Le New York Times a publié un article sur un phénomène qui se développe en Europe : celui des personnes qui se suicident à cause de la crise, parce qu’elles ont perdu leur emploi ou que leur entreprise a déposé le bilan. Mais dans un article du même journal, Paul Krugman, prix Nobel d’économie, se demande si ce ne sont pas plutôt les dirigeants européens qui sont en train de commettre le suicide de l’Europe toute entière.
Ces dirigeants se sont entêtés à mener des politiques d’austérité, comme en Espagne, qui est actuellement en récession, avec un taux de chômage à 23,6%, et un chômage des jeunes qui dépasse les 50%. Pourtant, l’Espagne n’a pas pêché par des excès de dépenses, et les histoires de moralité des officiels européens, en particulier les Allemands, ne peuvent pas s’appliquer ici. C’est l’éclatement de la bulle immobilière espagnole qui est à l’origine des problèmes de l’Espagne, qui ont ensuite creusé ses déficits. Ceux-ci sont une conséquence de la crise espagnole, et non sa cause. Et pourtant, les officiels allemands préconisent toujours plus de rigueur.
C’est de la folie, estime Krugman. Les mesures d’austérité ne font qu’aggraver la récession des pays, et comme les investisseurs jaugent la situation économique d’un pays pour en apprécier sa capacité de remboursement, ils réclament des taux d’intérêt encore plus élevés pour les prêts qu’ils leur consentent.
Dans les années 1930, que l’Europe est en train de revivre, d’une certaine manière, la relance économique était conditionnée par la sortie du système de l’étalon or. Cela suppose que pour l’Europe, la reprise passe par la sortie de l’euro, mais ce serait une catastrophe sur le plan politique et économique. Si les dirigeants européens veulent réellement faire quelque chose, ils doivent dire qu’ils sont d’accord pour que la Banque Centrale Européenne mène une politique monétaire expansionniste, même si cela doit se faire au prix de plus d’inflation. Les PIIGS devraient probablement attendre plusieurs années avant de pouvoir constater une amélioration sensible de leur situation, mais au moins, il y aurait un espoir de relance, estime Krugman.
En mars dernier, les dirigeants européens ont signé un traité qui confirme l’adoption de la logique de la rigueur comme réponse aux problèmes. Et les officiels de la Banque Centrale Européenne continuent de dire qu’ils relèveront les taux d’intérêt si l’inflation augmente. C’est difficile de ne pas se sentir désespéré, conclut Kurgman. « Plutôt que d’admettre qu’ils ont eu tort, les dirigeants européens semblent déterminés à pousser leurs économies et leurs sociétés du bord de la falaise. Et c’est le monde entier qui en payera le prix ».