Il nous aura suffi de 60 années de croissance accélérée pour détruire tout ce qui restait de bon en France.
Je voudrais m’adresser aux Français d’origine étrangère : non, nous ne sommes pas un peuple de dégénérés. Il fut un temps où nous aimions nos enfants, où nous leur consacrions du temps. Il fut un temps où nous avions confiance les uns en les autres, où nous étions sûrs de notre force, sûr de notre famille, sûrs des valeurs que nous défendions, où nous étions capables d’accueillir les gens, de les respecter, et d’exiger d’eux une forme de respect. Il fut un temps où nous avions des règles, où l’autorité d’un homme comptait dans sa famille, non seulement pour assister sa femme mais aussi pour s’y opposer quand elle abusait de sa position de mère. Il y eut un temps où des hommes peuplaient ce territoire, où ils n’avaient pas laissé la religion aux femmes et où les relations entre les sexes étaient complémentaires à défaut d’être iniques.
Il fut un temps où hommes et femmes eurent une culture et n’abusèrent pas de leur environnement. Il fut un temps où les institutions et les hommes qui les faisaient vivre jouissaient d’une aura. Il fut un temps où être mère était un honneur.
Nous fûmes un peuple heureux. Nous vécûmes dans l’interdépendance. Nous fûmes obligés de nous entendre.
Ne croyez pas ces nouveaux menteurs qui vous disent que ce monde horrible a toujours été tel quel. Ils ne veulent pas assumer leurs responsabilités, alors ils vous mentent. Ils ne veulent pas voir le charnier qu’ils ont nourri de leurs utopies. Ils utilisent des mots comme « liberté », « indépendance », « citoyens », tandis que la liberté n’a jamais existé, que leur indépendance s’est faite sur le dos d’autres hommes, et que le citoyen n’est, aujourd’hui, que le sous-fifre de sa communauté.
Car quand l’occasion nous fut donnée de faire n’importe quoi, parce que nous devenions riches, oui, nous fîmes n’importe quoi. Dès que nous fûmes riches, nous abandonnâmes toute moralité, nous en profitâmes pour nous disputer pour des questions futiles, selon nos intérêts individuels ou communautaristes. Nous nous séparâmes de nos compagnes, et surtout, dès qu’elles eurent assez d’argent, nos compagnes se séparèrent de nous, sans se préoccuper plus que cela des enfants. Dès que nous eûmes de l’argent, nous organisâmes le génocide de toute une génération. Nous mîmes en place une politique eugéniste, sans remord, tout en critiquant ceux qui l’avaient fait durant la Seconde Guerre mondiale. Nous oubliâmes de nous aimer. Les femmes firent passer l’argent, ou plutôt, leur insertion professionnelle, avant leur famille. Puis quand elles en constatèrent les dégâts, elles voulurent faire passer leur insertion professionnelle avant le bon fonctionnement de l’économie. Tout dut plier à leurs désirs. Les enfants étaient de plus en plus dépressifs, de plus en plus suicidaires, de moins en moins aptes à aimer leur nation et à en favoriser l’économie, mais elles voulurent toujours plus de moyens, toujours plus de destruction. Tant qu’il y eut de l’argent, elles l’obtinrent. Cela n’améliora pas l’économie, cela n’améliora pas l’attention portée aux enfants, ni le fonctionnement des familles.
Les hommes laissèrent leurs enfants se faire massacrer. Ils crurent bêtement leurs femmes, préoccupés, eux-aussi par l’argent, mais, progressivement, il finirent par ne plus croire au système qu’ils servaient. Au début, les hommes, dans leur cupidité, exploitèrent le sol, le salirent et se salirent. Ils ne voulurent plus manger, ils voulurent se gaver, et gaver les autres. Ils accusèrent le système tandis qu’ils étaient toujours plus avides. Les ingénieurs ne choisirent pas de faire mieux, mais de faire plus, à moins cher. Ils délocalisèrent le pays, considérant leurs frères comme une donnée de l’équation économique mondiale. La rentabilité devint une raison pour devenir plus rentable. Au lieu de s’attaquer à cette mentalité de rapaces, nos hommes politiques agirent en rapaces, et ils dénigrèrent les entrepreneurs pour financer leur démagogie tout en maintenant l’activité économique dont ils nous savaient dépendants. Ils érigèrent parfois des frontières, mais jamais ils ne purent réussir à contenir l’hémorragie car ils ignoraient le principal problème : la noirceurs d’âmes imbues de leur toute puissance. Ils voulurent se substituer à l’aumône. Ils tuèrent la fraternité. Notre pays, passant de la joyeuseté à la liberté, passa également de la bombance à l’oppression. Les quelques hommes qui élevèrent la voix contre cette régression furent jugés « réactionnaires ». Et on leur coupa la parole.
