Émoi en Allemagne. Bodo Ramelow (photo ci-contre), de la gauche radicale, devrait être élu vendredi ministre-président en Thuringe. Pour certains, une insulte aux victimes de la Stasi.
L’Allemagne s’apprête à vivre ce vendredi un événement politique historique. Avec l’élection de Bodo Ramelow comme ministre-président de Thuringe, les héritiers du parti de la dictature est-allemande (Die Linke) célébreront en effet leur « retour au pouvoir » dans une région sise dans les frontières de l’ex-Allemagne de l’Est.
Vingt-cinq ans après la chute du Mur, cette élection révolte beaucoup de monde. Pour le chanteur Wolf Biermann, déchu de sa citoyenneté en 1976 par le régime communiste, c’est une insulte aux victimes de la Stasi. Pendant les cérémonies de la chute du Mur, il a dit devant l’Assemblée fédérale ce qu’il pensait aux représentants de ce mouvement politique bâti sur les ruines du parti unique (SED) : « Vous n’êtes que le misérable résidu de ce que nous avons vaincu ! »
En Thuringe, plus de la moitié des députés du Conseil régional (Landtag) sont en effet d’anciens cadres du régime, parmi eux un dénonciateur de la Stasi et un ancien officier de la Volkspolizei, la police du Mur. Bodo Ramelow se fait élire « avec des voix de la Stasi », a attaqué Johanna Wanka, la ministre de la Formation au gouvernement Merkel. « Je ne comprends pas pourquoi les sociaux-démocrates et les écologistes acceptent de redonner les clés aux anciens gardiens de prison », a ajouté Stephan Schambach, le patron d’Intershop, une importante entreprise de logiciels située dans la région, à Jena.
« On ne peut pas accepter de voir la politique allemande fonctionner comme la Russie, infiltrée par d’anciens membres du KGB qui tirent les ficelles en coulisses », a commenté Hubertus Knabe, le directeur du Mémorial Hohenschönhausen, l’ancienne prison politique de la Stasi, un mémorial dédié aux victimes de la dictature.
Les plus hauts dirigeants de l’État ont également dénoncé cette élection. « Les gens comme moi qui ont connu le régime devront faire de gros efforts pour accepter ça », a lâché le président de la République, Joachim Gauck, un ancien pasteur de l’Est. « C’est une très mauvaise nouvelle pour la Thuringe », a ajouté la chancelière Angela Merkel, elle aussi originaire d’Allemagne de l’Est.
Malgré sa métamorphose démocratique, Die Linke n’arrive toujours pas à se libérer de ses « vétérans » compromis avec la dictature. En Thuringe, la moyenne d’âge des 5 300 adhérents est de 66 ans. Au niveau fédéral, la « plate-forme communiste » réclame une sortie de l’OTAN et constitue toujours un obstacle pour une coalition au niveau fédéral. Le futur ministre-président de Thuringe, qui est venu de l’Ouest après la réunification, tentera malgré tout de faire un modèle de sa coalition avec le SPD et les Verts. Mais une alliance à Berlin reste inimaginable. Les divergences sont encore trop importantes en matière de politique sociale et internationale pour pouvoir renverser Merkel de son trône en 2017 dans un « front de gauche ».