C’est à Kramatorsk et à Slaviansk, où sont déployées les principales forces des milices cosaques, que l’on peut rencontrer l’une des figures cosaques les plus emblématiques : celle du commandant Babaï (photo ci-contre). Cosaque orthodoxe, il a su séduire les journalistes russes grâce à son aspect singulier. A sa ceinture pendent un pistolet et un couteau nu.
Le commandant Babaï veut construire sur le territoire de l’Ukraine un Hetmanat cosaque placé sous la suzeraineté d’un Tsar orthodoxe. Il se vexe lorsqu’on le compare aux nationalistes ukrainiens, lui qui se dit guerrier orthodoxe. Babaï affirme que l’Ukraine est un Etat artificiel et que les Ukrainiens n’existent pas en tant que nation.
Gazeta.ru : Vous vous définissez comme un guerrier orthodoxe, n’est-ce pas ?
C’est exact. Les Cosaques sont des guerriers orthodoxes.
Qu’est-ce que vous attendez ? Comment les événements vont-ils évoluer selon vous ? La Russie fournira-t-elle une aide ou bien l’Ukraine va-t-elle commencer une guerre à grande échelle et vous envoyer les chars ?
Non, les Ukrainiens ne choisiront pas cette voie. Les mercenaires, oui. Ces gens que l’on paie pour ça. On y trouve des bandits, des mercenaires de différentes régions et du monde entier.
Irez-vous au combat si les autorités de Kiev lancent une guerre à l’échelle nationale ? Jusqu’où la Russie vous soutiendra-t-elle ?
Vous savez, officiellement, la Russie ne nous aide pas. En fait, ce sont les gens qui nous aident. Des gens de toutes les régions du pays nous viennent en aide. Ce pays, que l’on appelle Ukraine ou « extrémité de la Russie », et donc Russie en soi.
Quoi qu’il en soit, ces gens ont tous vécu 23 ans en Ukraine. Cela ne vous attriste pas de la voir éclater en morceaux ? D’abord la Crimée, puis la « Nouvelle Russie » (en russe, « Novorossia », désigne les territoires du Nord de la mer Noire)
Vous savez pourquoi je ne m’en offusque pas ? Parce que le plan Dulles, comme on l’appelle, est en action. Vous comprenez, actuellement, des peuples frères sont montés l’un l’autre. Nous devons aujourd’hui tuer des chrétiens orthodoxes comme nous. Nous ne le souhaitons pas, mais de leur côté, on les y oblige. Nous avons réussi à capturer un homme du « Secteur droit » (le groupe d’extrême-droite nationaliste, ndlr). Il était dans l’une des unités de « Secteur droit ». Il a été contacté par l’un d’entre eux qui lui a dit : soit tu viens avec nous, soit tu n’existes plus, et ta famille, tes proches, tes amis disparaîtront avec toi. Que pouvait-il faire ? Bien sûr qu’il les a suivis, à ses risques et périls…
Vous pensez que l’armée ukrainienne se bat actuellement sous la menace de ses camarades, le pistolet sur la tempe ?
Oui. Les simples soldats qui ont été appelés ne souhaitent pas se battre contre leur propre peuple qu’ils ont jurés de protéger. Mais la garde nationale, en revanche, n’a prêté aucun serment sur la défense du peuple ukrainien. Ils tuent sur commande et pour l’argent.
Pensez-vous que la Russie va envoyer ses troupes ?
A sa place, je le ferais. Y aura-t-il des élections présidentielles le 25 mai prochain ?
Je ne pense pas. Si c’est le cas, elles ne seront pas légitimes, car il y a un encore un président vivant, actuellement hors de l’Ukraine. Je pense que ces élections ne sont pas légitimes. Et personne ne reconnaît leur légitimité. Par exemple, la Russie ne la reconnaît pas. Quant à l’avis des autres pays, des États occidentaux, il ne nous intéresse pas. Que l’Occident lave son linge sale en famille. Et nous, nous règlerons nos différents entre peuples orthodoxes.
Comment voyez-vous l’avenir des « Républiques populaires » de Donetsk et Lougansk ?
Comment ? Radieux.
Autonome ou faisant partie de la Russie ?
Au sein de la Russie, je pense.
Donc, ce serait une sorte de renaissance de l’Empire russe…
Oui. Et puis j’aimerais ressusciter l’Hetmanat cosaque. Pour qu’il n’y ait plus aucun pouvoir étatique. Un pouvoir central, sous la direction d’un ataman (chef cosaque, ndlr).
Le gouvernement ukrainien considère qu’ici, il n’y a que des terroristes et des séparatistes, et que la moitié au moins sont soit Russes, soit du GRU (Service de renseignements de l’Etat-major des forces armées, ndlr). Quelle est la part de vérité ?
Comme dit le proverbe, la peur a de grands yeux. Ils pensent que nous sommes du GRU, des forces d’intervention spéciales. Oui, nous sommes un détachement de forces spéciales, le détachement des cosaques à désignation spéciale, les « Cents loups ». Maintenant, les Cosaques des « Cents loups » vont nous rejoindre et je pense que nous allons rapidement éclaircir la situation.
Les Ukrainiens disent qu’il y a beaucoup de Tchétchènes, que les hommes de Kadyrov sont à vos côtés pour combattre…
Je ne sais pas. Pour l’instant, à Kramatosk et à Slaviansk, il n’y a pas une seule unité tchétchène. Nous n’avons pas besoin des Tchétchènes ici. Nous mêmes, peuples orthodoxes, savons résoudre nos problèmes entre nous.
Quel message souhaiteriez-vous adresser à l’armée ukrainienne ?
Chère Garde nationale, « Secteur droit », junte et tous les autres, mercenaires ou non, voici ma requête : renoncez et rentrez chez vous. Posez vos armes à la maison, prenez vos bêches et allez travailler vos terres. Parce que vous pensez que vous gagnerez ici de l’argent, mais en allant à la mort, comment le dépenserez-vous ? Plutôt difficile. Et qui dépensera ? Vos familles ne recevront sans doute jamais rien. C’est la première chose.
Ensuite, parce que vous êtes venus ici et que vous avez commencé à tuer des gens, des civils, je pense qu’après cela, vos propres familles souffriront. Alors renoncez, déposez les armes et ne venez plus fourrer votre nez dans cette politique crasseuse. Voilà tout.