La victoire inattendue des valeureux Portugais lors de cet Euro 2016 est l’occasion de partir à la découverte – ou à la redécouverte – d’une communauté discrète, travailleuse, et qui pratique une double culture et un double patriotisme à la fois non conflictuels et très enrichissants. Sans tomber dans les clichés les plus lourds, ce ne sont pas les Français d’origine portugaise (ils sont 300 000 de la dernière génération) qui vont mettre le feu à la Tour Eiffel un soir de victoire.
Frustrés d’un Euro qui leur tendait les jambes en 2004, où ils ont été battus par une stupéfiante équipe grecque, qui courait comme 15 marathoniens en furie et coachée par un entraîneur connu comme le loup blanc dans le monde très secret de la pharmacologie sportive, les Portugais tiennent enfin leur trophée majeur. Leur grand mérite aura été de résister durant 120 minutes aux assauts d’une équipe de France qui pensait avoir fait le plus dur en couchant la Grande Allemagne.
Oui mais voilà, dans la tête des Bleus, la finale avait déjà eu lieu ce fameux et historique jeudi 7 juillet 2016, à Marseille. Là, ils ont tout donné, renversant les pronostics. Une victoire à la Pyrrhus, puisqu’elle leur coûtera la finale : ils n’auront plus la force de relancer la machine – le booster de Mad Max au point mort –, et dans ces moments-là, la réussite vous fuit logiquement.
La réussite n’est jamais le fruit du hasard, jamais : elle vient couronner un travail de fond, une énergie tenace. Quand ce préalable manque, curieusement, la réussite disparaît, et l’on parle de « manque de chance », de « dure loi du sport », de « cruauté », d’« injustice »... réaction humaine, trop humaine. Un jour, la science sera capable de mettre toutes ces choses en équations. La forme des joueurs, les choix tactiques de l’entraîneur, les conditions météo, le passé statistique, toutes ces données, rentrées dans le plus gros calculateur du monde (il est chinois actuellement), livreront et le vainqueur et le score sans coup férir.
En attendant la fin de la « glorieuse incertitude » du sport roi, les Français peuvent se targuer d’avoir retrouvé une équipe, qui a fait l’unanimité nationale, et c’est bien là l’essentiel.
Les Portugais sont 19,6 millions dans le monde, un peu plus de 10 millions au Portugal, et 1 500 000 en France, première diaspora : même au Brésil, terre d’« accueil » historique des migrants lusitaniens, ils sont moins que chez nous. Un Portugais sur six vit en France. Une communauté qui a gonflé ses effectifs dans les années 1960, la préférence impériale de Salazar ne permettant pas au pays de décoller économiquement : il avait besoin de cette main d’œuvre corvéable et peu coûteuse, mais aussi des devises qui revenaient de la France et de la RFA, les deux destinations principales des partants. Il faudra attendre la sénilité du dictateur pour assister à une évolution du pouvoir. La réforme passera par une démocratisation politique et un rapprochement européen. Mais les partants ne reviendront pas : ils consolideront génération après génération leur nouvelle vie, tout en conservant un lien fort avec leur pays d’origine.
Le lien fort entre la France et le Portugal explique pourquoi la défaite n’est pas aussi grave que prévue : le Portugal est un pays frère, et les Portugais formidablement intégrés dans la collectivité nationale. La double culture ne posant aucun problème, au contraire.
À part une quenelle en direct du Portugal qui a fait trembler tout i>Télé, le comportement archi-respectueux des supporters portugais de France change de celui des racailles venues après la finale mettre le feu à la Tour Eiffel (qui ne brûle pas si facilement).
Dans ce domaine, hormis les batailles rangées de Marseille lors du match Angleterre/Russie, la sécurité de cette compétition a été plutôt bien maîtrisée. Il faut dire que l’exécutif avait mis le paquet : 42 000 policiers, 30 000 gendarmes, et 5 000 personnels de la sécurité civile ! Un véritable Euro policier ! Derrière cette démonstration de force et de forces, la France voulait prouver qu’elle était toujours aussi « touristable », si vous nous permettez de barbarisme (suites aux attentats de 2015, la ville de Paris a vu sa fréquentation extérieure baisser de 12 %, au profit de Barcelone et Madrid). Sauf à Marseille, mais là, on a l’impression qu’on a eu droit à une spéciale « anti-Russes », que certains ordres n’ont pas été donnés, à l’instar de la chaîne de commandement le soir du massacre du Bataclan.
Comme tout est politique chez nous, on se demande qui sortira gagnant de cet Euro : Hollande, qui a raté sa finale, Valls, dont on n’entend plus parler, Macron, qui a séduit les médias à défaut du peuple ?
Le titre nous a fait sourire : Mediapart a osé un « Macron, le candidat de l’oligarchie » en une, avec un fort parfum d’emprunt aux sites dits « complotistes ».
Mediapart n’étant pas à proprement parler anti-Système, cette pénétration conceptuelle dans l’espace mainstream, ou, si vous préférez, dans la « propagandosphère », donne à penser que le ver est dans le fruit. Espérons que l’utilisation soudaine du terme oligarchie (heureusement atténué par « de Bercy »), cette « forme de gouvernement où le pouvoir est réservé à un petit groupe de personnes qui forment une classe dominante », ne va pas valoir à Mediapart une tombée de procès et les foudres du CRIF. Normalement, la proximité d’Edwy Plenel avec son premier informateur François Hollande devrait éviter au site d’information pareilles mésaventures.
Oh non ! On part du Portugal, de l’Euro, et on finit sur l’oligarchie et le CRIF, c’est vraiment jouer de malchance !