L’ancien ministre de François Mitterrand et ex-président du Conseil constitutionnel livre à Sihem Souid sa vision de la France. Entretien.
Sihem Souid : Que pensez-vous de la politique étrangère menée par François Hollande depuis son élection ?
Roland Dumas : Le général de Gaulle tenait à ce que la France soit indépendante. Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing (VGE) et Mitterrand ont été dans cette ligne de conduite qui donnait satisfaction à tout le monde, dire oui avec des réserves mais ne pas entrer dans le commandement intégré de l’OTAN. Avec Chirac, des discussions ont eu lieu pour une réintégration, mais les contreparties qu’il voulait n’ont pas été acceptées (le commandement de la zone sud – la Méditerranée). Sarkozy a annoncé que la France réintégrait le commandement intégré de l’OTAN. Avec l’arrivée de François Hollande au pouvoir, la politique étrangère a entériné ce changement de cap avec peu de débats internes et pas de débat public en réintégrant définitivement le commandement intégré de l’OTAN, et cela, sans vraie contrepartie. En réalité, aujourd’hui, ceux qui commandent sont les États-Unis et Israël. Aujourd’hui, nous sommes dans une alliance où la France n’a plus rien à dire. Nous n’avons plus de politique étrangère indépendante. [...]
Que feriez-vous aujourd’hui si vous étiez encore ministre des Affaires étrangères ?
Je serais déjà toujours resté fidèle à la pensée socialiste. J’aurais rétabli une vraie politique française avec la Russie ! La France doit rétablir une relation privilégiée avec la Russie. Nous traitons mal les Russes, contrairement à ce qui peut se dire dans le monde ! Nous ne tenons compte d’aucun des engagements qui ont été pris, notamment avec Gorbatchev concernant la conférence de Moscou. L’alliance outre-Atlantique n’a pas tenu ses engagements envers Moscou. Je suis contre l’injustice même en politique internationale.