C’est le très libéral Georges Kaplan qui m’a interpelé sur le sujet, ainsi que Jacques Sapir, sur les réseaux sociaux, puis dans un papier sur son blog, repris par Contrepoints. Si nous avons quelques points d’accord, sa présentation apocalyptique des conséquences d’une dévaluation est totalement exagérée.
Une sortie possible, et facile
Il y a un point d’accord sur la possibilité de la sortie, « possible, inévitable et souhaitable ». Car, comme il le dit, « si la France devait décider de sortir de la zone euro et de réinstaurer un nouveau-nouveau franc, ça ne poserait pas vraiment de difficulté insurmontable ». C’est ce que disent beaucoup d’économistes libéraux, comme Jonathan Tepper, qui a étudié la fin de plus de cent unions monétaires au 20ème siècle. Et comme il le souligne aussi, « aucune modification majeure ne serait nécessaire dans nos systèmes comptables, notre dette publique serait convertie en francs ».
Georges Kaplan m’a interpelé sur Twitter sur l’intérêt d’une dévaluation si le franc reste à parité avec l’euro, qui pourrait être conservé comme monnaie commune. Cela me donne l’occasion de préciser quelques points sur cette question complexe. Tout d’abord, il y a deux scénarios de sortie de la monnaie unique : soit nous laissons flotter le nouveau franc sur les marchés, soit nous décidons (avec, éventuellement, d’autres pays européens), de revenir à un système de change fixe, comme la Chine ce qui imposerait des mesures pour y arriver (contrôle des changes strict notamment).
La stabilité du franc est confirmée par toutes les études sur le sujet : ING, Nomura, Natixis ou Sapir. Cela vient d’une raison simple : la France se trouve dans une position intermédiaire entre celle de l’Allemagne (dont on peut anticiper que le mark s’apprécierait de 15 à 20%) et celle de l’Italie et l’Espagne (dont les monnaies baisseraient d’autant). Mais on peut aussi anticiper une baisse du franc de 15 à 20% par rapport aux autres grandes monnaies (dollar, wuan, yen, livre). Or 45 des 67 milliards de notre déficit commercial sont réalisés avec l’Allemagne, la Chine et les États-Unis.
La dévaluation, un cauchemar ?
Même si, au global, la dévaluation serait limitée, elle aurait l’intérêt d’être forte pour les deux pays avec lesquels nous avons, de loin, les plus gros déficits, ce qui en maximiserait l’effet sur notre commerce et donc notre croissance. Grosso modo, un tel scénario apporterait 2 points d’inflation de plus sur deux ans. En réalité, on peut considérer qu’il y en aurait un peu moins, car les importateurs préfèrent réduire leur marge pour rester plus compétitif et limiter la perte de volumes.
Bien sûr, on peut évoquer la Grande-Bretagne, qui a utilisé la dépréciation de la livre pour se relancer, au prix d’une inflation de 3% par an depuis 2005, contre 1,7% en France sur la même période. Cependant, un tiers de l’écart entre nos deux pays vient de la hausse de la TVA (passée de 17,5 à 20% en 2011). Ensuite, il ne faut pas oublier que la livre a perdu 20% en moyenne par rapport à toutes les monnaies, alors que la baisse du franc serait moins forte. Enfin, la Suède a utilisé le levier monétaire sans dérapage inflationniste puisqu’elle affiche les mêmes résultats que la France.
Bref, les conséquences seraient limitées pour les consommateurs. En revanche, cela serait profitable pour les emplois. Ensuite, il est paradoxal que Georges Kaplan prenne la défense des pauvres retraités ou petits épargnants, lui qui appartient à un camp qui défend la baisse du SMIC ou la désindexation des retraites… Et il est ridicule de dire que la dévaluation appauvrit « les salariés au profit des chômeurs ou des employeurs ». Les années 1970 n’ont pas été particulièrement profitables pour les entreprises, au contraire des salariés, qui ont continué à voir leur pouvoir d’achat augmenter.
Et de toutes les façons, nous devrions pouvoir débattre sereinement du niveau d’inflation souhaitable dans nos économies : outre Paul Krugman, même le FMI a reconnu l’utilité d’un tel débat. Dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, un peu plus d’inflation serait sans doute positif.