Dans une série de discours et de conférences de presse donnés dans le cadre du sommet de l’OTAN qui s’est déroulé la semaine passée au Pays de Galles, le président Barack Obama a publiquement déclaré que l’armée des États-Unis maintiendra une présence permanente dans les États baltes, en Estonie, en Lituanie et en Lettonie, qui bordent la Russie. Il a promis que les forces aériennes et terrestres américaines se tiendront à tout jamais prêtes à réagir à toute déclaration d’agression russe de la part du gouvernement de ces pays, par une attaque contre Moscou.
Lors de sa visite dans la capitale de l’Estonie, Tallinn, et plus tard au Pays de Galles, Obama a annoncé une série de décisions militaires à l’encontre de la Russie de la part des Etats-Unis et de l’OTAN, ainsi que des sanctions économiques élargies et la promesse de renforcer les forces militaires des anciennes républiques soviétiques d’Ukraine, de Géorgie et de Moldavie. Il a clairement fait savoir qu’en plus Washington encouragerait ces trois pays à rejoindre l’alliance militaire de l’OTAN qui est dominée par les Etats-Unis.
Ces déclarations représentent une énorme escalade des menaces militaires proférées contre la Russie par les États-Unis et l’OTAN. Sans aucun débat public, et sans tenir compte de l’opinion de la population américaine, le gouvernement Obama s’est engagé à ce que le pays entre en guerre contre la deuxième puissance nucléaire du monde au sujet de trois petits pays d’Europe de l’Est.
Le 3 septembre, lors d’une conférence de presse conjointe avec le président de l’Estonie, Toomas Ilvers, Obama a déclaré, « Je suis venu ici avant tout pour réaffirmer l’engagement des Etats-Unis concernant la sécurité de l’Estonie. En tant qu’alliés de l’OTAN, l’article 5 établit notre devoir de défense collective. C’est un engagement qui est inviolable. Il est inébranlable. Il est éternel. »
Dans un discours prononcé plus tard dans la même journée à l’adresse du « peuple d’Estonie » Obama a été pour le moins encore plus explicite au sujet de l’engagement des forces militaires américaines dans les pays baltes et leur disponibilité pour attaquer la Russie. « Aujourd’hui, davantage d’avions de l’OTAN patrouillent dans le ciel des pays baltes. Davantage de forces américaines sont sur le terrain et s’entraînent en passant tour à tour par chacun de ces Etats baltes. Davantage de navires de l’OTAN patrouillent en Mer noire… J’estime que notre alliance devrait prolonger ces mesures défensives aussi longtemps qu’il faudra… »
« L’article 5 est clair comme de l’eau de roche. Une attaque contre l’un équivaut à une attaque contre tous les autres. Et donc, si à un tel moment vous posez la question, ‘qui viendra à l’aide’, vous connaîtrez la réponse : l’alliance de l’OTAN, y compris les forces armées des États-Unis d’Amérique, ‘présente ici même, maintenant !’ Nous serons présents pour l’Estonie. Nous serons présents pour la Lettonie. Nous serons présents pour la Lituanie… »
« Présents dans les pays baltes… cela signifie davantage de forces américaines, y compris des troupes américaines au sol en rotation continuelle entre l’Estonie et la Lettonie et la Lituanie. » [italiques ajoutées]
Il a poursuivi en disant, « Nous devons accroître la force de réaction rapide de l’OTAN pour qu’elle puisse se déployer encore plus rapidement et pas simplement réagir aux menaces, mais pour constituer aussi une dissuasion. » [italiques ajoutées] Cette dernière déclaration implique clairement le droit des États-Unis et de l’OTAN de riposter militairement non seulement à des actions mais aussi à « titre préventif » à de prétendues menaces.
Deux jours plus tard, lors de la conférence de presse, après le sommet de l’OTAN, Obama a réitéré la même attitude belliqueuse.
Avec les engagements énoncés la semaine dernière, le gouvernement américain lie le sort de la population américaine, et de ce fait, de la population mondiale, aux agissements des gouvernements de trois petits pays dont la population totalise 6,6 millions d’habitants. Ces trois gouvernements sont droitiers, ultranationalistes et viscéralement anti-russes. Ils représentent une couche criminelle d’oligarques qui ont fait fortune en pillant les biens publics après avoir fait sécession de l’Union soviétique et le début de la restauration capitaliste.
Tous ces gouvernements sont aussi dirigés par des individus qui entretiennent des liens étroits avec le renseignement américain et le Pentagone. Ils sont tous en train d’imposer des programmes d’austérité qui appauvrissent la classe ouvrière, suppriment toutes les protections sociales et ouvrent leur économie respective à la course au profit déchaînée du capitalisme occidental.
Toomas Ilves, avec lequel Obama a partagé l’estrade dans la capitale estonienne, a grandi et étudié aux États-Unis. De 1984 à 1993, il a travaillé pour la radio Europe libre (Radio Free Europe) qui est opérée par les États-Unis, et y a dirigé la rédaction estonienne.