Mais aujourd’hui, je parle au passé, car, ô bonheur céleste, cette époque est terminée.
Non, nous n’avons pas été capables d’entendre raison seuls. Nous n’avons pas discuté ensemble, réagi et résisté. Oui, nous nous sommes bien laissés aller, chacun dans sa folle utopie. Mais par la plus grande des félicités, nous redevenons pauvres. À force d’avoir tiré sur la corde de la famille, à force d’avoir tiré sur la corde de l’immigration, et de nos individualismes, le golem n’arrive même plus à se nourrir des millions de vies qu’il détruit chaque jour. Il ira les détruire ailleurs, car ici, les hommes sont devenus trop faibles et trop incompétents pour le servir. Nous ne sommes pas devenus plus intelligents, certainement pas. Mais sous la pression de la pauvreté, nous allons enfin revenir à plus de moralité, à plus de sens.
Que Monsieur Hollande ne s’inquiète pas, je le vois bien à son visage, à moins que ce ne soit sa situation familiale, la France va sombrer mais c’est une bonne nouvelle. Enfin, nous allons redevenir pauvres. Pauvres et raisonnables. Par la force des choses. À défaut d’avoir pris le temps, il va nous en être donné pour nous occuper de nos enfants. Nous allons avoir du temps pour discuter avec nos voisins, pour monter des associations, pour militer, pour nous rencontrer et nous marier, pour croire. Nous allons retrouver cette France de l’Ancien Régime dont Talleyrand vantait la douceur de vivre. Nous allons enfin retrouver le fond de l’âme française paysanne, travailleuse, joyeuse, prospère, pauvre et doucement avinée. Finis les gueules tristes des gens bourrés d’oseille, les pleurnichards qui avaient un toit et un travail mais qui se plaignaient de ne pas en avoir assez, et qui étaient prêts à écraser leur voisin pour obtenir le dernier i pack. Finis l’ouvrier de gauche, le patron de droite. Finies les commères toutes puissantes aux sorties des écoles, dans l’administration. Finis les fonctionnaires égoïstes en leur mission. Finis les employés et les cadres passant leur vie dans les transports en commun, seule joie de leur triste journée. Finis les gens se sacrifiant pour rien. Finie la télévision des paillettes, de la fausse réussite, du spectacle. Fini l’art déconnecté de la vie, du sens et par la force des choses, de la religion. Finis les samedis soirs de célibataires avec une pizza en rêvant du prince charmant devant une émission débile. Finis le gaspillage écologique, la gabegie de moyens, le sacrilège de la mauvaise utilisation des ressources. Finis le système financier qui nourrit le système financier, les comptes déséquilibrés, l’appauvrissement des familles. Finie la destruction des espèces. Finies les aventures médiocres et sans lendemain. Finis les enfants ballottés comme des valises encombrantes. Fini le travail pour le travail.
J’ai attendu longtemps cette époque. Je la vois arriver avec joie. J’ai détesté toutes ces années d’indifférence pleines de pognon, ces trente glorieuses ridicules, ces années 80 fric où il n’y en avait jamais assez. J’ai détesté le retour de la croissance et de la bêtise humaine. Mais ça y est, nous nous en sortons. Nous nous en sortons par le bas, mais nous nous en sortons. La solidarité que nous allons reconquérir sera une solidarité forcée, mais une solidarité tout de même. Il n’y aura plus de croissance dans nos régions. Il y aura moins de pétrole. La bête immonde ira en Chine, faire son travail. Nous la lui laissons. Chez nous, il est temps de reconstruire un monde plus humain, plus juste, plus respectueux de la nature, mais surtout plus respectueux de nos proches. Il est temps de vivre une vie qui en vaille la peine. Il est temps d’avoir froid l’hiver, de nous tenir au chaud, ensemble, de nous raconter des histoires au coin du feu, de nous cultiver à défaut de cultiver la terre, de parler une belle langue, riche d’anecdotes, de nuances, de subjonctifs, d’intonations, d’êtres aux petits soins pour ceux dont dépend notre survie, de travailler pour quelque chose, de respecter la création, de réfléchir, d’aimer, de cesser de rêver, et de commencer à vivre, pleinement.