Mari de Rama Yade et fils d’un chanteur-conteur renommé, le patron de la Mission du centenaire de la Grande Guerre émerge.
Fils de, mari de… Joseph Zimet cumule les défis. Il n’a pas dû se contenter de se faire un prénom. Tous les jours, il lui faut se faire un nom. « Quand je rentre dans une pièce, je suis le mari de Rama Yade, et quand j’en sors, j’espère bien être autre chose ». À 40 ans révolus, ce fils d’un chanteur-conteur yiddish de renom (Ben Zimet) a décidé de traverser le miroir. Il y a quelques mois, une émission télé avait réservé une surprise à son épouse, l’ex-ministre des Droits de l’homme de Nicolas Sarkozy. Joseph Zimet raconta comment, en mai 2007, Rama Yade avait enfermé cet électeur de gauche chez eux (« un acte manqué », dit-il) lors du second tour de la présidentielle. La jeune femme avait alors ouvert de grands yeux, et lâché : « Mais ce n’est pas un homme public ! » Un peu, quand même, et de plus en plus, mais avec réticence : « On ne va pas parler que de moi, mais aussi de ma mission, n’est-ce pas ? » dit-il d’emblée.
« Je vis avec une rock star. Rama, c’est Beyoncé, et ce n’est pas toujours simple quand on s’installe à une terrasse de café », souffle Joseph Zimet. Depuis plus de trois ans, il côtoie aussi des fantômes : ceux des poilus de la Première Guerre mondiale. Ce quadragénaire au physique encore juvénile, et au visage sérieux, a été nommé par Nicolas Sarkozy en 2011 à la tête de la Mission du centenaire de la Grande Guerre. François Hollande l’a confirmé l’année suivante. Ce moment de commémoration nationale intense va culminer ce 11 novembre dans le Nord-Pas-de-Calais, où le chef de l’État doit inaugurer un « anneau de la mémoire » comportant quelque 600 000 noms : ceux des soldats de toutes nationalités qui ont perdu la vie sur place entre 1914 et 1918. « Je me sens bien à ma place, explique-t-il. Cette mission, c’est un bouquet composé d’histoire, de politique, d’art, de musique ». Un bouquet qui correspond plutôt bien à cette personnalité éclectique, et inclassable.
Premier paradoxe : la grande boucherie de 1914-1918, ce n’était pas son histoire à lui. « Je suis un enfant de l’autre guerre, le fils d’un petit garçon juif caché durant l’Occupation ». Côté paternel : une grand-mère allemande et un grand-père polonais, tous deux juifs. Cueillis à Anvers, par la guerre, ils se réfugient en zone libre en France, avant de traverser l’Atlantique à la Libération pour s’installer au Canada. Le père de Joseph, Ben, grandit à Montréal avant de revenir à Paris. Sa mère, elle, est issue d’une famille de brasseurs du Sud-Ouest, qui portent un nom allemand, les Lauer, et qui se déchirent durant la Seconde Guerre mondiale. « L’un de mes grands-oncles, milicien, a été fusillé sous les yeux de sa mère. L’autre était pilote de la France libre. Baptisée, ma mère a tourné le dos à cet héritage bourgeois pour épouser mon père ».
Second paradoxe : malgré cette histoire familiale tumultueuse, Joseph a vécu une enfance paisible à Paris. Une période presque enchantée… dans tous les sens du terme. Après avoir exercé divers métiers, dont celui de journaliste à RFI, son père s’est découvert une vocation de conteur yiddish dans les années 70. Il est rapidement devenu une figure du Tout-Paris. Les musiciens défilaient à la maison. « Chez moi, on parlait surtout de la peinture de Chagall, des écrits d’Isaac Bashevis Singer, jamais de la Shoah », se souvient Joseph Zimet. Le jeune homme se passionne pour le violon qu’il commence à manier dès l’âge de 4 ans.
A 17 ans, c’est en feuilletant par hasard La France de Vichy, de Robert O. Paxton qu’il se plonge dans cette période noire. Cette nouvelle passion ne le quittera plus.