« Si la méchanceté suffisait pour faire fortune, il y a beaucoup de journalistes qui seraient célèbres » (Coluche)
Encore une fois, la presse française mainstream frappée ! Jugez-en plutôt ! Il y a une dizaine de jours étaient publiés les « Panama papers » et j’avais dans une contribution précédente traité de toute cette manipulation sous faux drapeau du type mani pulite (opération mains propres) lancée en 1992 par Antonio Di Pietro. À savoir laver plus blanc et se vouloir être le chevalier blanc capable de traquer la corruption partout. La genèse de l’affaire remonte justement à une publication de Le Monde, qui dit appartenir au Consortium des journalistes, sur les hommes d’État africains et la corruption. En première page la photo du président algérien cotoie celles d’autres personnes, effectivement, dans les « Panama papers » auraient des comptes off shore. Une protestation suivie d’une décision concernant la non-délivrance de visa au journal Le Monde. Par rétorsion, « comme un seul homme, une partie des médias français décide de boycotter le voyage de Manuel Valls à Alger ». On sait que le Premier ministre, en redresseur de tort a promis, avant d’aller à Alger, de demander des explications aux Algériens. Une fois sur le sol algérien « business as usual » il déclare avec force : « L’amitié algéro-française dépasse les petits problèmes. Alger vaut bien une messe ! ».
Je veux rapporter ici deux réactions des médias algériens. D’abord, celle du site TSA : « Une décision exceptionnelle, peut-être même inédite » écrit le site TSA : « Cette décision de boycott est prise en solidarité avec notre confrère du “Monde”, privé de visa par les autorités algériennes en raison du traitement du scandale des « Panama papers » par le quotidien français, notamment les informations visant l’Algérie. (…) Cette décision des médias français tranche avec leur attitude dans ces situations similaires. (…) Ces affaires ont eu de faibles échos dans la presse française et surtout aucune condamnation ni appel au boycott du Maroc. » Le site TSA ayant toujours l’argument et le contre-argument écrit en admonestant le pouvoir :
« La décision des autorités algériennes de refuser le visa au journaliste du “Monde” est clairement maladroite, surtout qu’elle n’a pas été suivie d’une explication publique. La liberté de la presse est sacrée et “Le Monde”, comme les autres journaux, ont le droit à l’erreur sans être accusés de travailler pour un lobby ou de chercher à déstabiliser l’Algérie. Convoquer l’ambassadeur de France sur un tel sujet était un acte diplomatique inutile. » [1]
Vient ensuite la réprimande des médias :
« Mais la réaction des médias est disproportionnée. Elle illustre à quel point l’Algérie a mauvaise presse en France et à quel point l’attaque est facile que de s’en prendre au Maroc ou à Israël par exemple. Au fil des années, une sorte d’algérophobie s’est développée en France. Et elle ne concerne pas uniquement la presse. (…) Au sein de la classe politique, l’Algérie ne compte presque pas d’amis, contrairement au Maroc par exemple. » [2]
Je ferais remarquer que l’explication de texte est venue en temps voulue. Nous ne sommes pas en France, car dans beaucoup de pays on n’insulte pas impunément l’institution. Nous sommes dans un pays où les codes de l’honneur et de la dignité sont toujours restés entiers. Peut-être que nous ne sommes pas évolués mais c’est ainsi ! Le président est une institution et cela n’apporterait rien de détricoter nos défenses immunitaires. Il serait intéressant de recommander à notre champion pourfendeur de parler de la liberté de la presse et de sa sacralisation s’il dit par exemple qu’il n’y a pas eu de génocide de la part de l’Allemagne… Bref tout est relatif, d’autant que nous ne sommes pas mieux servis en Algérie en ce qui concerne la liberté de la presse ; en effet dans une publication récente de Mondafrique nous lisons en substance : “Jamais les médias algériens n’ont été aussi monopolisés par le pouvoir de l’argent. De riches oligarques font et défont désormais les opinions à travers leurs télévisions privées qui ont fait le deuil de leur liberté. C’est la course au sensationnalisme et à l’enrichissement qui détermine les règles du jeu. De nombreux citoyens algériens dressent amèrement ce constat. Ce processus ne fait que commencer.” [3]
Un autre site a une position plus nuancée nous lisons : « (…) Cette presse française qui n’a imputé à Laurent Fabius aucune responsabilité pour les escroqueries de son fils. Si. La responsabilité strictement individuelle au regard du droit, c’est pour les civilisés. (…) Derrière l’attitude “morale” et indignée de la presse française, se profile la même vieille idéologie raciste d’une suprématie occidentale sur nos peuples attardés et vivant dans les ténèbres. Cette vertu les poussera-t-elle à exiger du journal “Le Monde” le remboursement à l’Algérie, de l’argent de la dictature forcément sale, encaissé, en 2012 pour un publi-reportage élogieux maquillé en dossier ? » [4]
Que reste-t-il du journal Le Monde originel ?
