En juin 1999, après plus de vingt années passées en Occident, Alexandre Zinoviev, le plus lucide et le plus intransigeant des opposants soviétiques a regagné la Russie. Son geste, a-t-il expliqué, était moins un retour au pays qu’un désaveu de l’Occident devenu selon lui une puissance totalitaire qui menace l’humanité.
Dans un monde occidental si fier de ses vertus qu’il les exporte aux quatre coins du monde, la sombre prophétie a fait l’effet d’une déflagration. Celui qu’on avait salué comme un visionnaire au temps des "Hauteurs béantes" et de ses grandes analyses du phénomène soviétique est soumis par les médias occidentaux à des examens psychiatriques.
Dans ce livre, Alexandre Zinoviev explique et précise ses positions. A la fois logicien et sociologue, il y joint une impressionnante réflexion sur les structures profondes de la société à une foule d’observations significatives.
La guerre froide s’est achevée depuis dix ans à peine, or le monde apparaît transformé de fond en comble. Les Etats-Unis triomphent et imposent partout les idées qui, hier, protégeaient l’Europe contre le totalitarisme soviétique. Des souverainetés nationales se fondent en des
associations plus vastes alors que des ensembles constitués se désagrègent et disparaissent.
Nous assistons à l’émergence d’une « supracivilisation » qui a poussé sur les valeurs occidentales, mais qui les annihile en les parasitant. Cette superstructure fonctionne en circuit fermé comme une caste, de manière arbitraire et dirigiste, tout en rassurant le public par la propagande et la désinformation. Régnant par l’idéologie des droits de l’homme, elle tient ces droits pour quantité négligeable et n’obéit qu’aux lois du profit et de la domination, détruisant des sociétés entières par la guerre et le blocus lorsqu’elles tentent de lui résister.
Rejetant les théories du complot, Zinoviev décrit les lois objectives des ensembles humains qui permettent de telles dérives. Déçu, alarmé, révolté par ce totalitarisme nouveau, le grand sociologue-écrivain ne se départit jamais de sa rigueur scientifique et livre un réquisitoire d’autant plus redoutable qu’il est impartial.
La grande rupture, 1999
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