La contribuable la plus riche de France n’aurait payé que 37,5 millions d’euros d’impôt sur le revenu en 2007. Et sans doute bien moins ensuite.
Au fait, combien d’impôts paie Liliane Bettencourt, troisième fortune de France ? La question semble bien innocente. Après tout, la milliardaire y a répondu très vite, par un communiqué : « Sur les dix dernières années, j’ai versé 400 millions d’euros aux services de l’administration fiscale au titre de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur la fortune et de la CSG-CRDS. »
On applaudit la transparence, mais le doute subsiste. Un député de la commission des finances s’étonne : « Cela fait très peu pour une telle fortune. » Cette moyenne de 40 millions d’euros par an doit être mise en relation avec son capital et ses revenus. Pour le capital, le seul élément certain est la déclaration ISF 2007, révélée par Marianne (n°688) : la fortune retenue est de 2,23 milliards d’euros. C’est très inférieur à la valeur des 109 millions d’actions L’Oréal qu’elle possède, soit 8,5 milliards d’euros, mais légal, puisque ces actions sont logées dans la société Téthys, et considérées fiscalement comme un « outil de travail ». Cette fortune de 2,23 milliards est néanmoins imposée à l’ISF au taux de 1,8 % par an, soit 40,1 millions d’euros.
Côté rémunérations, Liliane Bettencourt reçoit de Téthys, dont elle est gérante, 175 millions d’euros par an, provenant des dividendes versés par L’Oréal. Selon une source proche de Liliane Bettencourt, cette somme serait imposable au taux de 40 % (après un abattement de 40 %), soit 42 millions d’euros. Plus la CSG-CRDS (12,1 %), soit 21 millions. Son imposition totale devrait donc s’élever environ à 103,1 millions par an, soit 1 milliard sur dix ans. Ce qui signifie qu’environs 600 millions se sont évaporés dans la décennie… (1)
Pourquoi ? Parce que la feuille d’impôt de Mme Bettencourt est un véritable travail d’artiste de l’optimisation fiscale, à base de donations à sa famille, à sa fondation, et à d’autres personnes morales et physiques… Toutes les ficelles de la législation sont mises à contribution. C’est donc un revenu imposable très diminué qui permet d’obtenir le bénéfice du bouclier fiscal de 30 millions d’euros perçus en 2008 sur les revenus 2007, révélé par Mediapart.
Avec l’aide de fiscalistes, Marianne a cherché à reconstituer la structure vraisemblable de l’imposition de la milliardaire. La conclusion est étonnante : pour pouvoir bénéficier en 2007 d’une rétrocession de 30 millions avec un ISF de 40 millions, il lui aurait fallu déclarer environ 27 millions d’euros de revenu imposable ! Et au titre de l’année 2007, elle n’aurait versé qu’environ 17,5 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, et 20 millions au titre de la CSG-CRDS. 67,5 millions auquel il faut retrancher 30 de rebours du bouclier fiscal.
Total 37,5 millions. Dans les années précédentes, sans bouclier fiscal, mais avec moins de revenus de L’Oréal, elle devait payer une moyenne de 48 à 50 millions d’impôts. A partir de 2008, le bouclier fiscal a vraisemblablement réduit encore l’impôt. On comprend pourquoi la milliardaire, selon nos informations, première bénéficiaire du bouclier fiscal, est une aussi fervente admiratrice de Nicolas Sarkozy : son taux réel d’imposition (21% de son revenu) n’excède pas celui d’un cadre ! Nous y reviendrons...
(1) Nous ne pouvons prendre en compte les autres revenus inconnus, mais mineurs au regard du patrimoine L’Oréal, de Liliane Bettencourt. Les questions posées aux représentants de Patrice de Maistre sont restées sans réponse.