Le leader d’ISIS (Ndlr : Islamic State of Iraq and the Levant, en français : l’État islamique en Irak et au Levant devenu en juin 2014 : l’État islamique), Abu Bakr al-Baghdadi, n’a pas choisi arbitrairement ses lieutenants ; au contraire, leur nomination est le fruit de la décision circonstanciée de passer de la stratégie d’intrépides attaques éclairs de guérilla à la capacité de prendre l’offensive pour conquérir plus de territoire.
Dès qu’il est devenu émir d’ISIS, Abu Bakr al-Baghdadi s’est mis à rechercher le soutien et l’appui fidèle d’un grand nombre d’anciens officiers expérimentés de l’armée irakienne comme Fadel Hayali, alias Abu Muslim al-Turukmani, qui avait autrefois le rang de lieutenant dans les services secrets ; le lieutenant de la Garde Républicaine, Abdel-Rahman al-Beblawi, qui a été tué le 5 juin 2014 ; et d’autres commandants militaires qui sont des vétérans de la guerre Irak-Iran et des premières et secondes guerres du Golfe.
En s’appuyant sur des chefs militaires de grande expérience, Baghdadi a augmenté l’efficacité de son organisation en termes de tactiques et de stratégies, grâce, en particulier, à ses compétences en matière de bataille au sol. Peu après le 10 juin 2014, Baghdadi est passé à des tactiques militaires plus élaborées basées sur la division du champ de bataille en plusieurs fronts, chacun couvert par 300 à 350 combattants. Dans la bataille, l’organisation de Baghdadia utilise la tactique d’attaquer à certains moments, puis de reculer à d’autres, pour préserver la vie de ses soldats, avant d’attaquer à nouveau le même endroit quand passer à l’offensive devient plus avantageux.
Le 5 septembre 2014, Les États-Unis ont annoncé la formation d’une coalition internationale anti-ISIS quand le groupe islamiste radical a violé la trêve tacite avec Erbil et menacé d’attaquer la région du Kurdistan. Les États-Unis ont résolu, depuis, de s’attaquer à l’organisation militairement et économiquement.
Mais les frappes de la coalition n’ont pas causé grand tort à l’organisation car ISIS s’y était préparé et avait pris des mesures pour s’en protéger. Des sources dans la Sécurité et des témoins affirment que, suite à la déclaration de guerre de la coalition à ISIS, ses combattants ont commencé à modifier la manière dont ils contrôlent leur territoire ainsi que leurs apparitions publiques.
Hisham al-Hashemi, un expert en groupes armés, a dit à Al-Akhbar, à propos la « stratégie préventive » d’ISIS pour contrecarrer le plan de la coalition et échapper à ses frappes : « Certains croyaient que Baghdadi et son groupe allaient subir les frappes de la coalition sans rien faire » mais, en réalité, ISIS a pris des mesures, y compris sur le plan financier et médiatique, pour assurer la continuité de ses opérations.
ISIS a saisi de grandes quantités de matériel militaire dans les camps de l’armée irakienne, y compris du matériel lourd comme des véhicules militaires et des munitions d’armes lourdes, qu’il a maintenant « transféré de la région de la frontière entre la Syrie et l’Irak vers les déserts de Baaj et de Rabia de la province de Mossoul » selon Hashemi. « Les combattants ont reçu l’ordre de ne plus se déplacer en convois dans et hors des villes, de ne plus se réunir dans les mosquées, les écoles ou les camps militaires et de remettre leurs cagoules. »
Une des évolutions les plus significatives concerne, selon Hashemi la bataille en cours que l’organisation mène sur les fronts syriens et irakiens. L’organisation est passé d’un système basé sur un seul front - et un seul bataillon - à un système basé sur des brigades individuelles. Selon Hashemi : « Les bataillons ont été divisés en brigades, chacune de 50 combattants, qui se déplacent par groupes de dix. »
Une source de haut rang de la Sécurité Nationale Irakienne qui préfère rester anonyme a dit à Al-Akhbar que les services secrets irakiens avaient appris qu’ISIS avait confié le commandement des batailles sur les fronts syriens et irakiens à des commandants de second rang et que le haut commandement s’était mis hors d’atteinte.
Concernant les sources de financement d’ISIS, la source de haut rang a dit : « Baghdadi a réparti les fonds qu’il a saisis dans les banques de Nineveh, Salahuddin et Anbar, et dont le montant est estimé à plus d’un milliard de dollars, dans les états de l’Etat auto-proclamé. » La source a ajouté que les services de sécurité irakiens et d’autres agences internationales de Renseignement « avaient réussi à savoir que ISIS avait fait passer en contrebande des centaines de millions de dollars dans des comptes bancaires en Europe, en Malaisie, et dans des pays du Golfe, pour les investir dans des projets profitables, tout cela pour financer l’organisation au cas où elle perdrait ses champs de pétrole et de gaz. »
Selon le témoignages d’habitants de Mossoul, ISIS a cessé de se servir de téléphone portables, et cela est confirmé par une source au Directoire Général des Télécommunications et de l’Informatique du ministère de l’Intérieur irakien « On a cessé d’essayer de les localiser au moyen des communications de leurs téléphones portables ou de leurs mails quand les membres d’ISIS ont reçu l’ordre de ne plus se servir de portables ni d’Internet ni du GPS. »
Les témoins résidant dans des points chauds ont aussi rapporté que les membres d’ISIS, avaient abandonné leur quartiers généraux puis creusé des tranchées dans les cours de résidence abandonnées pour s’y cacher pendant les frappes aériennes.