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Le Sud libyen : une poudrière régionale, entre trafics et terrorisme

La guerre en Libye (2011) a bousculé l’équilibre géopolitique de la région. Touaregs et Toubous ont su tirer leur épingle du jeu pour élargir la gamme des trafics traditionnels d’armes et autres narcotiques à d’autres secteurs. Des hydrocarbures aux êtres humains, le « guêpier » du Fezzan, délaissé par les deux gouvernements de Tripoli et de Tobrouk, a permis de redessiner les contours de la carte du sud libyen au profit de ces factions qui se disputent désormais ces marchés dans une véritable logique d’exploitation entrepreunariale. Après l’Irak et la Syrie, l’EI progresse en Libye. Le groupe restreint de la coalition internationale contre l’EI se réunit à ce sujet le 2 février 2016.

 

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Missile SAM SA-5 à disposition dans le sud-est libyen

 

Avec 1 770 km de frontières maritimes et 5 000 km de frontières terrestres essentiellement tracées dans des territoires désertiques et très peu peuplées, la Libye, État failli par excellence, souffre aujourd’hui de cette porosité qui gangrène la quasi totalité de ses contours. Historiquement, le territoire libyen constituait un important carrefour de flux licites et illicites Nord – Sud et inversement comme le démontrent les multiples routes caravanières qui le traversaient autrefois. Ainsi, dès les années 1970, Touaregs et Toubous utilisaient l’espace du Fezzan, situé au Sud de la Libye pour importer sur le territoire de nombreux produits commerciaux nigériens comme le bétail, les épices et le henné. De même, les marchandises libyennes, comme les pâtes, l’huile d’olive ou la farine traversaient quotidiennement cette province du Sud-Ouest vers la Tripolitaine littorale. Toutefois, au-delà de ces échanges licites, la Libye, et plus particulièrement ses confins du Fezzan, s’inscrit depuis plusieurs années comme un « espace clé de tous les trafics et de toutes les connivences » avec des flux illégaux, allant des cigarettes du Niger à la drogue du Nigéria en passant par les armes du Tchad, qui suivent un axe Nord-Sud principalement par la passe du Salvador.

Depuis la chute du Colonel Mouammar Khadafi en 2011, cet éventail s’est agrémenté de carburants en provenance de Tunisie et d’Algérie et surtout de migrants issus de diverses régions d’Afrique. Sur ce territoire libyen devenu « une terre de non droit  », plusieurs milices, également appellées katibas, cherchent à imposer leur propre loi en s’entre-tuant afin de conserver leur zone d’influence, voire de l’étendre, le tout sur fond de désordre régional et de faiblesse gouvernementale. Si les principales katibas de Misrata et de Zintan, agrémentées de diverses variantes islamistes, occupent les provinces de la Tripolitaine au Nord Ouest et de la Cyrénaïque à l’Est, les milices tribales Touaregs et Toubous ont, quant à elles, recentré depuis quelques années leurs intérêts stratégiques dans le Fezzan. Zone située au Sud-Ouest du pays, le long du neuvième méridien, constellé de rares villes comme Murzuq ou Sabha, ce Fezzan s’illustre à la fois comme « espace de transition et base arrière pour les groupes en rupture avec les États ».

 

 

Le sud libyen : un espace de convoitises en mutations

Directement impactés par les conséquences de l’épisode de l’intervention de l’OTAN en 2011 et le « rétrécissement » du Sahara central, Touaregs et Toubous se retrouvent projectés, au lendemain de la chute du régime khadafiste, au rang de principaux acteurs du renforcement de l’instabilité de cette «  véritable plaque tournante de trafics en tous genres ». À la manière d’un second « Sahelistan », le Fezzan libyen tombe dans le « trou noir géopolitique » avec une mosaïque de forces tribales et ethniques qui luttent pour le contrôle des ressources du sol et du sous-sol d’une part et des flux illicites qui y transitent d’autre part. Dès lors, ce phénomène contribue à l’affirmation du morcellement de cette « chahutée zone chaude saharienne » au carrefour entre l’Algérie, le Niger, le Tchad, le Soudan et l’Égypte. Ainsi, suite à l’assassinat de l’ambassadeur américain le 11 septembre 2012, le gouvernement de Tripoli décrète le 16 décembre de cette même année le statut de « zone militaire fermée » pour l’intégralité de cette province qui prend progressivement les traits du « No m’an’s land ».

L’instabilité menace non seulement ce pays mais aussi les voisins immédiats, mais aussi l’Europe toute proche.

Toutefois, ces factions antagonistes continuent d’entretenir d’étroites relations avec les deux gouvernements rivaux auto-proclamés après la chute du Colonel Mouammar Khadafi avec d’un côté les relations entre les Touaregs et le gouvernement de Tripoli à tendance islamiste et de l’autre les connexions entre les Toubous et gouvernement de Tobrouk-Baïda anti-islamiste et ex-kadhafiste. Par conséquent, le Fezzan libyen est passé, suite à la transition initiée par les printemps arabes, du statut de vitrine à celui de ruine engendrée par l’échec du régime khadafiste. Il est devenu depuis quelques années « l’objet de toutes les préoccupations  » des États frontaliers et organisations à vocation régionale, dont l’Union Africaine, en raison de la résurgence et des mutations des trafics qui en font à l’heure actuelle une véritable « poudrière » dont «  l’instabilité menace non seulement ce pays mais aussi les voisins immédiats, mais aussi l’Europe toute proche ». Véritable «  trésor de guerre que les tribus se partagent  » avec quelques 3 000 km de lignes frontalières, le contrôle de ces tracés est désormais divisé entre les Touaregs pour ceux avec le Sud de l’Algérie et la partie occidentale du Niger et les Toubous pour ceux avec la partie orientale du Niger, le Tchad et une partie du Soudan.

 

 

Des armes aux narcotiques, le Fezzan libyen : un carrefour de trafics

Depuis la chute du régime du Colonel Mouammar Khadafi, cet espace du Fezzan est devenu une zone d’atterrissage ou de transit, vers les pays frontaliers, de premier choix pour « bon nombre d’armes sorties de [ses] arsenaux ». À ces arsenaux dérivés s’ajoutent d’anciens stocks d’armements de pays d’Europe ou du Moyen-Orient ayant contribué aux opérations de parachutages pour approvisionner les opérations militaires s’inscrivant dans le cadre de la résolution 1973 adoptée par le Conseil de Sécurité des Nations unies le 17 mars 2011. Tandis qu’à l’heure actuelle lance-roquettes SNEB 68mm français et fusils FN belges équipent les bastions dans le sud libyen, d’autres cargaisons, chargées dans des pick-up ou 4X4, traversent régulièrement cet espace pour alimenter les capacités logistiques de groupes terroristes armés implantés dans les pays frontaliers comme AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) et ses ramifications en Algérie. Au cœur de ces zones de transit d’armements divers, chacune des factions tente de jouer sa carte en tant que prestataire de services en recrutant notamment des chauffeurs, fonctions le plus souvent occupées par des jeunes en manque de ressources, pour guider les convois à travers le désert.

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Pour voir plus clair dans la situation très nébuleuse de la Libye et du Sahel, sur E&R :

 






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