Connaîtra-t-on un jour la vérité dans les affaires Tapie ? Difficile de le savoir. Cela fait 20 ans que le Crédit Lyonnais a racheté Adidas à l’homme d’affaires. Après une procédure judiciaire pleine de rebondissements et un arbitrage décidé par Christine Lagarde, de nouvelles perquisitions relancent l’affaire.
Soupçons sur la procédure d’arbitrage
En 2008, après une procédure judiciaire débutée en 1995, une cour arbitrale de la République conclut largement en faveur de l’homme d’affaire et lui permet d’encaisser plus de 400 millions d’euros, dont 40 au titre de dommages et intérêts. Très rapidement, le jugement et la procédure sont contestés. En effet, la procédure choisie favorisait clairement Bernard Tapie puisqu’elle permettait de mettre fin rapidement aux poursuites tout en ne permettant pas d’appel.
Néanmoins, beaucoup de soupçons pèsent sur cet arrangement. En effet, Bernard Tapie a soutenu Nicolas Sarkozy en 2007, en ayant des mots très durs contre Ségolène Royal. Le Monde évoque plusieurs entrevues entre les deux hommes dès le début 2007. Du coup, certains se demandent s’il n’y a pas eu un arrangement entre eux. En août 2011, une instruction a été ouverte par la Cour de Justice de la République pour « complicité de détournement de biens publics » et « complicité de faux » à l’égard de Christine Lagarde, qui avait accepté l’arbitrage privé et refusé tout recours.
Le procureur général accuse l’ancienne ministre d’avoir « constamment exercé ses pouvoirs ministériels pour aboutir à la solution favorable à Bernard Tapie ». En revanche, une note blanche, qui avait été remise à François Bayrou, accuse directement Jean-Louis Borloo (ancien avocat de l’homme d’affaire) et Nicolas Sarkozy qui auraient imposé la décision. C’est dans ce cadre là que se sont faites les perquisitions aux domiciles de Bernard Tapie et de l’ex directeur de cabinet de la ministre.
Une triple affaire d’Etat ?
Si tel était le cas, il s’agirait d’une affaire d’Etat absolument incroyable puisqu’elle aurait coûté 400 millions d’euros aux contribuables au bénéfice d’un soutien de l’ancien président de la République. Mais beaucoup de soupçons n’ont pas été complètement levés. Déjà, il est extraordinairement suspect qu’une banque publique finance le rachat d’Adidas par Bernard Tapie en 1990, moins de deux ans avant que celui-ci ne devienne ministre du gouvernement Bérégovoy.
Un tel conflit d’intérêt aurait immédiatement provoqué la démission dans de nombreux pays. Et que dire du rachat d’Adidas par le Crédit Lyonnais à celui qui était alors ministre, moins d’un mois avant la défaite de la gauche aux législatives ? Bien sûr, cela n’était pas légal puisque Bernard Tapie avait missionné sa banque pour vendre l’entreprise, mais le timing du rachat est d’autant plus suspect que François Mitterrand n’a pas été le président le plus encombré par les principes moraux…
Enfin, il me semble totalement ubuesque que Bernard Tapie ait obtenu la moindre compensation suite à la procédure lancée en juillet 1995. En effet, si le Crédit Lyonnais a racheté Adidas 315 millions en février 1993, le redressement de l’entreprise par Robert Louis Dreyfuss lui permet de la vendre 700 millions en décembre 1994. L’homme d’affaire a cherché à récupérer une partie du bénéfice réalisé par la banque, comme si une personne qui vendait un bien 100 demandait à récupérer les bénéfices réalisés par son acheteur d’alors qui l’aurait vendu 200 près de deux ans après !
L’histoire de l’achat puis de la vente d’Adidas par Bernard Tapie est peut-être une des affaires d’Etat les plus graves qu’ait connu la France. Près de 20 ans après le rachat de l’entreprise par le Crédit Lyonnais, il serait temps que la vérité se fasse. Espérons que cette procédure le permette. On peut rêver.