Alain Mimoun est le dernier champion de nationalité française du marathon, à Melbourne en 1956. Ensuite Abebe Bikila, pieds nus aux JO de Rome, marqua pour toujours la domination des Africains du 800 au marathon, et particulièrement des Kényans sur les longues distances, pour résumer à grands traits. À l’arrivée, il avoua que beaucoup dans la garde impériale éthiopienne auraient pu gagner. Le débat était clos.
Mimoun, comme Jimmy Gressier (28 ans) sur 10 000 m 69 ans plus tard, est l’homme d’un coup, toujours placé, jamais gagnant. Il avait comme concurrent l’intouchable Zátopek. Mais ce jour-là il fait très chaud à Melbourne, la tactique est donc de tenir, sous le soleil. Son corps de Maghrébin lui donne probablement un avantage définitif, pour atteindre le Graal, gagner le marathon olympique, le rêve absolu, arriver seul devant 120 000 spectateurs sur le stade olympique.
La France se mit alors à courir, Alain Mimoun était le héros patriote, un militaire. Marathon man ensuite : une superproduction où entre deux chasses aux nazis tortionnaires dans les rues de New-York, une version US de Rabbi Jacob, Dustin Hoffman court comme un dératé dans Central Park. Mimoun, 45 ans lors de sa dernière grande course, ça relève du miracle, gagner la course la plus mythique qui soit à son dernier essai.
Jimmy Gressier c’est le monde d’après, celui ou le Blanc ne gagne plus en athlétisme les courses de fond, sauf depuis 2012 où à force d’essais en laboratoire, les Américains ont réussi à produire des champions battant les Africains. Comme Mimoun, c’est aussi l’homme d’un coup. Les meilleurs absents, les championnats du monde sont une course tactique, où le chronomètre ne compte pas. Les outsiders peuvent l’emporter, et Gressier était assez loin sur la liste. Kiprun, la marque de Décathlon, a eu le nez creux en faisant signer un contrat astronomique pour l’athlétisme à un coureur de bon niveau, mais pas titrable en théorie, 800 000 euros par an jusqu’à Los Angeles 2028.
Les courses de fond, du 1 500 au marathon, sont peu médiatisées, car moins spectaculaires que le sprint. Comme Mathias dénonce le dopage, on peut penser qu’il court propre. C’est la première grande victoire française depuis 1956 sur une épreuve de fond, le sport par excellence, l’homme ayant toujours eu besoin de courir, c’est anthropologique. Un événement.
Dans un monde organique, cette victoire serait célébrée à l’égale de celle du 30 mai à Paris en Ligue des champions par le PSG, un club qui n’a rien de français hormis la localisation du stade dans lequel il joue ; mais dans la réalité de 2025, c’est normal : la population mange du McDo et du kebab, écoute du rap, regarde Hanouna. Pour l’exercice, ça oscille entre obésité et salle de sport pour combattre l’obésité. Tout le monde s’en fout ou presque. Le problème n’est pas que Brigitte ne célèbrera pas la victoire de Gressier, le problème c’est que tout le monde s’en fout.