : leur presence massive et communautaire en Europe et en Occident , leur capacité à mobiliser tous les berbères du Maghreb et les unir dans un combat historique , leur connaissance des langues occidentales et leur influence potentielle sur certaines couches sociales occidentales et enfin leur capital historique de la Lutte de Libération nationale moderne , héritée de la revolutiuon algérienne ... Les wahabistes et leurs alliés islamiste frères musulmans ont intérêt à bien se tenir face au Bebère ... déjà , ils doivent penser à se sortir de leurs bourbiers arabes en Syrie et au Yemen avant de penser se frotter aux berbères d’Algérie ... s’ils tentent le diable en cherchant la guerre avec les berbères , ce sera leur cauchemar et celui de leurs alliés occidentaux

     

    Répondre à ce message

    • #1407588

      brrr berbère, ça fait trop peur. Les types qui se sont fait occuper et coloniser par tous les peuples possibles et inimaginable (phéniciens, romains, vandale, arabe, espagnole, turcs, français...) de toute la méditerranée qui vient ouvrir sa gueule . Allez, FERME-LA comme dirait Dieudo !

       
  • #1407491
    Le 28 février 2016 à 13:38 par Iskandaar
    À la frontière Algérie-Tunisie “avec un trafiquant d’armes”

    C’est un cercle vicieux. Le terrorisme et le démantèlement des états alimentent la contrebande qui sera vu favorablement par les populations locales démunies et déjà enclines à ce type d’échange commerciale ( héritage de leur tradition nomado-pastorale et caravanière), et favorisée par la corruption des administrés. Chacun pensant pouvoir profiter du chaos à proximité sans s’imaginer qu’il pourrait le toucher bientôt. Mentalité du « pragmatisme » à court terme et à très courte vue, typique de l’Afrique et du Maghreb. La somme des mesquineries de chacun des maillons de la chaîne suffisant à préparer le désastre...

    Cette contrebande impliquant qui plus est du trafic d’armes, alimentant directement les divers groupes séditieux et terroristes, démunissant et isolant encore d’avantage ces populations, et affaiblissant grandement l’unité nationale. Ce processus délétère n’est pas conscientisé, la vision à long terme n’existant pas pour les populations de ces pays (il faut le reconnaître). Comme les « appels du ventre » tapent souvent plus fort que la conscience, la solution semble inextricable pour le moment...

     

    Répondre à ce message