Les discours belliqueux risquent de buter assez vite sur une réalité technique : les opex [opérations sur théâtres extérieurs, NDLR] à répétition et la baisse des programmes ont réduit la disponibilité des matériels militaires français.
Celle du militaire français n’est pas forcément meilleure : Sentinelle a réduit considérablement la capacité de réaction incarnée par le Guépard [dispositif d’alerte de la réserve opérationnelle de l’armée de Terre, NDLR], réduit l’entraînement et les préparations opérationnelles. Il ne faut pas oublier que depuis 2008, tous les gouvernements ont réduit de plus de 50.000 le nombre de militaires en France. Aucune manifestation massive de la population, aucun vote de défiance au parlement, ne sont venus contrecarrer cette érosion historique.
Aujourd’hui, c’est la gueule de bois. Après les attaques, on ca se rendre compte que nous ne sommes pas Américains et qu’il n’y aura pas une flopée de missiles de croisière [1] qui vont décoller de frégates, ou que des marines ne vont pas débarquer en Syrie châtier des terroristes.
Difficile de s’étonner, aujourd’hui, qu’il soit très long de sélectionner puis de former les nouveaux soldats dont le recrutement a été autorisé par l’actualisation de la loi de programmation militaire [2].
Et en 2016, le CEMAT [chef d’état-major de l’armée de Terre, NDLR] ne l’a pas caché devant les sénateurs, il sera difficile de tenir les objectifs.
Sur le plan matériel, quelques exemples non limitatifs. L’armée de Terre ne déploie actuellement que deux Caïman, cinq Tigre, et pas pour réserver le solde à une future opération en Libye : non, tout ce qui est en état de voler le fait en opérations, avec une toute petite marge de manœuvre pour la relève et la formation.
Pour les chasseurs, c’est pareil. Il a fallu mobiliser des Mirage 2000C et 2000NK3 pour soulager le système Mirage 2000D (équipage, mécanos, officier rens... avions), mis à l’épreuve depuis 1999 sans quasiment discontinuer. En cause, la réduction des enveloppes de MCO [maintien en condition opérationnelle, NDLR], la réduction du format de la chasse (avions et équipages). Pendant le Kosovo, en 1999, quand l’actuel CEMAA était commandant de son escadron, 15 Mirage 2000D étaient déployés, avec des Jaguar, des Mirage 2000C, des Mirage F1CT et F1CR. La plupart de ces avions sont ferraillés, mais en contrepartie, le nombre de Rafale n’a pas suivi [3].
Aujourd’hui, l’armée de l’Air déploie une toute petite vingtaine de chasseurs sur Chammal et Barkhane. Certes, cela peut sembler peu, mais la dispersion (quatre sites) ne facilite pas les choses, dispersant les mécanos, les pièces et les nacelles (Damocles, Reco-NG), mais aussi les stocks de bombes.
Très forte si l’on regarde les jolies synthèses chiffrées, l’armée française est aujourd’hui plus fragile que jamais : le rôle de chef d’orchestre du CEMA ne va qu’en devenir plus difficile.
Source : lemamouth.blogspot.fr