La présidente lituanienne, Dalia Grybauskaite, souvent surnommée « Dame de Fer » et « Magnolia d’acier », a suivi des cours destinés aux cadres supérieurs à l’université de Georgetown à Washington DC après que la Lituanie a fait sécession de l’Union soviétique. De 1996 à 1999, elle a exercé les fonctions de ministre plénipotentiaire à l’ambassade de la République de Lituanie aux États-Unis.
La première ministre de Lettonie, Laimdota Straujuma, est membre du parti droitier Unité.
Ces trois gouvernements sont des gouvernements fantoches pro-américains. Ils sont d’une grande instabilité et déchirés par des conflits internes. Ils président sur des populations qui bouillent de colère face à la destruction du niveau de vie de la classe ouvrière et de la corruption des oligarchies dirigeantes. Ils font partie des défenseurs les plus belliqueux des agissements agressifs à l’encontre de la Russie. Chacun d’entre eux serait capable, pour des raisons de politique intérieure, d’inciter ou de fabriquer un affrontement militaire avec la Russie.
Washington est en train de monter de toutes pièces une menace non existante de la Russie à l’égard des pays baltes. Il y a plus de vingt ans, durant le processus de dissolution de l’Union soviétique, ces pays étaient devenus indépendants avec l’approbation de Moscou. L’affirmation qu’ils sont actuellement confrontés à une menace imminente de la Russie est un prétexte pour violer les précédents accords passés avec Moscou qui stipulaient qu’il n’y aurait pas d’élargissement de l’OTAN ni de stationnement de forces militaires de l’OTAN sur l’ancien territoire soviétique.
D’un point de vue géostratégique, le sort de l’Estonie, de la Lituanie et de la Lettonie n’a quasiment aucune signification pour les États-Unis. Mais, pour la Russie, le positionnement de forces terrestres et aériennes et de matériel militaire à quelques kilomètres à peine de sa frontière est une menace existentielle.
Comment Washington réagirait-il si la Russie annonçait le stationnement de troupes au Mexique, en Amérique centrale ou dans les Caraïbes ? Il y cinquante ans, lors de la crise des missiles de Cuba, le gouvernement Kennedy avait déclaré que l’installation par Moscou de missiles à Cuba constituait une menace intolérable à la sécurité nationale américaine. Kennedy avait fait peser la menace de la guerre nucléaire si Khrouchtchev ne les retirait pas.
Le gouvernement et l’armée russes ne peuvent tirer de la crise actuelle d’autre conclusion que celle de croire que Washington est en train de planifier une attaque contre Moscou. Des responsables russes ont annoncé qu’en réaction au sommet de l’OTAN, Moscou était en train de réorganiser sa doctrine militaire.
Dans les années 1950 et 1960, au plus fort de la Guerre froide, le terme de « brinksmanship » (stratégie de la corde raide) était utilisé pour indiquer l’irresponsabilité volontaire en matière de politique étrangère. Ce que le gouvernement Obama est en train de faire de nos jours va bien au-delà de tout ce que le gouvernement américain avait fait à cette époque.
A l’époque, l’inquiétude fréquemment soulevée était qu’un degré renforcé de méfiance et de tensions entre Washington et Moscou puisse produire un incident relativement mineur qui s’intensifie et dérape de façon incontrôlable et provoque une guerre nucléaire. C’est pour cette raison que ce que l’on appelle le « téléphone rouge » fut mis en place, reliant les deux capitales afin d’empêcher que l’une ou l’autre partie n’interprète mal les objectifs de l’autre.
De nos jours, les décisions du gouvernement Obama et de ses alliés de l’OTAN semblent conçues pour générer en Russie le plus grand degré possible d’appréhension et pour l’inciter à réagir militairement. Il s’agit d’un pays, faut-il le rappeler, qui a perdu 27 millions de personnes dans une guerre qui avait commencé par une attaque surprise de la part de l’Allemagne.
Toutes les raisons citées par les États-Unis et l’OTAN pour inciter à la guerre contre la Russie sont des mensonges. Depuis le début, les agresseurs dans la crise ukrainienne ont été Washington et Berlin. Ils ont orchestré un coup d’État dirigé par des forces fascistes pour renverser le gouvernement élu du président Viktor Ianoukovitch, en février dernier, après la décision de Ianoukovitch de ne pas signer l’accord d’Association avec l’Union européenne ni d’accepter un programme d’austérité dicté par le Fonds monétaire international.
Depuis, ils utilisent la crise en Ukraine pour mener une politique visant à isoler et affaiblir la Russie. Il est clair que le but des mesures militaires, politiques et économiques contre la Russie est de la contraindre à se soumettre aux dictats de l’impérialisme américain et allemand.
Si les provocations belliqueuses des États-Unis et de l’impérialisme allemand ne sont pas stoppées par l’intervention de la classe ouvrière internationale, ce ne sera qu’une question de temps avant qu’un incident impliquant l’OTAN et les forces russes ne déclenche une crise qui serait susceptible de dégénérer en une guerre nucléaire de grande envergure.
Barrey Grey