A la fin des années soixante-dix, des imprimeurs et photo-graveurs de génie, à Paris, fabriquèrent, par milliers, des chèques de voyage, au nom de la « First National City Bank », et inondèrent le marché grâce à un réseau de militants révolutionnaires (1).
L’escroquerie prit une telle ampleur que la banque de New-York finit par négocier, avec les faussaires, le rachat des plaques.
Au même moment, des agents du KGB écoulaient, à prix d’or, à Potsdam, des microfilms jaunis, témoignant de durs combats, en Afghanistan…
C’est entre ces deux histoires qu’il faudrait ranger, aujourd’hui, le phénomène WikiLeaks et la bande d’internautes, dirigés par l’australien Julian ASSANGE.
Une sorte d’Andy WARHOL, capable de transformer la moindre note de frais d’une ambassade US à Kaboul, relative à la consommation de papier hygiénique, en billets de 100 dollars.
Même si certains feignent de présenter la fine équipe comme des anarchistes qui ajouteraient une plus-value au journalisme électronique, personne n’est dupe.
La machine à fabriquer des fuites ne dérange pas le sommeil de Robert GATES.
Le dandy aux cheveux blancs qui occupe notre large écran plat n’est pas un dissident ni un journaliste engagé.
Mais un pirate informatique qui a compris et mis en pratique un principe très simple : plus l’information est estampillée « Confidentiel défense », plus elle a des chances d’être cru et partagée par un nombre invraisemblable de gogos.
DU PRODUCTEUR DES MENSONGES DIRECTEMENT AU CONSOMMATEUR
Les capitalistes possèdent les îles Caïman pour blanchir leur argent sale ; les pirates de WikiLeaks, l’Islande (2), ruinée par le spéculateur Georges SOROS, dont Julian ASSANGE a élargi sérieusement les perspectives.
Là le corsaire de l’info a ouvert un comptoir on line : celui de la sous-traitance des poubelles du Pentagone et des papiers non-broyés du département d’état.
La machine à fabriquer des fuites y mélange judicieusement, dans un flot perpétuel de télégrammes, écrits dans la langue impériale, le vrai et le faux.
Le Mossad, le M16, la CIA, la DCRI, etc. des entreprises comme des particuliers, peuvent venir tranquillement, entre deux lettres de déserteurs, déposer les « bijoux de famille » ou des produits toxiques.
Comme pendant la guerre du Vietnam, au Canada, le « traitre aux intérêts américains » redore ici le blason d’un « Monde libre », blessé par les images scandaleuses provenant de Guantanamo Bay ou du camp de concentration de Bagram.
Selon les lois américaines contrairement au droit français, la société ou la personne morale qui publie des secrets d’état n’est pas répréhensible.
Au reste, Julian ASSANGE n’est pas accusé de haute trahison ou d’intelligence avec l’ennemi, en Islande, Grande-Bretagne ou aux États-Unis.
Son commerce licite est politiquement correct.
Le propos du receleur, étant de négocier, dans les places où règne le libre échange, des documents déjà éventés…
On reste dans le cadre strict de la « libéralisation, privatisation et globalisation du renseignement », en évitant de mettre en danger les différentes sécurités nationales (3).
La trahison est un exercice hautement contrôlée chez WikiLeaks (4).
Le biffin de l’info, recherché par Interpol, pour une sombre affaire d’agression, en Suède, ne s’étend pas sur les raisons de l’invasion puis de l’occupation de l’Afghanistan ou de l’Irak, ni ne donne la parole aux « combattants ennemis ».
Les télégrammes et datas du Pentagone ou département d’état sont fournis tel quel.
Le recyclage de papiers compromettants, entre ses mains, est un commerce juteux – très sérieux.
S’ il y a encore un secret, dans l’entreprise de Glasnots, c’est seulement celui de son chiffre d’affaires.
Le génie de WikiLeaks est d’avoir fait converger, par la technique, trois genres qui, autrefois, ne se mélangeaient guère : l’espionnage, dans les poubelles, le journalisme et la propagande.
120 journalistes éplucheraient, à temps plein, les documents, déclassés sauvagement, et les notes qualifiées « croustillantes » du département d’état.
ASSANGE a transformé chacun d’entre-eux, loin de leur métier initial, en expert du jargon diplomatique ou militaire et en éventuel correspondant d’une agence de sécurité.
Le site owni.org, chargé de mettre en ligne une partie des documents, signale que WikiLeaks ne demande, aujourd’hui, qu’aux journaux à grand tirage d’être leurs officiers traitants.
Le flibustier du Net a réussi à convaincre, à une vitesse prodigieuse, les plus grands quotidiens de la Planète, « Le Monde », « The Guardian », « Der Spiegel », « The New-York Times », « El Païs », de la justesse de son combat.
A terme, ASSANGE et sa bande, enrichis pour avoir mis en contact les barbouzes, les soldats en déshérence et la fine fleur du journalisme, laisseront le « club des cinq » diriger le navire.
Grâce à WikiLeaks, le reporter découvre, loin des hôtels malfamés de Rawalpindi, les joies de se baigner dans la Source même et de l’interpréter directement.
Jamais une presse, depuis la « Pravda », n’a été bue aussi facilement et enivré autant de monde.
HIMALOVE
(1) Lire « Lucio, l’irréductible », Bernard Thomas, éditions Flammarion, paru en 2000.
(2) Le 3 décembre 2010, nous apprenons que Julian ASSANGE demande pour WikiLeaks l’asile informatique en France et à la Confédération helvétique ; le site kriptome.org, ennemi juré de WikiLeaks, parle de « couardise » de la part de son dirigeant ; il semble que l’un des parrains de l’entreprise, le spéculateur Georges SOROS lui ait demandé, pour des raisons inconnues, de quitter l’Islande…
(3) Les révélations de WikiLeaks ne mettent en danger que les sécurités nationales des pays suivants : Vénézuéla, Cuba, Chine, Iran, Pakistan, Corée du nord, Birmanie, Liban du Hezbollah.
(4) Il est à noter, au moment où le Congrès américain demande la libération immédiate de l’espion, Johnatan POLLARD, ancien officier de l’US Navy, condamné à perpétuité pour avoir donné les clefs électroniques de la NSA à Israël, WikiLeaks fait tout comme le réseau Indymedia pour taire toute information à propos de l’état hébreux.