Propos recueillis par Nicolas Gauthier.
1983 : la fameuse « Marche des Beurs » traverse la France du sud au nord. Là, pas encore de revendications religieuses ou identitaires, à l’évidence, si ce n’est celle d’une meilleure égalité des droits. Avec le recul, quel regard portez-vous sur cette initiative ?
Avec le recul, je perçois cette initiative comme étant celle d’un groupe social doublement affaibli. Affaibli d’abord par une pauvreté indiscutable, mais qui est encore le cas de nombreux autres Français, et à laquelle s’ajoute une situation identitaire des moins enviables. Étranger en France comme dans son pays d’origine, le « Beur » constitue un ensemble anthropologiquement apatride. Je ne crois pas être un partisan du discours victimaire, loin s’en faut, mais négliger le diagnostic d’un malaise social, c’est en ignorer le remède.
Ce double handicap produira un sentiment de révolte. Une révolte incompréhensible pour la France de droite, encore traumatisée par la perte de l’Algérie française, et révolte bénie pour la France de gauche, y voyant la réalisation inespérée de son invétéré paternalisme tiers-mondiste. Ces révoltés sont les acteurs sincères, mais naïfs, d’un mouvement social dirigé dès son départ notamment par Christian Delorme, prêtre très à gauche. Dès lors, la messe était dite.
L’année suivante, en 1984, ce mouvement informel est « confisqué » par SOS Racisme. Et on voit que le discours d’origine change de nature, entre récupération politicienne du Parti socialiste et « victimisation » des populations concernées. Quel bilan tirer de ces décennies ?
Celui d’une hideuse manipulation du Parti socialiste à l’endroit de ces nouveaux Français dans un pays très fraîchement et de justesse passé à gauche. Voilà de nouveaux électeurs assurant un réservoir de voix intarissable, encadré par SOS Racisme, et aussi par, il faut le rappeler, le très intègre Julien Dray, dont les moyens sont immédiatement colossaux. Financements publics, plan de communication, réseaux médiatiques, artistiques ; c’est toute la machine PS et les réseaux trotskistes qui vont produire une communautarisation du mouvement. On passe des revendications pour l’égalité à ces identités plaquées de « Beurs » et de « Potes ». Avec, à la clef, un climat opposant de fait Français et « jeunes » toujours aussi pauvres, mais désormais choyés par le pouvoir socialiste.
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