Le président russe Vladimir Poutine a tenu jeudi sa grande conférence de presse annuelle, qui a duré 3 heures et 10 minutes, réunissant 1 259 journalistes accrédités, dont 38 ont posé des questions. L’économie russe en perte de vitesse, les fluctuations vertigineuses du rouble, l’impact des sanctions économiques décrétées par l’Occident et les recettes pour sortir de la crise actuelle ont constitué les thèmes principaux. Le chef de l’Etat a également abordé le conflit dans le Donbass, la situation en Ukraine et les relations entre la Russie et ses partenaires occidentaux.
Situation économique
L’actuelle débâcle économique en Russie est provoquée en premier lieu par des facteurs extérieurs, dont la chute des cours du pétrole et les sanctions imposées par les États-Unis et l’Union européenne, estime Vladimir Poutine.
Pour y remédier, « la Banque centrale et le gouvernement du pays prennent des mesures adéquates dans l’actuel contexte économique », a déclaré le président. Selon lui, il faudra deux ans à la Russie pour sortir de la crise actuelle dans le pire des cas. Cependant, estime le président, la situation pourrait s’améliorer plus tôt. « Elle pourrait s’améliorer d’ici le premier, le deuxième semestre de l’année prochaine, voire au milieu de l’année prochaine », a indiqué Vladimir Poutine, précisant toutefois que « personne n’était capable de faire un pronostic exact », car « il y a trop de facteurs imprévisibles ».
Interrogé sur la chute du rouble, qui a perdu depuis le début de l’année 42 % de sa valeur face à l’euro et 49 % face au dollar, le chef de l’État russe a déclaré que la Banque centrale et le gouvernement prenaient des mesures adéquates dans la situation actuelle.
Certes, a-t-il ajouté, « il y a des questions à poser tant au gouvernement qu’à la Banque centrale eu égard à l’opportunité et à la qualité des mesures adoptées, mais en général, leurs actions sont absolument appropriées et vont dans la bonne direction ».
Évoquant les sanctions occidentales et la réponse de la Russie, qui a instauré un embargo sur de nombreuses denrées alimentaires importées, le président a fait savoir que les autorités russes soutiendraient l’agriculture nationale.
« L’assistance apportée au secteur agricole s’élèvera à 200 milliards de roubles (2,6 milliards d’euros) en 2015. J’espère que les agriculteurs le sentiront », a indiqué le chef du Kremlin.
Selon lui, les sanctions décrétées contre Moscou « ne sont pas le prix à payer pour la réunification de la Crimée avec la Russie, mais le prix de notre volonté naturelle de rester une nation, une civilisation, un État ».
Interrogé sur la décision de Moscou de renoncer au projet de gazoduc South Stream, qui devait relier la Russie à l’UE, Vladimir Poutine a souligné que cette décision était dictée par la position non-constructive de Bruxelles. Le chef de l’État a dans le même temps précisé qu’il « n’existait pas, et il n’y aurait pas à court terme de livraisons gazières moins chères et plus fiables que celles en provenance de Russie ». Évoquant la situation à l’intérieur du pays, Vladimir Poutine a fait savoir que les « révolutions de palais » étaient impossibles en Russie en premier lieu parce que « la politique nationale est soutenue par le peuple ».
Tout en reconnaissant les défis auxquels la Russie est actuellement confrontée, le chef du Kremlin a reconnu qu’il était responsable de la situation économique du pays, y compris de la chute du rouble.
« La responsabilité de tout ce qui se passe dans le pays incombe toujours au chef de l’État et à ceux qui le suivent dans la hiérarchie. Je ne me suis jamais soustrait à cette responsabilité, et je n’ai pas l’intention de le faire », a affirmé Vladimir Poutine.
