N’en doutez pas : l’Empire des Etats-Unis est entré en déclin. Devant nos yeux, la bête bouffie aux mouvements lourdauds, ivre de sa propre propagande sur sa supériorité morale, spirituelle, militaire, sociale et matérielle, court vers l’abîme. Le monde est aujourd’hui, de toute évidence, multipolaire, mais les Etats-Unis continuent de proclamer aux quatre vents leur confiance dans leur puissance indiscutable et leur supériorité.
Pour les citoyens conscients, il est clair que la contribution des Etats-Unis aux aspects les plus inquiétants de l’actualité est étroitement liée à l’idée qu’ils se font de leur supériorité. Qu’il s’agisse du changement climatique et de ses effets catastrophiques, de l’épuisement des ressources naturelles, du crash économique mondial ou de sanglantes aventures militaires dans des Etats souverains, les Etats-Unis se classent largement en tête de classement mondial.
Malgré les promesses de « changement » et de « retrait » militaire réitérées par Barack Obama depuis 2008, l’Irak a demeuré (et demeure encore !) occupé par 130 000 soldats étasuniens jusqu’à septembre 2010 et 200 000 hommes sous contrat privé. Lors de ma récente visite dans ce pays, en 2009, le seul changement notoire que j’ai pu apprécier tient à la détérioration des conditions de vie de la population, à un niveau où les superlatifs deviennent inutiles.
Il y a en Irak moins d’électricité que jamais, moins d’emplois et encore moins d’eau potable ; le système médical, même s’il était squelettique, s’est totalement effondré, et le nombre d’Irakiens morts pour cause d’invasion ou d’occupation dépasse 1,2 million. Au moment de ma visite, un Irakien sur six était déplacé, ayant dû quitter son foyer.
Selon le dernier rapport de l’organisation Oxfam International, une personne sur trois nécessitait une aide d’urgence. Obstinés dans leur déformation des réalités, les grands médias disent exactement le contraire : la vie en Irak s’améliorerait, et Obama serait prêt à rappeler ses troupes. Au consommateur crédule de telles « informations » de concilier ceci avec les plans affichés par l’administration Obama, et selon lesquels 50 000 à 70 000 soldats resteront stationnés en Irak au moins jusqu’à l’expiration de son premier mandat, en 2013.
On peut croire aux « changements », comme on peut accorder la foi aux discours des médias, mais c’est au risque d’y perdre toute faculté de raisonnement. Lorsque les occupations de l’Irak et de l’Afghanistan affaiblissent jour après jour ce qu’il reste aux Etats-Unis de crédibilité et de respect, le département d’Etat « cogite » des « négociations » avec plusieurs Etats de la région, celles-ci n’étant rien d’autre que des stratégies alliant les promesses aux menaces : des promesses qui ne garantissent rien et des menaces qui risquent de raser des villages entiers de civils, comme on l’a vu ces derniers mois à la frontière séparant l’Afghanistan du Pakistan.
Peut-être le segment pensant de la population étasunienne s’est-il lassé de se plaindre. « Pas en notre nom » a cessé de servir de slogan. Le désaccord est tabou dans les médias, dont l’objectif est uniquement de « fabriquer du consentement » (1). Le silence des grands médias témoigne de leur alliance avec le pouvoir, mais… comment s’expliquer l’absence notoire de protestations des groupes libéraux et de gauche face au soutien échevelé et incontesté de leur pays à l’Etat d’Israël ?
Dans le reste du monde, on perçoit généralement Israël comme le principal Etat terroriste du Moyen-Orient, et à juste titre. Il s’agit de la seule puissance dotée d’armes nucléaires qui, de par sa propre Constitution, n’a pas de frontières. Sans doute pour justifier son expansion continuelle sur les terres palestiniennes ?
Fin 2008, Israël a lancé une attaque militaire contre Gaza. Les soldats avaient ordre de tirer sur femmes, enfants et pratiquement tout ce qui bougeait. L’offensive était menée avec des avions de guerre F-16 fournis par les Etats-Unis, larguant des bombes incendiaires au phosphore blanc sur la population civile. Le soutien états-unien incluait des hélicoptères Apache, des missiles, du carburant pour les avions à réaction et des bombes à sous-munitions dont la population civile de Gaza a été généreusement aspergée tandis que le futur président Barack Obama observait un mutisme obstiné.
Le monde entier observait, saisi d’horreur. Les médias des Etats-Unis regardaient sans doute dans une autre direction, et n’ont daigné jeter un coup d’œil sur le spectacle que pour proclamer énergiquement « le droit d’Israël à se défendre ».
