En accord avec la police municipale, qui se charge de « trier » et de « former » les volontaires, le maire LR de Cannes Davis Lisnard a créé un dispositif destiné à sécuriser les écoles. Police privée ou bon moyen pour endiguer la psychose post-attentats ?
La voiture noire se gare dans la rue d’Antibes, en centre-ville de Cannes, cette rue où les commerces sont bondés quelle que soit la période de l’année. Le conducteur baisse sa vitre et s’apprête à sortir faire des achats. À sa hauteur, un scooter déboule et stoppe sa course. L’adolescent qui le conduit en descend, son passager aussi ; puis les deux garçons enlèvent leur casque et commencent à frapper le type à travers sa fenêtre. Quelques mètres plus loin, Serge remonte d’un pas tranquille pour aller « jouer aux boules avec les collègues » :
« Quand j’ai vu ça, j’ai crié pour qu’ils arrêtent, je leur ai montré mon portable en disant : “Je suis de la police, j’appelle une patrouille !” raconte-t-il, devant l’école Macé où il est posté depuis 15 heures, ce vendredi 27 novembre 2015, à quelques mètres des lieux de l’incident qui a eu lieu il y moins d’un mois. Le type m’a montré ses “parties” en me disant : “Tu sais ce que je lui fais à la police ?” Bon... À côté de lui, il a vu ma voiture. J’ai cru qu’il allait la fracasser. Alors je me suis approché, j’ai sorti de mon coffre un club de golf et je lui ai dit : “Maintenant, c’est terminé, ok ?” Les types sont partis, et le conducteur de la voiture m’a remercié. »
Véritable figure de proue des « citoyens vigilants », Serge, 75 ans, a été tancé par la police, qui lui a conseillé de ne plus se mettre en danger physiquement. « Disons qu’ils m’ont reproché une attitude un peu violente, relativise-t-il. Mais personne n’intervenait ! Un gars était en train de se faire attaquer : qu’est-ce que je devais faire ? rien ? » Les conducteurs du scooter ont été retrouvés quelques jours après grâce aux caméras de vidéosurveillance. Quelques minutes avant l’altercation, ils avaient croisé la voiture noire sur la Croisette et s’étaient insultés pour trois fois rien. « L’un des gars lui aurait dit que sa voiture était une voiture de gonzesse, je crois », rembobine Serge.
« Allez, va faire ton flic »
C’est toute l’ambiguité du dispositif « citoyens vigilants » (inspiré des voisins vigilants destinés, eux, à prévenir les cambriolages), mis en place quelques jours après les attaques terroristes du 13 novembre à Paris et à Saint-Denis par le maire LR de Cannes David Lisnard. Leur rôle ? Surveiller sans punir, puisqu’ils n’ont pas vocation à « intervenir » ; « identifier les comportements suspects » et « lutter contre l’incivisme », la grande marotte du maire depuis son élection :
« Il ne constituent aucunement une milice se substituant aux forces de l’ordre, prévient-on, prudents, du côté du maire. Ils ne doivent pas se comporter en enquêteurs, moins encore en justiciers. Ils n’interviennent eux-mêmes qu’en cas d’absolue nécessité, notamment pour porter secours à des personnes menacées par un péril grave immédiat. »