Donbass
« La Russie continuera à aider le Donbass comme elle le fait aujourd’hui, en envoyant des convois humanitaires », a déclaré le chef du Kremlin, questionné sur l’attitude de Moscou envers la population de cette région ravagée par un conflit meurtrier entre les forces gouvernementales et les brigades indépendantistes. Depuis le 11 août, la Russie a envoyé plus de 11 000 tonnes d’aide humanitaire aux habitants de l’est de l’Ukraine, a précisé le chef de l’État russe.
Selon lui, « si l’Ukraine veut rétablir la paix, le calme et son intégrité territoriale, elle devra respecter les gens vivant dans le sud-est du pays, tout en menant avec eux un dialogue politique honnête et ouvert ». « J’espère que tout ira finalement dans ce sens », a conclu le président russe.
Il est persuadé que les volontaires combattant aux côtés des insurgés du Donbass ne sont pas des mercenaires. « Les hommes qui, suite à l’appel de leur cœur (…) combattent volontairement, notamment dans le sud-est de l’Ukraine, ne sont pas des mercenaires », a indiqué Vladimir Poutine.
Crise en Ukraine
Moscou est prêt à servir de médiateur pour lancer un dialogue entre les parties du conflit en Ukraine, afin de rétablir l’unité politique du pays, a déclaré le chef du Kremlin interrogé sur le rôle de la Russie dans la crise ukrainienne.
« Nous sommes prêts à y jouer le rôle de médiateurs, à engager un dialogue politique direct. Et à régler la situation par ces moyens et ces instruments politiques afin de rétablir un espace politique unique », a indiqué le chef de l’État. Selon lui, la position ferme de Moscou sur les crises, notamment sur la crise en Ukraine, « doit faire comprendre à nos partenaires que la seule bonne voie consiste à cesser d’ériger des murs et à se mettre à créer un espace humanitaire commun, celui de sécurité et de liberté économique ».
Relations internationales
Développant le thème des murs qui séparent la Russie de ses partenaires occidentaux, Vladimir Poutine a reproché à ces derniers de se considérer comme un empire et de tenir les autres pour des féaux menés à la bride.
« Le bouclier antimissile près de nos frontières, n’est-ce pas un mur ? Personne ne s’est arrêté. C’est là le problème majeur des relations internationales d’aujourd’hui : nos partenaires ne se sont pas arrêtés, ils ont décidé qu’ils étaient des vainqueurs, qu’ils formaient désormais un empire et que tous les autres étaient des vassaux qu’il faut tenir en bride », a affirmé le chef de l’État russe.
D’après lui, le problème est là. « Ils n’arrêtent pas de construire des murs en dépit de toutes nos tentatives et de nos gestes en vue de travailler de concert sans lignes de séparation en Europe et dans le reste du monde », a indiqué le président.
Interrogé sur le comportement de la Russie à l’égard de l’Otan, Vladimir Poutine a répondu que Moscou n’attaquait pas l’Occident dans le sens politique de ce terme, mais défendait ses intérêts nationaux.
« Vous avez dit que la Russie avait apporté sa contribution aux tensions que nous observons actuellement dans le monde. La Russie a en effet apporté sa contribution, mais uniquement en ce sens qu’elle défend de plus en plus fermement ses intérêts nationaux. Nous n’attaquons pas dans le sens politique de ce terme, nous n’agressons personne, mais défendons nos intérêts », a déclaré le chef du Kremlin.
Présidentielle 2018
À la question de savoir s’il comptait briguer un quatrième mandat présidentiel en 2018, Vladimir Poutine a répondu : « Il est trop tôt pour prendre des décisions (…). Il faut travailler dans l’intérêt des citoyens de la Fédération de Russie. On pourra tirer des conclusions et décider qui doit se présenter à l’élection de 2018 en fonction des résultats du travail et des tendances dans la société ».
Selon un sondage effectué début décembre par le centre Levada, le nombre de Russes qui souhaitent voir Vladimir Poutine conserver son poste de président après 2018 est passé de 33 à 58 % en un an.