Dans une rétrospective de la capacité de nuisance, René Naba a décrit la longue descente aux enfers de ce journal qui était un journal de référence du temps de Hubert Beuve-Mery à qui De Gaulle avait confié au sortir de la guerre, de concevoir un journal de référence, ce fut ensuite Jacques Fauvet, André Fontaine pour arriver aux atlantistes enragés que furent Jean-Marie Colombani et Natalie Nougayrède avec un intermède météorique d’Edwy Plenel. Nous lisons :
« Le Monde se veut non le centre du Monde, mais le nombril du Monde. De ce privilège il use souvent avec discernement, le plus souvent, sans discernement. Ainsi Jean-Marie Colombani décrétera un beau jour de septembre 2001, sans crier gare, que nous étions tous Américains, s’arrogeant abusivement le droit de prendre en otage l’opinion française, négligeant les méfaits des États-Unis au Vietnam et les ravages de l’effet orange sur sa population civile, la vitrification nucléaire de cibles civiles au Japon (Hiroshima et Nagasaki), la transformation de l’Amérique latine en vaste République bananière pour le seul profit de la compagnie United Fruit. Sans compter le soutien américain aux dictatures d’Augusto Pinochet (Chili), de Jorge Videla (Argentine) et de Ferdinand Marcos (Philippines), ainsi que la déstabilisation du tiers-monde du Guatemala (Arbenz), à l’Iran (Mossadegh) à l’Indonésie (Ahmad Soekarno), avec à la clé deux millions de communistes indonésiens exécutés. »(4)
« Sa lointaine et éphémère “successeure”, Natalie Nougayrède, fera du journal de Beuve-Méry un amplificateur multiplex des thèses atlantistes du pouvoir socialiste, nichant dans ses colonnes, comme autant de meurtrières, de faux-nez de l’administration française, exerçant une sorte de police de la pensée dans la digne tradition des régimes totalitaires. (…) Dans ce dispositif, une place particulière sera occupée par le blog du clandestin de l’administration Pierre Wladimir Glassman, (…) sous le sobriquet Al Kazzaz. Sous le pseudonyme d’Ignace Leverrier, toujours ce besoin de clandestinité, il animera dès le début de la guerre de Syrie un blog Un œil borgne sur la Syrie, qui se vivra comme le prescripteur d’opinion du “Monde”. Tirant profit de la crédibilité du journal pour agir en toute immunité, crachant leur venin en toute impunité, la première dame directrice du “Monde” privera, paradoxalement, de droit de réponse les cibles de la haine cyberactiviste des porte-flingues des services français, alors que ce quotidien, propriété du trio millionnaire BNP (Berger-Niel-Pigasse), bénéfice, au titre de la pluralité de la presse, d’une subvention de 18 millions d’euros par an, financée par les contribuables. »(4)
Poursuivant son réquisitoire basé sur les faits, René Naba écrit : « Le journal “Le Monde” s’est ainsi particulièrement singularisé dans la couverture de Syrie par une vision hémiplégique du cours de la guerre. Il se distinguera en qualifiant d’autorité, arbitrairement, un opposant historique au régime baâsiste, Haytham Manna, de pro-Assad, sans la moindre justification. (…) Un oeil borgne sur la Syrie ne saurait porter un bon regard sur la Syrie, tout au plus un regard torve. Telles sont les lois implacables de l’optique et de la vision. » (4)