Le quotidien israélien Haaretz a publié mercredi les estimations des services de renseignement militaires israéliens (Amane) pour l’an 2015, en particulier tout ce qui a trait à la scène syrienne et au Hezbollah.
Concernant la Syrie, Amane estime que la guerre y a abouti jusqu’à présent à une « parité stratégique », et personne n’est en mesure de soumettre son ennemi. Alors que les combats gagnent partout en Syrie, il n’est pas susceptible pour le moment de faire pencher la balance pour l’un au détriment de l’autre.
Selon ces estimations, le régime du président syrien Bachar al-Assad est toujours stable et ferme, et il pourrait seulement dans un avenir proche garder la capitale Damas et un « corridor » en direction d’Alep, au nord-ouest de la Syrie.
Du côté d’Israël, il semble que « la guerre civile pèse tellement sur l’armée syrienne qu’elle n’est pas intéressée de déclencher une confrontation militaire avec Israël, contrairement aux éléments extrémistes en Syrie, avec à leur tête le Hezbollah, plus enclins à prendre l’initiative de lancer des opérations dans le Golan, surtout que le Hezbollah y a terminé l’édification d’un certain nombre de groupuscules et de réseaux terroristes, avec l’aide des deux côtés iraniens et syriens ».
S’agissant des causes de cette parité stratégique en Syrie, elle est due au changement dans l’approche de l’Occident du conflit syrien. Elle est passée de la menace d’attaquer le régime sur fond de son recours à l’arme chimique en août 2013, à l’annonce des frappes aériennes contre l’ennemi de ce régime, en l’occurrence l’État islamique (Daesh), tout juste un an après la première menace. Compte tenu de ces estimations des renseignements israéliens, quand bien même les États-Unis ne reconnaissent pas qu’ils consolident le maintien d’Assad en Syrie, mais leur politique a effectivement abouti à un renforcement de son pouvoir face à ses ennemis.
Toujours selon ces estimations, le régime syrien a fait face à un danger imminent en l’été 2013, « après utilisation de produits chimiques, mais l’intervention russe a réussi à cristalliser un règlement qui prévoit le démantèlement des armes chimiques, en échange de la suppression de l’attaque punitive, ce qui a éliminé la menace contre le régime ».
En ce qui concerne les pays voisins, à savoir le Liban et l’Irak, les estimations d’Amane s’attendent à ce que le conflit s’étende vers ces deux pays. « Comme il n’y a pas de barrière physique ou de frontière réelles qui séparent ces pays, le califat islamique, qui a été proclamé par l’organisation Daesh, s’étendra des deux côtés de la frontière, dans le nord de l’Irak, et à l’est de la Syrie. »
Sur le côté libanais, poursuivent les prévisions, le Hezbollah a érigé délibérément des positions militaires défensives tout au long de la frontière entre le Liban et la Syrie, et déployé plus d’un millier de combattants pour empêcher les miliciens et leurs approvisionnements d’entrer de la Syrie au Liban.
« Dans le cadre d’une ligne défensive, les membres du Hezbollah se déploient dans le cadre de patrouilles dans des endroits fixes. L’armée israélienne a remarqué une amélioration dans le niveau exécutif du Hezbollah le long de la frontière, à la suite de l’expérience acquise par les combattants dans la guerre syrienne ».
Quant à la guerre syrienne, elle a contribué « à une baisse considérable du niveau de la menace traditionnelle envers Israël à partir de la Syrie, car plus de 80 % des roquettes et des munitions de l’artillerie ont été tirées en direction de positions des miliciens dans ce pays, et il ne reste plus dans le Golan ni entrepôts ni munitions adressées contre Israël. La capacité de manœuvre de l’armée syrienne dans une confrontation avec Israël a fléchi pour devenir probablement inexistante. La menace chimique a été retirée après son démantèlement, ce qui entraîne un grand changement dans le rapport des forces avec un Etat considéré pendant plus de 40 ans comme l’ennemi d’Israël ».
Toutefois, les prévisions israéliennes confirment la persistance de l’inquiétude de ce que le Hezbollah pourrait effectuer, en particulier dans les zones du Golan contrôlées toujours par l’armée syrienne. Auquel s’ajoute une appréhension d’une autre nature dans les régions frontalières, celle d’être confisquée par le camp extrémiste de l’opposition syrienne et les groupuscules affiliés à Al-Qaïda.
Le renseignement israélien assure que le Hezbollah « a terminé l’édification dans les zones proches de la frontière de groupes armés, lesquels avaient précédemment tiré des roquettes en direction d’Israël à partir du plateau du Golan pendant la guerre récente contre la bande de Gaza ».
Selon lui, « le Hezbollah, avec l’accord d’Assad, va exploiter la région contrôlée par le régime au nord du plateau du Golan, pour lancer des opérations contre Israël, comme il l’a fait dans un passé récent à la suite des frappes aériennes, attribuées à Israël, contre le Liban et la Syrie ».
Les estimations israéliennes perçoivent un changement très important sur le front nord avec la Syrie et le Liban.
« Malgré le fait qu’Assad est resté ferme dans cette terrible guerre civile en Syrie, il y a un changement dans l’approche israélienne à ce front. Avant deux décennies, l’inquiétude d’Israël et des commandants de la région nord de l’armée, à l’instar d’Amiram Levin et Gabi Ashkenazi, était centrée sur la crainte qu’une opération réalisée par le Hezbollah puisse déclencher une guerre avec la Syrie. Mais maintenant, les choses sont à l’opposé : l’éventualité la plus troublante pour l’armée israélienne est qu’une opération déclenchée à partir de la Syrie ne puisse provoquer une guerre avec le Hezbollah ».
Selon Haaretz, l’actuel commandant de la région nord, le colonel Aviv Kokhavi, « a exprimé sa préoccupation sur d’éventuelles opérations dans le plateau du Golan, à un moment où il s’apprête à affronter l’avenir avec un ennemi très difficile, le Hezbollah au Liban ».