En 2008, des groupes représentant des intérêts spéciaux ont versé à des lobbyistes de Washington la coquette somme de 3,2 milliards de dollars, un chiffre sans précédent. La création de nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie, subventionnée par les Etats-Unis, a subséquemment doublé durant cette même année. En déclarant les dons destinés à ces établissements déductibles des impôts, le gouvernement des Etats-Unis a publiquement encouragé la tactique israélienne. C’est à peine si l’on entend de temps en temps une faible critique ayant pour cible ces nouvelles installations.
Ce n’est pas un hasard si Israël est le principal bénéficiaire financier de la reconstruction de Gaza : il est l’unique fournisseur de matériaux de construction et la seule autorité habilitée à superviser les contrats de reconstruction de ce qu’il a bombardé. Joseph Heller (2) doit se retourner dans sa tombe.
Israël possède non moins de 200 ogives nucléaires, alors qu’il faudra encore de nombreuses années à l’Iran pour en fabriquer une. Pourtant, la terrifiante perspective d’une autre guerre au Moyen-Orient n’a d’autre prétexte que la « menace » que l’Iran représente pour Israël et, implicitement, pour les Etats-Unis. C’est du moins ce que la tendance dominante des médias veut nous faire croire. Ceux qui attendaient un changement de politique extérieure des Etats-Unis lorsque la Maison Blanche avec son nouveau locataire feraient bien d’ouvrir les yeux.
Ne perdons pas de vue que l’administration démocrate du président Barack Obama et le Congrès dominé par les démocrates suivent les mêmes politiques qui ont mené l’administration Bush à la banqueroute économique, morale, militaire et spirituelle.
On ne peut ajouter foi aux promesses de changements. Il me vient à l’esprit deux anciens adages qui n’ont rien perdu de leur actualité : « Que désire tout homme qui a le pouvoir ? Plus de pouvoir ! » « De quoi lui suffit-il ? De juste un peu plus ! »
Effaçons de nos esprits toute ambiguïté qui aurait pu s’y installer : les frères siamois que sont les corporations et Wall Street continuent de diriger le gouvernement des Etats-Unis. Les législateurs fédéraux responsables de la régulation de la haute finance aux Etats-Unis ont reçu, depuis 2001, 64,2 millions de dollars.
Parmi les donateurs figurent des banques d’affaires comme Merrill Lynch, Morgan Stanley, AIG, Bear Stearns et Goldman Sachs.
Pratiquement chacun des membres de la commission des services financiers de la Chambre des représentants qui était censée contrôler la ventilation des fonds destinés à sauver les banques a reçu des contributions de ces institutions financières pendant la campagne électorale de 2008. C’est que ces compagnies ont un privilège de taille : elles sont « trop grandes pour couler ». L’ancien conseiller économique du FMI, Simon Johnson, l’a dit en deux mots : « L’industrie financière est parvenue à prendre le contrôle de notre gouvernement ».
L’avarice, le pouvoir, la boulimie dictent la politique nationale et internationale des Etats-Unis. Nous sommes gouvernés par un hybride morbide de capitalisme corporatif militarisé qui est en train de consumer, littéralement, et désintégrer notre planète.
Les dernières informations signalent que l’Arctique pourrait perdre toutes ses glaces en été dès 2010. Depuis le premier Jour de la Terre, célébré en 1970, le quart de toutes les espèces de notre planète s’est éteint, et il est à prévoir qu’un autre million disparaîtra dans les quarante prochaines années sous les effets du changement climatique.
Mais pour la presse corporative des Etats-Unis, le changement climatique global reste le gorille de huit cents livres enfermé dans une chambre qui disparaîtra si on continue de l’ignorer. Or, les effets du changement sont chaque année plus évidents et dévastateurs.
La nouvelle la plus alarmante et intolérable est que, comme toujours, ceci représente une belle affaire pour la grande industrie du pétrole et pour celle du nucléaire.
Une autre nouvelle dont l’importance et indéniable : les fosses contenant des déchets radioactifs contaminent des zones de Caroline du Nord aux abords de la centrale nucléaire de Shearn Harris, une des zones les plus contaminées d’Amérique du Nord.
Il n’est plus possible d’en douter : l’information fournie par les grands médias des Etats-Unis n’est pas digne de foi. On nous a vendu de faux prétextes pour justifier les guerres d’Irak et d’Afghanistan, et on continue d’ignorer ou de déformer la catastrophe humaine qui se déroule jour après jour dans ces pays. On nous ment sur le rôle joué par les Etats-Unis au Moyen Orient et ailleurs. On nous refuse tout bilan exact de la crise climatique.
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