La façon dont un produit est promu en dit souvent long sur le marché ciblé. Ainsi, on peut trouver sur igenea.com, un site proposant des services de recherche généalogique par ADN, cette rubrique pour le moins révélatrice : « Êtes-vous juif ? »
Le recours à titre individuel à la généalogie par ADN permet généralement de poursuivre les buts suivants : prendre connaissance de ses racines ethniques ou être rapproché d’une autre personne dont l’ADN est présente dans la base de données.
Pour le premier de ces deux buts, il s’agit d’identifier son peuple d’origine et les différents haplogroupes dont nous sommes issus. Un haplogroupe distingue la plupart du temps une origine ethnico-géographique caractérisée par des spécificités chromosomiques, mais en généalogie génétique, on le définit aussi comme un groupe d’individus ayant un lointain ancêtre commun. On parle de lignée patrilinéaire (descendance du coté paternel) ou matrilinéaire (descendance du coté maternel), chacune faisant l’objet d’une analyse propre.
Étonnamment, igenea.com donne comme exemple de peuples d’origines : « Celtes, germains, vikings ou juifs. » La recherche d’une appartenance biologique au peuple juif fait effectivement l’objet d’une page particulière sur le site, visible dès la page d’accueil. La clientèle potentielle ne se limite pas aux personnes s’interrogeant sur une potentielle origine juive lointaine, elle englobe aussi ceux qui voudraient en savoir plus sur leur appartenance tribale. Le site propose ainsi de répondre aux question suivantes : « Êtes-vous ashkénaze ou séfarade ? Êtes-vous un Levi ou un Cohen ? »
À titre d’explication, on lit dans le descriptif « [qu’] au cours des siècles, les juifs ont développé une certaine homogénéité génétique qui est visible par un test ADN ».
Si le descriptif dit vrai, on conclura que le peuple juif, en dépit de sa position d’avant-garde de la République – et donc des sacro-saintes valeurs d’« ouverture aux autres », de mélange des cultures et de métissage –, a observé une très rigoureuse endogamie à travers l’histoire. D’autre part, le caractère ciblé d’un tel service illustre une sensibilité réelle de cette communauté à la question raciale : toute demande suffisamment substantielle génère toujours en effet une offre commerciale pour lui répondre.
Étonnant, quand on pense aux discours et accusations que certaines élites juives ne cessent de jeter à la face de communautés hésitant quelque peu devant le grand bain du métissage généralisé. Cohérent, si on pense à certaines particularités de la psychologie juive rarement mises en avant, comme par exemple la filiation matrilinéaire ou encore la « loi du retour ». Quand le droit de résidence ou l’accès à la nationalité peut s’obtenir par des liens lointains avec une mythique tribu originelle, on ne doit pas s’étonner de voir la généalogie par ADN rencontrer un certain succès. Elle permet de répondre à de singulières obsessions.