« L’Europe doit devenir plus compétitive en dérèglementant les marchés du travail et en refondant ses systèmes de protection sociale dispendieux. Il est possible de contraindre les pays récalcitrants en utilisant les marchés ».
« Club Surveys the Global Economy », International Herald Tribune, 16/03/09
Certes, le plan est un soulagement pour Athènes. L’Etat grec a besoin de cette aide pour assurer ses prochaines échéances : en l’occurrence, il doit rembourser 8,5 milliards de dette le 19 mai et n’a pas l’argent en caisse. Sans aide, il est en défaut de paiement. Le plan européen lui permet donc de passer ce cap. Mais il a d’autres échéances à venir, de l’ordre de 120 à 140 milliards d’euros dans les trois ans. Le plan conjoint zone euro/FMI ne prévoit pour l’heure que 45 milliards d’euros : le risque de défaut de la Grèce est reporté, il n’est pas écarté.
Ce n’est pas non plus la fin de la crise pour l’Europe car elle a mis le doigt dans un engrenage qui pourrait lui être fatal. Si les pays de la zone euro peuvent aujourd’hui lever assez de capitaux pour financer le plan d’aide à la Grèce, il en serait tout autrement s’ils devaient voler au secours du Trésor portugais ou espagnol. Nous n’avons pas les moyens de garantir à tous les maillons faibles de la zone euro que le mécanisme mis en place pour la Grèce le serait aussi pour eux. Soit la crise grecque s’apaise rapidement, soit elle ne sera que le premier d’une débâcle affectant toute la zone euro. Et c’est plutôt vers cette deuxième option que nous nous dirigeons.
La crédibilité du plan européen repose sur les efforts demandés à la Grèce. Ils sont herculéens : le pays est sommé de réduire son déficit de 10 points de PIB en deux ans. Cela veut dire : hausse de la TVA, deux mois de salaire supprimés dans le secteur public, des réductions d’effectifs et même un report de l’âge moyen de départ à la retraite de… 53 ans actuellement à 67 ans ! A l’énoncé, on voit bien que ce plan n’est pas réaliste. C’est exactement ce que se disent les marchés ce matin, à l’ouverture des Bourses européennes : ça ne passera pas.
D’ailleurs, au moment même ou cet article est rédigé (10h du matin), nous apprenons que la Banque centrale européenne (BCE), qui devait bien s’attendre à cette réaction négative des marchés, vient d’annoncer qu’elle allait accepter les titres de dette grecque en garantie de ses prêts, quelle que soit leur notation financière.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que la BCE, qui s’y refusait catégoriquement jusqu’à hier, va faire tourner la planche à billet, afin de permette aux banques possédant des obligations grecques de continuer à obtenir du crédit auprès d’elle malgré la dégradation de leur notation financière.
Peut-être une bonne nouvelle pour la Grèce, mais assurément une catastrophe pour l’euro.
Paris appel à un gouvernement économique européen
La ministre française de l’Economie Christine Lagarde estime qu’il faut réfléchir à une réforme du Pacte de stabilité européen en y incluant « l’examen de la compétitivité et de la stabilité financière », dans un entretien publié lundi par le quotidien Le Monde.
« Oui, il faut impérativement inclure dans notre radar l’examen de la compétitivité et de la stabilité financière », estime Mme Lagarde, en réponse à une question sur la nécessité de modifier le Pacte de stabilité, assurant que l’Allemagne et la France « sont parfaitement d’accord pour tirer ensemble » les leçons de la crise grecque.
« Cela va nous conduire à réfléchir avec l’ensemble de nos partenaires, et notamment avec nos amis allemands, sur le gouvernement économique, la convergence économique et la réduction des écarts économiques », poursuit Mme Lagarde.
« L’Allemagne et la France sont parfaitement d’accord pour tirer ensemble les conséquences de la crise, notamment sur la régulation et la gouvernance économique de la zone euro », à encore insisté la ministre.
Ceux qui avaient encore quelques doutes vont avoir du mal à continuer de faire comme s’ils ne comprenaient pas où l’Union européenne veut nous amener, avec cette crise grecque qu’elle a laissé dégénérer jusqu’à ce qu’elle atteigne les pays de la zone euro les plus faibles : créer les conditions qui rendent incontournable la création d’un gouvernement économique. Cela dans le but de soumettre l’ensemble des économie des États membres, permettant ainsi de niveler les politiques budgétaires (et donc sociales), de Lisbonne à Athènes, sur leur plus petit dénominateur commun.
Il apparait clairement que, dans cette reconfiguration de l’économie de l’Europe – que l’on voudrait nous faire passer pour une sorte de « catastrophe naturelle », mais qui est en réalité une action concertée et planifiée de longue date, comme le démontre notre citation en début d’article – l’Allemagne dirige le bal, et que le gouvernement collaborationniste de Sarkozy ne soit là que pour avaliser les décisions de Berlin.