Jean-Jacques Bourdin reçoit l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, sur les antennes de BFMTV ce lundi 2 décembre 2015. Libre de parole, l’avocat international plante ses banderilles dans la politique actuelle de la France et de la Coalition. L’homme qui a osé s’opposer à la guerre américaine en Irak en 2003 propose une offre politique pour enrayer le suicide d’une région, qui entraîne une partie du monde dans son brasier. La France est forte quand elle joue la paix.
« Plus nous ferons la guerre dans ces régions, plus nous mettons le doigt dans un engrenage sans fin qui conduira à davantage de catastrophes là-bas et davantage de catastrophes ici. Propagation de l’instabilité et du chaos dans cette région, ne l’oublions pas, le Moyen-Orient a connu au cours des 40 dernières années une guerre civile régionale qui n’a cessé de s’aggraver : plusieurs millions de morts. On a oublié le million de morts de la guerre Irak/Iran, on a oublié les 500 000 à un million de morts des guerres d’Irak, les 250 000 en Syrie, les 200 000 au Liban, les 100 000 en Algérie, cette région connaît un véritable suicide, exactement comme l’Europe l’a connu entre 1914 et 1945. Donc si nous voulons enrayer ce suicide collectif il faut que nous utilisions les bons moyens. Et apporter davantage de guerre à cette région, utiliser un lance-flammes pour éteindre l’incendie, c’est une absurdité. »
Dominique de Villepin vise les présidents successifs du pays, qui après Chirac (1995-2007) ont eu la tentation, dans les moments d’impuissance politique devant les événements intérieurs (crise sociale, crise économique), d’activer la guerre, sans en calculer les conséquences, affaiblissant notre démocratie et faisant de notre pays ce que les militaires appellent « une cible fixe ».
« Nous menons depuis plusieurs années une politique militariste, occidentaliste et moraliste qui nous a mis au premier rang des cibles. Il faut revoir notre diplomatie pour la ramener au rôle historique qui est celui de la France : un rôle de médiation, un rôle d’initiative, un rôle de paix... Que l’on retrouve une capacité d’initiative sur le conflit israélo-palestinien, que l’on trouve une capacité de médiation dans le dossier syrien, en parlant à tout le monde... Que l’on soit une force de proposition pour reconstruire les États faillis. Parce que le terrorisme est partout où les États sont faillis, c’est ça, la clé. »
Dominique de Villepin fustige la politique aveugle des va-t-en-guerre, et la diplomatie chancelante qui va avec. En creux, il dénonce l’alignement de notre pays sur les intérêts de l’Empire, tout en restant – diplomatie oblige – prudent. La guerre, pour les deux derniers présidents de la République, n’est que l’aveu dramatique de leur faiblesse politique. Une faiblesse que les Français payent actuellement très cher.
« Vous avez peur d’un chien, qui est devant vous, vous êtes le premier à être mordu. La peur, ça attire. Il faut bien comprendre que le terrorisme je l’ai dit, il est opportuniste et mutant : il va vers celui qui a le plus peur. Il va là où la caisse de résonance médiatique mondiale sera la plus forte. »
L’ancien Premier ministre dénonce « la tentation de dérive autoritaire en France », et ne croit pas que « l’addition de mesurettes », ainsi que « tout ce qui peut frapper le populisme français », permettra de sortir de cette crise. Il réclame le retour d’« une politique étrangère digne de ce nom ».
Bourdin ne pipe mot. Les forfanteries de Hollande et de Valls, ces deux apprentis sorciers, sont balayées. Pour une fois, on n’entend plus l’homme au micro d’argent.